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Education - La Cour des comptes critique le mode d'allocation des moyens aux établissements scolaires

Les inégalités dans la réussite scolaire ne sont pas assez prises en compte dans la répartition des moyens dans l'enseignement scolaire, a regretté mercredi 3 octobre la Cour des comptes. Elle souhaite que des critères reflétant précisément les besoins scolaires des élèves (basés sur les résultats des évaluations nationales et examens) soient mis en application. La Cour a mis en ligne sur son site la synthèse d'un "référé", rapport adressé le 11 juillet par son premier président au ministre de l'Education, et dont des fuites avaient suscité un début de polémique au printemps dernier. Elle se fonde sur le contrôle qu'elle a effectué au ministère et dans quatre académies - Aix-Marseille, Créteil, Dijon et Rennes - regroupant près de 20% des élèves du primaire comme du secondaire. Elle s'est ainsi interrogée sur les politiques mises en oeuvre par le ministère de l'Education nationale pour réduire les inégalités de résultats et atteindre les objectifs d'égalité des chances et de réussite de tous les élèves, fixés par la loi.  La Cour s'est référée à deux enquêtes Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) de 2006 et 2009 qui plaçaient la France respectivement en 30e puis 26e position, sur 30 pays membres cités, quant au pays où l'écart de résultat était le plus important entre les élèves de statuts sociaux favorisés et défavorisés.

Situations paradoxales

Le système éducatif ne corrige pas les inégalités de départ dans la situation des élèves, en conclut la Cour. Elle observe une "absence de corrélation entre les difficultés scolaires constatées sur le terrain et les moyens d'enseignement alloués par le ministère", voire "parfois des situations paradoxales, dans la mesure où des établissements confrontés à un échec scolaire important peuvent être moins bien dotés que des établissements qui ont des taux de réussite plus élevés", souligne le document. L'objectif de réussite de tous les élèves implique que soient répartis de façon optimale entre académies et établissements scolaires l'ensemble des moyens pédagogiques de l'enseignement public, ce qui recouvre l'affectation de plus de 720.000 enseignants pour un coût annuel d'environ 57 milliards d'euros, précise la Cour.
Les modèles d'allocations des moyens, créés il y a une dizaine d'années, reposent pour le primaire sur des critères "désormais largement inadaptés aux objectifs", déplore la Cour, citant l'appartenance à une zone rurale ou urbaine, la catégorie socioprofessionnelle moyenne des familles, la proportion de parents allocataires de minima sociaux... Ces critères n'expliquent qu'indirectement et partiellement les difficultés scolaires, selon la Cour. En primaire, les académies rurales se trouvent "nettement avantagées", "y compris par rapport aux académies qui subissent les plus fortes contraintes sociales".
Dans le secondaire, des calculs souvent fondés sur les dotations des années précédentes créent une "inertie de la répartition des moyens", au détriment d'académies comme Versailles et Créteil, dont les dotations figurent systématiquement dans le bas du classement malgré leurs difficultés.

"Une révision du dispositif et de la politique d'éducation prioritaire s'impose"

La Cour recommande notamment de prendre en compte des critères qui reflètent directement les besoins des élèves sur le terrain, comme les résultats aux évaluations ou aux examens, et de retenir un territoire de référence plus petit et homogène que l'académie, comme le "bassin de formation". Pour la Cour, la répartition se fait sur la base d'un échelon territorial trop large - l'académie - et sans prendre suffisamment en compte les besoins effectifs des élèves... L'ensemble des dispositifs devrait être avant tout conçu à partir du terrain et des besoins des élèves, et non à partir de critères généraux basés sur des statistiques globales, avance la Cour en préconisant un rééquilibrage qui devrait être complété par trois actions également indispensables : une redéfinition de la carte des formations permettant de mieux assurer l'égalité entre élèves, une sectorisation mieux orientée vers la mixité sociale et scolaire et une politique d'éducation prioritaire plus concentrée sur les établissements à forte difficulté en mettant fin à l'empilement des dispositifs hérités de l'histoire. 
Pour terminer, la Cour préconise que la réflexion qui sera engagée à l'occasion de la loi de programmation pour l'éducation ne pourra se limiter au seul ministère de l'Education nationale. Selon elle, cette action engage l'ensemble des départements ministériels concernés par la question des inégalités territoriales (politique de la ville, affaires sociales, logement, transports).
"La principale conclusion de vos travaux est que la politique éducative du ministère pourrait contribuer à renforcer les inégalités scolaires", écrit Vincent Peillon dans sa réponse à la Cour le 13 septembre 2012. Il reconnaît que "la persistance d'écarts de performance scolaire est indéniable" mais que "leur réduction est au coeur de la politique éducative qu'il m'appartient de conduire". Le ministre de l'Education concède que le modèle actuel d'allocation de moyens "doit effectivement faire l'objet d'ajustements" et qu'"une révision du dispositif et de la politique d'éducation prioritaire s'impose". "Pour autant, allouer les moyens scolaires en fonction de la performance observée des élèves ne me semble pas pertinent car cela signifierait une relation mécanique et linéaire entre amélioration des moyens et performance scolaire", objecte Vincent Peillon qui souhaite que soient pris en compte le poids de l'académie, la démographie des élèves et les disparités géographiques et sociales. Le ministre confirme dans son courrier à la Cour que des travaux de refonte du système d'allocation des moyens sont "bien avancés" et "qu'ils rejoignent les préoccupations de la Cour".

 

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