Commande publique - Quelques rappels utiles sur le CCAG-travaux
Le 14 septembre dernier, le Conseil d’Etat a rappelé par la voix de son rapporteur public quelques éléments de procédure et de terminologie du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG-travaux) en matière de paiement de prestations supplémentaires et de délais de recours contre le décompte général. Les marchés en cause étaient soumis à l'ancien CCAG mais les solutions dégagées sont applicables également à des marchés soumis au nouveau CCAG.
Force obligatoire des ordres de service, caractère unitaire ou forfaitaire du prix du marché
La cour administrative d’appel de Lyon avait condamné une maison de retraite à régler le solde de travaux supplémentaires que celle-ci avait ordonnés par ordre de service (OS) mais qu’elle se refusait à payer conformément à une proposition du maître d’oeuvre intervenue en ce sens. Il n’est en effet pas possible pour la personne responsable du marché de revenir sur les indications de l’OS une fois qu’elle l’a signé. La cour avait ainsi relevé "qu'alors même que par un avis manuscrit, le maître d'oeuvre proposait de n'allouer aucune plus-value, la personne responsable du marché, en signant l'ordre de service, s'est engagée, ainsi que les articles 15.4 et 15.5 du CCAG lui en faisaient l'obligation, à payer lesdits travaux (…)". Une position validée par le rapporteur public du Conseil d'Etat.
En outre, la maison de retraite soutenait que la cour avait qualifié à tort le marché en cause de marché à prix unitaire pour la condamner, mais le rapporteur public a ici relevé une simple erreur de plume. Le principe est qu’un prix forfaitaire rémunère le titulaire pour un ouvrage ou des prestations définis explicitement à la différence d’un prix unitaire qui s’applique à une nature d’ouvrage dont les quantités ne sont indiquées qu’à titre évaluatif (art. 10.2 CCAG-travaux). La distinction est importante car les prestations supplémentaires constituent un préjudice pour le titulaire : ce préjudice n’est indemnisable qu’au cas où les prestations supplémentaires augmenteraient la masse initiale des travaux de 25% dans un marché à prix unitaire contre seulement 5% si le prix est forfaitaire. Pour la cour de Lyon, le marché en cause étant à prix forfaitaire, dans la mesure où le dépassement était de plus de 5%, l'indemnisation était donc légitime.
Les délais de recours contentieux contre un décompte général
Dans une autre affaire (appel contre une décision de la cour administrative d'appel de Paris du 23 novembre 2009), le rapporteur public a rappelé les délais à respecter dans le cas d'un recours contre un décompte général : l’article 13.4.4 du CCAG-travaux prévoit que l’entrepreneur dispose d’un délai de 45 jours à compter de la notification par le maître d’ouvrage du décompte général pour l’accepter ou produire une réclamation. Passé ce délai, le silence du titulaire vaut acceptation du décompte général qui devient définitif. Toutefois, si une réclamation a été introduite par le titulaire dans les formes, s’ouvre un nouveau délai de 45 jours cette fois au bénéfice du pouvoir adjudicateur qui communique sa décision au titulaire concernant ses réclamations. Le silence du pouvoir adjudicateur vaut décision implicite de rejet des réclamations du titulaire. Dès lors, le terme du délai de 45 jours (ou la date de la notification au titulaire d’une décision expresse) ouvre un délai de recours contentieux de six mois au terme duquel le titulaire est réputé avoir accepté le décompte général et toute réclamation devient irrecevable.
L’Apasp
Références : conclusions du rapporteur public Bertrand Dacosta (7e sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat) du 14 septembre 2010 ; arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux.
Réglementation :
- CCAG-travaux : art. 15 et s. (indemnisation des prestations supplémentaires selon le prix forfaitaire ou unitaire du marché) ; art. 10.2 (distinction du prix forfaitaire ou unitaire dans un marché) ; art. 13.4.4 (réserves sur le décompte général) ; art. 50 et s. (forme de la réclamation préalable contre le décompte général).
Jurisprudence :
- CAA Lyon, 18 février 2010, n° 07LY01299 (force obligatoire de l’OS, distinction du prix forfaitaire ou unitaire) ;
- CAA Paris, 23 novembre 2009, n° 07PA03293 (délais de recours contentieux contre le décompte général) ;
- CAA Bordeaux, 29 juillet 2010, n° 09BX00135 (signature et opposabilité du décompte général).
- Sur la distinction entre prix forfaitaire et prix unitaire : dans un marché à prix unitaire, le calcul du prix se fait par multiplication du prix par la quantité effectivement livrée ou exécutée ; alors que dans un marché à prix forfaitaire, la rémunération est indépendante des quantités mises en oeuvre pour réaliser les prestations.
- CAA Bordeaux, 29 juillet 2010 : la circonstance que le pouvoir adjudicateur n’aurait pas signé le décompte général rend inopposable au titulaire ces formalités procédurales. La cour administrative d’appel de Bordeaux a ainsi jugé récemment que "les décomptes généraux relatifs aux lots 16 et 20, ne sont pas revêtus de la signature de la personne responsable du marché (…) ; que, dans ces conditions, aucun décompte général définitif n’a pu être valablement établi pour ces lots ; qu’en conséquence, [la société requérante] ne peut se voir opposer le caractère intangible du décompte général". Dès lors, le juge écarte les arguments selon lesquels la requérante "n’aurait pas rempli les formalités préalables que le cahier des clauses administratives générales applicable au marché impose avant toute saisine du juge du contrat".