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PLF 2013 - Quelle solidarité en faveur des communes pauvres ?

L'effort de l'Etat et des collectivités en direction des communes les plus défavorisées a été au coeur des débats ce 13 novembre à l'Assemblée lors de l'examen, dans le cadre de la mission "Relations avec les collectivités" du projet de loi de finances, des articles liés à la péréquation. Les députés ont voté la hausse de la dotation de développement urbain proposée par le gouvernement suite au cri d'alarme lancé par le maire de Sevran. Les maires ruraux auraient aimé qu'un effort soit également fait en faveur de leurs communes. Ils n'ont pas été suivis.

La grève de la faim entamée le 9 novembre par le maire de Sevran, Stéphane Gatignon, n'a pas été vaine. En réponse à l'élu écologiste, qui entend attirer l'attention sur la situation de certaines communes pauvres de banlieue, le gouvernement, au delà des déclarations ou des gestes symboliques (comme la visite de deux ministres, voir notre article du 12 novembre ci-contre), a débloqué une nouvelle aide en faveur des communes urbaines les plus défavorisées. Sur la proposition du gouvernement, les députés ont en effet voté une hausse de 50% de la dotation de développement urbain (DDU), qui passera ainsi de 50 millions d'euros cette année à 75 millions d'euros l'année prochaine. Cette dotation est allouée aux cent communes les plus défavorisées comptant plus de 5.000 habitants. Celles-ci doivent être engagées dans un programme de renouvellement urbain et la proportion de leur population en zone urbaine sensible doit dépasser 20%.
Le gouvernement a tenu à rappeler que cette mesure s'ajoute à une série de dispositions inscrites depuis fin septembre dans le projet de loi de finances : la progression de 120 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine (DSU), la hausse de 79 millions de la dotation de solidarité rurale (DSR) et la progression du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) de 150 à 360 millions d'euros. Le ministre chargé du Budget a fait observer que l'initiative de Stéphane Gatignon "n'est pas à l'origine d'une politique que le gouvernement a voulue dès l'élaboration de ce texte".
L'augmentation de la DDU sera financée par le biais des allocations compensatrices d'exonérations de fiscalité locale, dites "variables d'ajustement". Cela signifie que celles-ci subiront une baisse supérieure à celle qui était prévue pour 2013 (c'est-à-dire une réduction d'environ 10%, représentant une soixantaine de millions d'euros, selon le président de la commission des finances, Gilles Carrez). Le Parlement sera informé, en seconde lecture du texte, de l'ampleur exacte de cette réduction en 2013 des variables d'ajustement, a promis Jérôme Cahuzac.
La coprésidente du groupe des députés écologistes, Barbara Pompili, a estimé que le gouvernement "a fait un geste", ajoutant toutefois que "ce geste ne résout pas tous les problèmes". "Déçu", le maire de Sevran a considéré que cet effort est "minimal". Mais c'est "un effort quand même", a-t-il ajouté. Stéphane Gatignon avait demandé le doublement de la DDU et une augmentation plus soutenue de la DSU (180 millions en 2013, contre 120 millions prévus).

Communes rurales et de banlieue : "même combat"

