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Réforme des collectivités - Rapport de Peretti : une boîte à outils pour clarifier les compétences

Jean-Jacques de Peretti, conseiller d'Etat et maire de Sarlat, a remis ce 13 septembre en fin d'après-midi au Président de la République son rapport sur la clarification des compétences des départements et des régions. Véritable boîte à outils pour les élus, le rapport précise les conditions d'élaboration des schémas d'organisation des compétences et de mutualisation prévus par la loi. Interviewé par Localtis, Jean-Jacques de Peretti explique pourquoi les schémas constituent une vraie chance pour les territoires.

"La liberté de s'organiser pour agir". C'est le sous-titre qu'a choisi Jean-Jacques de Peretti pour exprimer ce qui sera, selon lui, l'une des conséquences majeures de la loi de réforme des collectivités de décembre dernier. Passée relativement inaperçue, la disposition prévoyant la mise en oeuvre à compter de 2014-2015 par les départements et la région d'un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services serait la clé de voûte d'une "nouvelle étape de la décentralisation". Un chantier qu'il recommande de lancer dès le 1er janvier 2012. 

Localtis: Votre rapport met l'accent sur la faculté nouvelle qu'auront bientôt les conseils généraux et le conseil régional d'organiser leurs compétences par le moyen d'un schéma négocié entre eux. De quoi s'agit-il ?
Jean-Jacques de Peretti :
Il faut se rappeler que dans le cadre de la réforme territoriale, les sujets de fond que sont la répartition des compétences et la mutualisation des services devaient être traités dans une loi distincte devant intervenir un an après la loi de réforme des collectivités. Mais le Parlement n'a pas voulu remettre à plus tard la question. L'affaire s'est terminée par la formule de l'article 75 de la loi : en matière d'organisation des compétences et de mutualisation, il convient que les départements et la région se mettent d‘accord. Sinon, ils ne pourront plus apporter conjointement leurs financements aux projets des autres collectivités. Beaucoup ont considéré cela comme une vague formule. Mais un certain nombre d'élus ont vu, au contraire, l'impact que cela va avoir. De manière inédite, la balle sera dans le camp des élus locaux. Pour la première fois, le président de la région et les présidents des département se mettront autour de la table, sans l'Etat, pour décider de ce qu'ils feront ensemble, en particulier de la manière de dégager des marges de manœuvre. Ils ne le feront pas seulement pour une politique, mais pour l'ensemble des compétences fondamentales de leurs collectivités. Cela va conduire les élus à préparer ensemble un projet de territoire, ce qui n'est pas un exercice politique, mais technique. Au fond, la loi est un peu "diabolique", car elle va obliger les élus à gommer les problèmes de personnalité qu'ils ont parfois entre eux. Ils devront nécessairement travailler ensemble. 

Comment réagissent les intéressés ?
Curieusement, après la promulgation de la loi, les élus ont peu réagi. Le débat sur le conseiller territorial s'est poursuivi Or, les schémas auront pour leur collectivité un impact beaucoup plus grand que l'instauration du conseiller territorial ! Les élus ne s'en sont pas tous aperçu. Mais ceux qui ont une forte personnalité ont déjà un idée de schéma. Pour ceux qui veulent prendre l'initiative, la loi est une chance formidable, car elle leur laisse le champ libre. Ceux-là auront une longueur d'avance.

Pourquoi ces schémas sont importants particulièrement aujourd'hui ?
Certains exécutifs locaux ont une propension à faire toujours plus, dans le souci de répondre au citoyen. Le risque est donc d'aboutir à un enchevêtrement des compétences. Les schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services vont sérieusement mettre de l'ordre dans tout cela. Ils vont par exemple inciter fortement les collectivités à se rapprocher pour mettre en oeuvre des projets portant la même ambition. Prenons l'exemple d'une maison dédiée au développement des entreprises. Aujourd'hui, une région et une agglomération peuvent très bien monter deux projets de ce type dans la même ville sans se consulter. Demain, ce ne devrait plus être le cas.

