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Education - Refondation de l'école : reconnues, les collectivités seront davantage sollicitées

Projet éducatif local, cahier des charges national Etat-collectivités, contrat d'objectifs associant non plus seulement les établissements et les recteurs mais aussi les collectivités... Le projet de loi d'orientation et de programmation sur la refondation de l'école, qui sera présenté avant la fin de l'année en Conseil des ministres, introduira de nouveaux modes de contractualisation entre l'Etat et les collectivités.

"Je suis favorable au retour à une semaine de neuf demi-journées." C'est l'une des déclarations du président de la République, ce mardi 9 octobre à la Sorbonne, qui aura été la plus reprise dans la presse. La question des rythmes scolaires, abordée dans le cadre de la concertation "Refondons l'école de la République", est en effet la plus médiatisée, souvent pour ses impacts dans l'organisation familiale, parfois dans l'emploi du temps des professeurs, assez peu pour ce qui concerne les collectivités. Elles seront pourtant en première ligne.

Des PEL pour mettre en œuvre les rythmes scolaires

Le passage à la semaine des 4,5 jours, et son corollaire d'une journée réduite à 4 heures de la maternelle à la 5e (5 heures au-delà), impliquent "que les élèves ne soient pas livrés à eux-mêmes à partir du milieu de l'après-midi et que les inégalités d'accès aux activités éducatives culturelles ou sportives ne s'en trouvent pas creusées", a souligné François Hollande, citant les dispositifs à mettre en place : accompagnement périscolaire, pratique culturelle et sportive, aide aux devoirs dans l'établissement. Et cela "dès la rentrée 2013".
"Les collectivités territoriales y seront associées dans le cadre de projets éducatifs locaux", a confirmé le président de la République, reprenant une idée issue de la concertation. Le rapport de la concertation, remis le 5 octobre à Vincent Peillon, le ministre de l'Education, recommandait par ailleurs d'"inscrire dans la loi" ces PEL et d'y insérer un "contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens tripartite". Ce contrat serait en fait l'élargissement du contrat d'objectifs actuel passé entre le recteur et les établissements du second degré. Y intégrer les collectivités permettrait de "mieux reconnaître [leur] place".

La fin de la ZEP ?

Il semble même que, pour François Hollande, les contrats d'objectifs pourraient remplacer les dispositifs de discrimination positive en cours. "Nous n'avons pas toujours su traiter, dans leur diversité, les difficultés territoriales", a déclaré le président de la République (sans jamais utiliser le mot d' "éducation prioritaire" mais en énumérant les "acronymes plus ou moins heureux ZEP, RAR, Eclair, ZRR et bien d'autres"). Il préconise quant à lui "une autre approche" : celle de "l'aide personnalisée aux établissements". "Il s'agira de différencier, dans le cadre de leur contrat d'objectifs, les moyens des établissements en fonction de leurs spécificités territoriales, scolaires et sociales". Cette "aide" aura, selon lui, "l'avantage, en associant mieux les collectivités locales, de redonner de la souplesse à un système aujourd'hui essoufflé".
Dans le même temps, il "propose d'affecter dans les territoires en difficultés des enseignants expérimentés, sur la base du volontariat et de garantir une grande stabilité des équipes". "Je suis prêt à accorder de meilleures conditions de travail pour ceux qui sont confrontés à des situations éprouvantes".
Dans les zones en difficultés également, il propose de relancer la scolarisation des enfants de moins de trois ans "dès la rentrée 2013".

