Finances locales - Péréquation : les collectivités prélevées trouvent qu'on leur en demande beaucoup
Qu'elle soit financée par les dotations de l'Etat ou par une redistribution des ressources fiscales entre les collectivités, la mise en oeuvre de la péréquation du bloc communal se heurte à des obstacles certains, en dépit du consensus qui semble s'être dégagé sur sa nécessité.
Compte tenu du gel des dotations aux collectivités, "la péréquation verticale devient de plus en plus difficile" juge le président du Comité des finances locales (CFL), Gilles Carrez. Pour accroître en 2012 les dotations de solidarité urbaine (DSU) et de solidarité rurale (DSR) de 4,58% chacune, le législateur a reconduit l'écrêtement du complément de garantie, l'une des composantes de la dotation forfaitaire des communes. Un dispositif qui met à contribution les communes les plus riches. Des membres du CFL ont fait part de leurs observations sur cet écrêtement lors de la séance du 3 juillet. Ils ont pointé sa concentration accrue. Le bilan de la répartition de la dotation globale de fonctionnement qu'a examiné l'instance de concertation lors de sa réunion révèle que 3.873 communes ont été écrêtées en 2012, contre 6.303 en 2011. Or, le montant global de la ponction n'est pas neutre : il atteint 87,3 millions d'euros. "Nous avons fait une petite erreur", a reconnu le président du CFL. En tant que rapporteur général du Budget durant la précédente législature, Gilles Carrez est l'un de ceux qui ont calibré la mesure. La difficulté est venue du caractère très technique du sujet. "La première version du projet de loi de finances pour 2012 prévoyait une stratification de l'écrêtement du complément de garantie. Or, pendant la discussion parlementaire, un amendement a entraîné une déstratification du dispositif. Mais, le seuil à partir duquel les communes sont écrêtées n'a pas été abaissé", explique un responsable de la direction générale des collectivités locales (DGCL). De fait, le monde urbain est particulièrement concerné par l'écrêtement. 31% des villes de 3.500 à 4.999 habitants disposant d'un complément de garantie sont mises à contribution. Ce taux augmente avec la taille de la commune. Au-delà de 15.000 habitants, plus de 65% des villes éligibles au complément de garantie subissent une amputation de ce dernier. Dans des proportions qui peuvent aller jusqu'à 6%.
"Recentrer" une partie de la DSR ?
Ces efforts demandés aux communes passent d'autant moins facilement qu'ils interviennent en parallèle de la mise en œuvre du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Un instrument de péréquation "horizontale" qui, lui aussi, sollicite au premier chef les villes moyennes et grandes - les communes rurales et les petites villes contribuent elles aussi au fonds, mais, globalement, elles reçoivent plus qu'elles ne versent. "On a eu pas mal de remontées", affirme Gilles Carrez à propos de ce fonds. "Ca râle. Telle ville nous dit qu'elle ne peut pas payer ses 400.000 euros de contribution... ", poursuit-il. "Bien représentés dans l'hémicycle et pourtant en théorie favorables à la péréquation, les élus des grandes villes vont avoir un problème moral quand ils vont s'apercevoir que c'est aux villes qu'est demandé le principal effort", en déduit le nouveau président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. La montée en puissance du fonds en 2013 pourrait donc être ralentie. La solution serait "peut-être de passer de 150 millions cette année à 300 ou 310 millions d'euros l'an prochain", au lieu des 360 millions d'euros programmés dans la loi de finances pour 2012, estime-t-il. "Mieux vaut mettre plus de temps dans la mise en place du fonds que de bloquer le système", analyse-t-il.
Très remontés, certains élus des grandes villes rejettent le FPIC et appellent à d'autres solutions reposant sur une refondation de la péréquation verticale. Ils visent la part "péréquation" de la DSR, dont les 465 millions d'euros sont "saupoudrés" (34.621 communes en bénéficient en 2012).