Le sort des banlieues et des territoires ruraux serait-il lié ? En tout cas, les maires ruraux ont mis en avant la grande proximité entre leurs revendications et celles de leurs collègues maires de banlieue. Au fond, le problème de ces territoires est le même, c'est celui de l'insuffisance des moyens financiers par rapport aux charges, a affirmé en substance l'Association des maires ruraux de France (AMRF) dans un communiqué. La veille au soir, le président de l'association, Vanik Berberian, rendait visite à Stéphane Gatignon. Depuis la rentrée, les maires ruraux manifestent eux aussi leur colère, en tentant de mobiliser les élus locaux et nationaux. Leur coup de gueule tient au fait que les communes rurales ont des dotations par habitant deux fois plus faibles que les grandes villes.
Ramener progressivement l'écart des dotations à seulement 1,5, tel était précisément l'objectif qu'entendait graver dans la loi l'amendement de la députée UMP Laure de La Raudière (Eure-et-Loir). Un amendement préparé par l'AMRF. "Il n'y a pas de fondement à un écart de un à deux entre les dotations des communes rurales et des communes urbaines", a souligné Charles de Courson au cours de la discussion. Mais les grandes villes ont des charges de centralité. De plus, elles participent activement au FPIC, ont répondu Pascal Terrasse et Olivier Dussopt, respectivement rapporteur et rapporteur pour avis de la mission Relations avec les collectivités territoriales. Donner aux communes rurales les mêmes dotations qu'au monde urbain ferait reculer l'intercommunalité, a pour sa part affirmé la ministre Marylise Lebranchu. Celle-ci a aussi agité la menace d'une hausse du déficit public, alors que l'amendement prévoyait une modification à coût constant pour l'Etat.
L'opposition entre communes rurales et grandes villes a rejailli avec la discussion sur la péréquation. Des députés de départements ruraux ont proposé d'accélérer la montée en puissance du FPIC, en le portant dès l'année prochaine à 500 millions d'euros. A l'opposé, tout en se disant favorables à la péréquation, des députés urbains ont souhaité que le FPIC ait une progression plus lente (entre 200 et 250 millions d'euros en 2013). "Vous contraindrez les grandes collectivités à baisser leurs investissements et au final vous accroîtrez la récession", a menacé le député de Paris, Pascal Cherki. "Arrêtons de faire croire qu'on va aggraver le chômage", a répondu François Pupponi, maire de Sarcelles. "Ce que veulent les communes pauvres, c'est aussi investir, elles construiront des écoles pour les enfants des familles les plus défavorisées", a-t-il poursuivi. "Le prélèvement qui était de un en 2012, va être multiplié en 2013 par trois ou quatre dans certaines villes, si le FPIC passe à 360 millions d'euros", s'est alarmé Gilles Carrez. Les prélèvements seront toujours plafonnés, a fait remarquer dans la foulée le rapporteur général du budget, Christian Eckert.

Fusion de communautés : une toute petite "carotte"

Défendus dans la matinée du 13 novembre, les amendements devaient être votés le même jour en fin d'après-midi. Mais aucun des amendements modifiant la montée en puissance du FPIC ne devait être adopté. A l'unisson avec les rapporteurs, Marylise Lebranchu déclarait, au nom du gouvernement : "Nous recherchons la position médiane et raisonnable." En d'autres termes, le gouvernement appelait les députés à ne pas modifier le PLF, celui-ci prévoyant un montant de 360 millions d'euros en 2013 pour le FPIC.
Dans la matinée, les élus des grandes villes avaient obtenu quelques gages concernant un autre dispositif de péréquation : l'écrêtement du complément de garantie en fonction du potentiel financier. Les députés devaient adopter un amendement prévoyant de lui appliquer un coefficient logarithmique progressant de un à deux. Avec cette innovation, les grandes villes contribueront à l'écrêtement dans des proportions plus "raisonnables" par rapport aux années précédentes, où elles avaient été très sollicitées.
Dans la matinée, les députés ont par ailleurs adopté un sous-amendement du gouvernement sur la dotation d'intercommunalité des communautés issues de fusions. Les communautés concernées bénéficieront encore d'une "prime". Mais celle-ci sera très limitée. La progression du coefficient d'intégration fiscale (CIF), ou de la dotation d'intercommunalité par habitant, serait plafonnée à hauteur de 1,05 fois le CIF moyen pondéré par la population de la nouvelle communauté, ou 1,05 fois la dotation moyenne par habitant. En concertation avec l'Assemblée des communautés de France (ADCF), les commissions des lois et des finances défendaient le taux de 1,2. Des députés ont reproché au gouvernement de changer les "règles en cours de jeu", c'est-à-dire au moment où de nombreux EPCI se sont engagés dans des opérations de fusion. "Des préfets ont arraché de la part des élus des décisions de fusion en faisant miroiter la DGF bonifiée. Un signal contradictoire est donné", a déclaré Estelle Grelier, députée proche de l'ADCF.
La suite de la discussion sur les articles du projet de loi de finances concernant directement les finances locales devait se poursuivre ce 13 novembre en fin de journée après les questions au gouvernement.

Thomas Beurey / Projets publics

 

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