Congrès des maires - Réforme de la fiscalité locale : saisir la balle au bond ?
Le 20 novembre, devant l'assemblée des maires du Congrès AMF, le président de la République s'est déclaré favorable à un Grenelle de la fiscalité locale. Le 22, à l'occasion du débat consacré aux finances locales, la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a donné son plan de travail ainsi que les principes qui appuieront cette réforme : "Dans le cadre du chantier de la revue générale des prélèvements obligatoires qui consistera à mettre à plat l'ensemble de la fiscalité, nous allons engager la réforme de la fiscalité locale. Trois principes guideront mon action : une nécessaire plus grande lisibilité pour le contribuable, une plus grande autonomie pour les collectivités et enfin, une plus grande efficacité pour lever l'impôt." Pour le moment, la ministre de l'Economie, à l'instar de Nicolas Sarkozy l'avant-veille et de François Fillon quelques heures plus tard en clôture du congrès, a mis à l'accent sur trois chantiers : le réexamen de la taxe professionnelle pour favoriser l'emploi et moins taxer le travail, la réforme des valeurs locatives et la spécialisation fiscale.
Du temps ou une urgence ?
Estimant qu'une telle réforme nécessitait du temps, la ministre de l'Economie a détaillé son programme d'action : "Nous allons d'abord définir notre stratégie pour proposer un premier document de référence fin 2007. Ensuite, des groupes de travail seront mis en place dont un consacré à la fiscalité locale. Au printemps 2008, une programmation des modifications et un calendrier de réforme seront établis." L'élaboration des décisions suivant l'exemple du Grenelle de l'environnement est-elle en adéquation avec le sentiment d'urgence partagé par tous les intervenants du débat du 22 novembre ? " La crise est arrivée", selon Pascal Buchet, rapporteur de la commission des finances de l'AMF. Rappelant le rapport Richard, le rapport Valletoux et les propositions faites mi-novembre par l'ARF, l'ADF et l'AMF, Didier Migaud, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale et maire de Seyssins (6.850 habitants, Isère), a déclaré : "Le stade des rapports et des missions est terminé : le moment est bon pour avancer."
DGF 2009 ?
"Il faut saisir la balle au bond, a confirmé Pierre Richard, président du conseil d'administration de Dexia. Attention au piège d'une remise à plat de la fiscalité locale qui ne prendrait pas en compte les dotations de l'Etat. A court terme, et dès l'année prochaine, les collectivités territoriales doivent agir en rang serré pour exiger une véritable négociation avec l'Etat sur la DGF : si comme cette année, l'évolution de la DGF se limite à l'indexation sur l'inflation, il n'y aura plus de péréquation." Gilles Carrez, rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a lui aussi tiré la sonnette d'alarme : "En 2008, il faut tout faire pour sauvegarder la DGF car c'est le seul moyen pour faire une véritable péréquation." Ajoutant qu'il faut déverrouiller le système en matière de fiscalité locale en redonnant aux collectivités leurs responsabilités et donc réintégrer les exonérations et dégrèvements dans la fiscalité locale, le président du Comité des finances locales a conclu que l'heure de la clarification des recettes et des compétences est venue. Et c'est là que "l'union sacrée" entre l'AMF, l'ADF et l'ARF lancée lors du congrès de l'AMF de 2006 et aujourd'hui consacrée par les propositions communes en matière de réforme de la fiscalité locales, risque de trouver ses premières limites.
Compétences et fiscalité
Le débat en cours sur les compétences qui se tient au sein de la mission Lambert provoque déjà des réactions dissonantes. "Je suis très sévère sur l'organisation actuelle des compétences des collectivités, a déclaré Alain Rousset, président de l'ARF. La décision coûte plus cher et impose plus de temps. Il est temps de lancer une vaste clarification des compétences." "La clarification des compétences est le préalable à la réforme fiscale", a reconnu Didier Migaud. Jacques Pélissard, président de l'AMF, a donné la position de l'Association des maires de France : "Les communes doivent garder leur clause de compétence générale et les intercommunalité leurs compétences déléguées. Et, comme l'ARF, nous estimons que les régions et les départements doivent être régis par des clauses de compétences spécialisées, mais sur ce point les présidents des départements ne sont pas à ce jour d'accord entre eux." Du côté du gouvernement, et Nicolas Sarkozy l'a rappelé le 20 novembre, la décentralisation n'est pas une priorité du moment : "Je ne ferai pas une nouvelle étape de la décentralisation avant qu'on ait fait le bilan des conséquences de ces trente années de décentralisation." "De toute façon, a conclu Alain Rousset le 22 novembre, une telle clarification des compétences n'aura d'intérêt que si l'Etat respecte ces clauses de compétences et ne demande pas aux collectivités de financer, par exemple, les TGV."
Clémence Villedieu
Pour une loi organique sur les finances locales
Pascal Buchet, rapporteur de la commission des finances de l'AMF et maire de Fontenay-aux-Roses (23.547 habitants, Hauts-de-Seine), a dévoilé lors du débat sur la fiscalité locale l'une des dispositions adoptées dans la résolution générale : "L'Etat doit se départir d'une culture de défiance vis-à-vis des collectivités et c'est pourquoi nous demandons une loi organique sur les finances locales qui pourrait notamment institutionnaliser la conférence des exécutifs locaux." La résolution générale précise que cette loi organique pourrait permettre de redéfinir les ressources propres des collectivités, de conférer à l'autonomie fiscale une assise plus solide et plus durable. Elle ouvrirait aussi aux collectivités la saisine du Conseil constitutionnel pour faire respecter les principes de libre administration, d'autonomie financière et fiscale et de péréquation.