Un fonds de compensation et un cahier des charges Etat-collectivités

Le rapport soulignait également la nécessité d'"accompagner financièrement les collectivités dans la mise en œuvre de la réforme (des rythmes scolaires) par la mise en place d'un fonds de compensation destiné à assurer l'égalité territoriale, dans le cadre d'une approche interministérielle". Autre proposition issue de la concertation : "définir un cahier des charges national sur la base des expérimentations menées par de nombreuses collectivités."
Le rapport suggère en effet de privilégier la formule du cahier des charges dans le cadre d'une "contractualisation entre l'Etat et les collectivités territoriales (qui) fasse davantage usage d'instruments souples et collaboratifs". Cet outil lui semble "particulièrement adapté" pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires mais aussi pour l'équipement des écoles.
Au chapitre "Rénover l'espace éducatif", le cahier des charges Etat/collectivités serait particulièrement approprié "pour adapter les locaux et équipements aux besoins d'une école ancrée dans la société du XXIe siècle", en termes d'architecture et d'ergonomie. Il s'agirait de fournir un "cadre accueillant et propice aux activités pédagogiques, éducatives, culturelles et de détente". Idem pour le numérique : "parce que la question du numérique est une question de justice et d'égalité, les territoires doivent être au cœur de la réflexion", peut-on lire dans le rapport. Au cœur aussi du financement, ajoute François Momboisse, l'un des animateurs de la concertation. "Les régions doivent avoir un plan d'équipement numérique pour assurer la connexion haut débit sur tout le territoire, élaboré et mis en œuvre avec les départements, les communes, les préfets et les recteurs", explique-t-il sans détours.
Pour sa part, le président de la République a déclaré : "Le gouvernement donnera tous les moyens pour déployer les ressources et réussir le défi du numérique." "Le partage des compétences et des charges entre l'Etat et les collectivités doit être organisé précisément dans la loi", avait insisté le rapport.

Sur fond de réforme de la décentralisation…

La question des compétences n'est pas réservée à celle du numérique. Le rapport issu de la concertation avait d'ailleurs inscrit sa réflexion dans le cadre du nouvel acte de la décentralisation. "Les participants ont déclaré leur attachement à une éducation nationale qui détermine ses principes de fonctionnement conformément aux dispositions arrêtées par le Parlement", peut-on lire dans le rapport, qui ajoute : "Cette position est pleinement compatible avec un partenariat reconnu et renforcé avec les collectivités locales."
D'ailleurs, "la définition d'une carte des formations que les régions prépareront avec l'Etat" est une des réformes les plus urgentes, selon le président. "L'objectif, c'est de passer d'une orientation subie à une orientation choisie (…) : ce sera le sens du service public régional de l'orientation", a-t-il ajouté, répondant ainsi à une proposition de l'ARF.

Des inégalités territoriales enfin reconnues

Les inégalités territoriales ont été une des grandes découvertes des responsables de la concertation, selon Nicole Mons, l'une des quatre personnalités membre du comité de pilotage de la concertation, "y compris parce que les investissements des collectivités territoriales sont différentes", a-t-elle précisé.
Si la participation des collectivités n'était pas au cœur des débats, elle revenait régulièrement. "Les collectivités territoriales représentent 25% environ de la dépense de l'éducation nationale", a souligné le président de la République, "contre 14% en 1980", précisait le rapport de la concertation, précisant que "les dépenses des communes représentent aujourd'hui 39% des dépenses globales pour le premier degré", et s'insurgeant "des écarts de financement des écoles primaires de 1 à 10". "Avec de telles disparités de budget, les contextes d'apprentissage de nos école primaires sont devenus très inégaux", regrette-t-il.
Pour l'enseignement secondaire, les financements des régions et départements "sont tout aussi inégaux", observe-t-il, prenant pour exemple les dépenses des régions en 2008 : elles étaient de 2.320 euros par lycéen en moyenne, mais de 3.660 pour la région Languedoc-Roussillon, contre 1.240 à la Réunion et 1.540 en Rhône-Alpes. Des différences qui viennent en parties de "priorités politiques", d'où l'exigence d'un retour de l'Etat, dans le cadre d'une contractualisation renforcée avec les collectivités.
Suite à la clôture de cette vaste concertation lancée le 5 juillet dernier, Vincent Peillon présentera jeudi prochain, devant le Conseil supérieur de l'éducation, les axes du projet de loi d'orientation et de programmation, lequel sera ensuite communiqué en Conseil des ministres avant la fin de l'année.

 

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