Finances locales - Péréquation : une nouvelle "usine à gaz" pour les élus franciliens
L'Ile-de-France contribue à hauteur de 42% au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui est doté de 150 millions d'euros pour sa première année. Ce résultat net - c'est-à-dire déduction faite des attributions dont bénéficient les collectivités de la région - est ramené à 28% lorsqu'on exclut Paris. Ces chiffres, établis à partir des montants définitifs mis en ligne le 3 avril par la direction générale des Collectivités locales (voir notre article du 3 avril ci-contre), confortent la crainte que partageaient les élus franciliens depuis un certain temps.
De toutes couleurs politiques, ceux-ci l'ont redit ce 4 avril lors de l'atelier des assises de l'Association des maires d'Ile-de-France (Amif) consacré aux finances : les communes et groupements de leur région paient un lourd tribut à la "province". L'effort est d'autant plus significatif qu'il se cumule à d'autres dispositifs de redistribution, a relevé Gilles Carrez, président du Comité des finances locales (CFL) et lui-même maire francilien. Le fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) a en effet privé les départements franciliens de 185 millions d'euros (66 millions d'euros rien que pour Paris) en 2011. En 2012, la ponction est encore plus forte. De surcroît, les conseillers généraux et régionaux d'Ile-de-France s'attendent à ce que leurs collectivités soient fortement mises à contribution par les mécanismes de péréquation pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui verront le jour l'année prochaine. Tout cela va intervenir alors qu'est prévu le doublement du FSRIF, le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (270 millions d'euros en 2015).
"Pas d'autre choix que d'augmenter les impôts"
Or, les effets du FPIC sont ressentis dès cette année par les communes et intercommunalités. Vitry-sur-Seine (85.000 habitants, Val-de-Marne) va sortir 746.000 euros de son portefeuille afin d'alimenter le nouveau fonds - et, en même temps, 610.000 euros pour le FSRIF. Conséquence : la ville va "devoir emprunter un million d'euros", selon son maire Alain Audoubert (PC). Celui-ci s'étonne que sa commune soit autant sollicitée. "Tout le monde a entendu parler de ma ville pour ses incidents." De son côté, Philippe Dallier, sénateur-maire UMP de Pavillon-sous-Bois, explique qu'"on va prendre" à sa commune "un million d'euros". "Je n'aurai pas d'autre choix que d'augmenter les impôts locaux, alors que c'est dans mon département de Seine-Saint-Denis qu'ils sont les plus élevés", poursuit-il, sur le ton de la colère.
Le FPIC est une "usine à gaz", critique Philippe Dallier, sous les applaudissements de la salle. A la tribune, des élus acquiescent et avancent des preuves. Prendre le revenu moyen par habitant à hauteur de 60% comme le prévoit la loi pour déterminer les bénéficiaires du FPIC n'est selon eux pas suffisant. "La réalité, c'est que se loger et se déplacer en région parisienne, cela revient plus cher qu'en Corrèze. Cela n'est pas pris en compte", plaide Yannick Paternotte, député-maire de Sannois (Val-d'Oise) et président du comité des élus chargés de gérer le FSRIF. "Les difficultés sociales ne sont pas assez prises en compte", regrette Philippe Dallier. Pour des raisons d'équité, le sénateur se déclare également favorable à une intégration de la dotation d'intercommunalité dans le calcul du potentiel financier, qui est l'un des principaux critères servant aux calculs du fonds. "La prise en compte du logement social devrait être un élément important dans le FPIC", avance de son côté Pascal Buchet, maire de Fontenay-aux-Roses et rapporteur de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF).
Philippe Laurent, maire centriste de Sceaux et président de la commission des finances de l'AMF, constate lui aussi des incohérences : "Des communes pauvres qui sont membres d'intercommunalités riches sont conduites à contribuer au FPIC. A l'inverse, des communes riches qui font partie de communautés pauvres sont exonérées de contribution." La remarque ne vise pas seulement l'Ile-de-France.
Certes, les défauts du dispositif sont nombreux. Mais Philippe Laurent reste confiant : l'idée selon laquelle il faut réduire les inégalités de richesses entre les collectivités fait l'objet d'un consensus. "Nous avons seulement un problème d'outil et de rythme", souligne le maire de Sceaux.
Des corrections dans la loi de finances pour 2013
Faut-il rendre la montée en puissance du FPIC plus progressive ? Gilles Carrez en est certain : "La marche de 2013, qui est fixée à 360 millions d'euros, est trop importante." Le maire UMP du Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne) va en discuter avec ses collègues du CFL, puisque ceux-ci vont se réunir "entre les deux tours de l'élection présidentielle" pour faire le point sur le sujet. Le CFL doit en effet préparer un avis qu'il remettra au gouvernement, avant que celui-ci ne dépose au Parlement, le 1er octobre prochain au plus tard, le rapport prévu à l'article 144 de la loi de finances pour 2012. La discussion de la loi de finances pour 2013 offrira alors une fenêtre pour apporter des corrections au dispositif.
Les maires des communes bénéficiaires du FPIC ne se plaindront pas forcément si les aménagements prônés par l'actuel rapporteur du budget sont validés par le Parlement. Pour François Pupponi, député-maire de Sarcelles, l'important n'est pas que la montée en puissance du FPIC soit "de cinq ans" (comme le prévoit actuellement la loi) ou "de dix ans". Il s'agit de faire en sorte que la "révolution" en cours atteigne l'objectif fixé par la loi, à savoir la redistribution annuelle d'un milliard d'euros entre les collectivités. Reste à savoir ce que les élus des autres régions penseront de ces propositions, sachant que beaucoup de leurs collectivités figurent au rang des bénéficiaires.