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Protection de l'enfance - Rapport Dini-Meunier : l'intérêt de l'enfant est supérieur à celui des parents

La commission des affaires sociales du Sénat a présenté ce mercredi 25 juin devant la presse un rapport d'information intitulé "Protection de l'enfance : améliorer le dispositif dans l'intérêt de l'enfant". Ce rapport fait le point sur la loi du 5 mars 2007 de réforme de la protection de l'enfance, avec un constat : c'est "plutôt une très bonne loi", mais sa mise en œuvre "ne donne pas entière satisfaction", pour la sénatrice (UDI) Muguette Dini, l'un des deux rapporteurs de la commission. La mission a en particulier observé "des retards et des inerties", ainsi qu'une incapacité du dispositif à stabiliser le parcours de certains enfants pris en charge.

Rompre avec une idéologie familialiste

A l'appui de 40 auditions et de trois déplacements, le rapport met l'accent sur la nécessité de repositionner l'intérêt supérieur de l'enfant au centre du dispositif. En effet, pour Michelle Meunier, sénatrice socialiste et deuxième rapporteur, on est passé du "tout placement" dans les années 1980 à une situation actuelle dans laquelle la priorité est donnée (parfois de façon excessive) au maintien de l'enfant dans sa famille. "Le système français reste profondément marqué par une idéologie familialiste, qui donne le primat au maintien du lien avec les parents biologiques", soulignent les sénatrices. Il faut donc rompre avec cette idéologie, en renforçant et en réorientant la formation initiale et continue des professionnels. En s'appuyant, en outre, sur un "projet pour l'enfant" digne de ce nom. "Notre projet pour l'enfant, ce n'est rien du tout", admet Mugette Dini, interrogée sur ce qu'elle a pu observer de la protection de l'enfance au Québec, où elle s'est rendue en 2010 lors d'une mission sénatoriale ayant donné lieu à un rapport.

La santé : un rôle majeur pour la prévention

Le rapport propose ainsi plusieurs évolutions pour "rendre le dispositif plus efficace à tous les stades". Sur le volet prévention, l'un des objectifs phares de la loi de 2007, il préconise de "réaffirmer le rôle de la protection maternelle et infantile (PMI) et de la santé scolaire". Les départements ayant actuellement beaucoup de mal à recruter des médecins de PMI, le rapport appelle à développer l'attractivité de ces métiers. Les sénatrices proposent de créer une fonction de médecin PMI référent pour la protection de l'enfance, afin d'encourager les médecins libéraux à participer davantage au repérage des situations de danger. Ce manque d'implication du secteur sanitaire est d'ailleurs repéré comme étant l'une des faiblesses du fonctionnement des cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip), issues de la loi de 2007, qui constituent néanmoins "une avancée majeure de la dernière réforme".

Sécuriser les parcours et stabiliser les liens

Au-delà de ces différentes étapes du dispositif, la mission sénatoriale s'est intéressée aux parcours des enfants pris en charge et, en particulier, aux enfants faisant l'objet d'une mesure de placement pendant une longue période. Des parcours "très souvent chaotiques", ce qui est "extrêmement pénalisant" pour les enfants, estime Muguette Dini. Il s'agit donc de sécuriser ces parcours et de reconnaître davantage les droits et les besoins de ces enfants. La priorité est de leur permettre de développer des liens d'attachement stables avec "une famille de substitution, qui peut être une famille d'accueil ou une famille d'adoption". Le rapport préconise ainsi "un encadrement des décisions de changement de famille d'accueil", une mobilisation plus fréquente des tiers (grands-parents par exemple) ainsi qu'un recours à l'adoption comme "modalité de protection de l'enfance". Ce qui suppose, pour les sénatrices, de repenser les modalités de délaissement parental et de retrait de l'autorité parentale, et de passer plus systématiquement à l'acte lorsqu'il est établi que les parents n'ont et n'auront plus la capacité de prendre soin de leur enfant.
Le rapport appelle également à revoir les modalités d'accompagnement des jeunes majeurs, avec la préparation dès l'âge de 16 ans d'un projet d'insertion. Sur la prise en charge des mineurs isolés étrangers, la mission sénatoriale demande la mise en place d'une réflexion nationale chargée d'élaborer des modes de prise en charge spécifiques, dans le cadre de la protection de l'enfance.

Gouvernance : renforcer la cohérence et s'appuyer sur les bonnes pratiques

Enfin, un troisième volet de recommandations sur la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfance s'inscrit dans la continuité du rapport Gouttenoire qui préconisait notamment l'instauration d'un "Conseil national de la protection de l'enfance" (voir ci-contre notre article du 9 avril). Une coordination nationale s'impose pour assurer une cohérence plus forte, "l'application de la loi [étant] encore trop différente d'un territoire à l'autre", souligne Michelle Meunier. Avec, en outre, la nécessité de renforcer le dispositif de remontée des données départementales dont l'Observatoire national de l'enfance en danger a la charge.
Au niveau local, le rapport préconise d'"accélérer la dynamique partenariale" entre les différents secteurs (aide sociale à l'enfance, justice, médicosocial, santé, Education nationale, etc.), en s'appuyant davantage sur les bonnes pratiques développées dans certains territoires. Quant à l'avenir du portage de la politique de protection de l'enfance, le niveau départemental "est le bon échelon pour répondre aux besoins", avance Michelle Meunier, ancienne vice-présidente de conseil général comme sa collègue.
Certaines de ces préconisations feront l'objet très rapidement d'une proposition de loi co-signée par les deux sénatrices centriste et socialiste. Ces dernières demanderont également à la ministre de réaffirmer, par des directives, la nécessité d'appliquer certaines dispositions aujourd'hui prévues par la loi. 

 

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