Education - La concertation sur l'école trouvera-t-elle le bon rythme ?

Parmi les nombreuses concertations engagées ou annoncées par le gouvernement, celle pilotée par le ministre de l'Education nationale a été la première à voir le jour : "Refondons l'école", lancée de concert le 5 juillet par Vincent Peillon et Jean-Marc Ayrault, dont les quatre groupes de travail et les 21 ateliers se sont effectivement tout de suite mis à l'ouvrage à raison d'une à deux réunions hebdomadaires. Parallèlement, des "initiatives décentralisées" doivent être organisées sous forme "de forums et de débats ouverts, co-organisés avec des partenaires", dont les collectivités. A partir de l'ensemble de ces travaux, un rapport est attendu début octobre, rapport qui servira ensuite de base à un projet de loi d'orientation et de programmation pour l'automne. Le ministère a eu l'occasion de préciser que "d'autres engagements, ne relevant pas du domaine législatif" viendront sans doute compléter la "colonne vertébrale" que doit représenter cette future loi.
Les associations d'élus locaux ont bien été invitées à prendre part aux travaux. De même, l'Association nationale des directeurs de l'éducation des villes (Andev) indique avoir "dépêché un certain nombre de membres" pour représenter les cadres des services éducation des collectivités territoriales (et se fait d'ailleurs l'écho, sur son site internet, du déroulement des travaux).
Sur les quatre groupes de travail, le groupe 3, sous l'intitulé "Un système éducatif juste et efficace", est a priori celui qui concerne le plus les collectivités, puisqu'il y est question de carte scolaire, de "gouvernance" et de numérique. Mais on s'aperçoit qu'en réalité, tous les groupes impliquent les collectivités d'une façon ou d'une autre. Ainsi, le groupe 1, consacré à "La réussite scolaire pour tous", bien que centré sur l'acquisition des connaissances et compétences (que ce soit en primaire, au collège ou au lycée), est forcément amené à s'interroger aussi sur des questions liées à l'articulation entre le scolaire et le "hors scolaire", aux mises en réseaux des établissements et aux enjeux géographiques ("faut-il développer une formation qui conforte les lycéens et étudiants à rester sur leur territoire ou favoriser la mobilité ce qui suppose une politique d'hébergement, de transports ?", rapporte par exemple l'Andev). Quant au groupe 2, baptisé "Les élèves au cœur de la refondation", c'est lui qui est prioritairement invité à se pencher sur le fameux dossier des rythmes scolaires.

Rythmes scolaire : "globalité et "continuité", deux principes plébiscités

Sur cette question des rythmes, on a un peu l'impression que tout a déjà été dit… (voir ci-contre notre dossier dédié).  Mais au-delà de certaines déclarations ministérielles jugées précipitées (notamment sur l'allongement des vacances de la Toussaint 2012) et de quelques grands principes (allongement de l'année scolaire, semaine de 4 jours et demi, raccourcissement de la journée), difficile de dire si une recette innovante - et néanmoins consensuelle... - pourra émerger de la concertation.
Certes, tous les acteurs semblent être d'accord sur un point, en tout cas en théorie : "Il ne s'agit pas d'une simple question d'horaires scolaires ou d'emploi du temps, mais bien de concevoir, en s'appuyant sur cet aménagement, un projet éducatif global, avec l'ensemble des partenaires locaux", tel que l'avait d'emblée souligné le ministère. Vincent Peillon lui-même dit préférer parler de "rythmes de l'enfant" plus que de rythmes scolaires. Autrement dit, le temps périscolaire, sur lequel les collectivités sont en première ligne, ne peut être négligé.
Et les représentants des collectivités veillent à ce qu'on ne l'oublie pas. "Il est indispensable que l'organisation des rythmes de vie de l'enfant soit réfléchie dans sa globalité et non pas de façon partielle, permettant un réel rééquilibrage des temps et une véritable cohérence dans les actions menées, en faveur d'une continuité éducative", insistait par exemple l'Andev en juin dernier (lire notre article du 14 juin). Attention, prévenait de même l'Association des maires de France (AMF) à la mi-juillet, à bien intégrer "les problématiques de transport scolaire, restauration, activités sportives et culturelles des enfants" et à tenir compte de "l'organisation et [du] financement des activités périscolaires des élèves", en n'oubliant pas qu'il "n'existe pas partout des associations sportives et culturelles et des animateurs qualifiés" (lire notre article du 13 juillet).

Un cadre fixé par l'Etat

"Le débat, tel qu'il est engagé, montre bien à la fois une bonne volonté de l'ensemble des partenaires, mais en même temps un risque de se focaliser chacun sur le temps dont il est responsable" : "les enseignants sur le temps scolaire actuel", "les collectivités sur le temps périscolaire, en recherchant les moyens de faire face à l'augmentation du temps généré par la nouvelle organisation pour offrir aux familles la même amplitude d'accueil au quotidien les lundi, mardi, jeudi et vendredi voire pour offrir une amplitude augmentée pour répondre aux besoins des familles", "les familles qui vont se concentrer sur leur propre organisation arbitrant entre travail, mode de garde, et gestion du temps libre dans un contexte social difficile". Ces propos, extraits d'une contribution de Bernard Meyrand, directeur de la mission projet éducatif local (PEL) à la direction de l'éducation de la ville de Lyon, résument bien les choses. Cet acteur de terrain propose l'élaboration d'un "cadre commun d'analyse qui pourrait s'appeler 'charte de la continuité éducative'" qui permettrait notamment, explique-t-il, de développer "une réponse globale de la communauté éducative, depuis l'école aux centres de loisirs en passant par les activités artistiques, culturelles et sportives". Une perspective, précise-t-il, qui s'appuierait sur les Projets éducatifs locaux déjà engagés sur les territoires.
De son côté, Vincent Peillon, lors d'une audition en juillet à l'Assemblée (lire notre article du 12 juillet), a assuré être prêt à "aller très loin" en termes d'adaptation aux spécificités locales et aux préoccupations des collectivités. Avec toutefois, a-t-il prévenu, un "verrou" : "Nous savons qu'un RPI [regroupement pédagogique intercommunal] de Haute-Saône ou une école de Gennevilliers n'a pas les mêmes moyens pour organiser le périscolaire qu'un établissement du centre de Lyon, de Toulouse ou de Paris. C'est la responsabilité d'une politique de l'Etat de créer le cadre, qui n'existe pas aujourd'hui, qui pourra être d'ordre législatif (…), permettant de nous assurer que tous les enfants, quel que soit leur territoire, aient les mêmes droits et la même possibilité de rendre ces droits effectifs." L'AMF tient semble-t-il un discours comparable : il revient selon elle à l'Etat de "fixer un cadre national assorti de marges de manœuvre locales", les décisions devant ensuite être prises "à l'échelle de la commune ou du RPI, et non de l'établissement". Mais comme toujours, après le "qui décide quoi" viendra vite la question du "qui paye quoi"…

 

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