Avec ces schémas, l'organisation des compétences pourra différer d'un territoire à un autre. Vous soulignez dans le rapport combien cette mesure présente un caractère novateur.
C'est une réponse à la diversité des territoires de la République. Cela rejoint aussi l'évolution de la société française, qui n'est plus celle d'il y a trente ans, mais qui est multiraciale, multiculturelle.

Vous conseillez aux exécutifs locaux d'engager dès début 2012 le débat sur les futurs schémas, alors que la loi prévoit plutôt leur élaboration en 2014 ? N'est-ce pas un peu tôt ?
Le calendrier est très serré. La loi prévoit que les conseillers territoriaux élaboreront les schémas dans la foulée de leur élection et cela avant le 1er janvier 2015. Cela leur laisse donc moins de neuf mois, ce qui est beaucoup trop court. C'est la première raison qui me conduit à recommander de commencer la concertation sur les schémas dès le début de 2012. La seconde raison est liée au calendrier de la négociation des programmes opérationnels européens et des futurs contrats de projets : ceux-ci seront finalisés fin 2013. Enfin, il est essentiel que les collectivités ouvrent le débat public, notamment en faisant appel aux nouvelles technologies. Les citoyens vont participer, avec parfois des propositions très intéressantes. Ne pas mette en place ces pratiques de consultation expose les collectivités à voir naître par exemple des blogs indépendants qui peuvent leur poser problème.

Pensez-vous réellement que les régions et les départements se lanceront dès l'année prochaine dans la préparation des schémas, sachant que l'Etat ne sera pas partie prenante à la réflexion et, donc, n'aura pas un rôle d'impulsion
La contrainte posée par la loi concernant les co-financement est très importante. Cela ne va pas échapper aux régions et départements. En plus, il n'est pas exclu que l'Etat accorde une incitation pour accélérer l'adoption des schémas. Cela pourrait être le développement des fonds européens gérés par les régions en subventions globales. 

Propos recueillis par Thomas Beurey

 

Les principales propositions du rapport
- Ouvrir localement dès le 1er janvier 2012 les discussions sur les futurs schémas d'organisation des compétences et de mutualisation.
- Engager une réflexion sur une adaptation constitutionnelle permettant à un territoire d'expérimenter un transfert de nouvelles compétences susceptible d‘être validé par le législateur sur ce seul territoire à l'issue de la période d'expérimentation.
- Elargir l'exercice du pouvoir réglementaire par les collectivités territoriales à l'occasion de la mise en œuvre de la clarification des compétences des collectivités.
- Formaliser la conférence régionale des exécutifs territoriaux créée par la loi du 13 août 2004 et confirmée par la loi du 16 décembre 2010. Cette Instance de concertation entre les principales collectivités d'une région, se réunirait chaque fois que nécessaire et en tout cas au moins trois fois par an.
- Donner un caractère prescriptif et opposable aux schémas d'organisation des compétences et de mutualisation.
- Etendre la notion d'autorité organisatrice bien au-delà du domaine des transports.
- Aller jusqu'à bout des transferts de l'action sociale aux départements et de la formation professionnelle aux régions.
- Mettre en place des guichets uniques département/région offrant aux usagers un accès lisible et simple aux services organisés sur le territoire.
- Utiliser les technologies numériques pour enrichir le débat citoyen sur les projets de territoire.
- Faire en sorte que l'Etat se retire des domaines décentralisés faisant l'objet d'un projet de territoire.
- Accroître la part des fonds européens gérés en subventions globales par les collectivités territoriales dès lors qu'un projet de territoire a été adopté.
- Créer un Haut Conseil des collectivités territoriales intégrant l'actuelle conférence nationale des exécutifs. Investi des attributions du comité des finances locales, il serait "le lieu d'un dialogue approfondi entre l'Etat et les collectivités".
 

 

 

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