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Finances / Politique de la ville - Quand un maire de banlieue met la péréquation sur la place publique

Ce n'est pas tous les jours que l'on entend parler de péréquation verticale et de péréquation horizontale en allumant sa radio le matin, en l'occurrence France inter ce lundi 12 novembre… C'est dire si le coup d'éclat du maire de Sevran, Stéphane Gatignon, fait parler de lui et de la situation financière de communes comme la sienne.
C'est vendredi que le maire EELV de cette ville de Seine-Saint-Denis a débuté une grève de la faim et déployé une petite tente devant l'Assemblée nationale pour demander une revalorisation des dotations financières pour sa commune. "Les pétitions et les discours, ça ne suffit pas", déclarait alors Stéphane Gatignon devant le palais Bourbon, où une centaine de personnes, élus et habitants de Sevran, s'étaient déplacées. "Je reste là jusqu'à mardi et plus s'il le faut", ajoutait-il, réclamant "une réforme des finances et de la fiscalité locales", notamment une revalorisation de la dotation de solidarité urbaine (DSU), en sachant que c'est ce mardi 13 novembre que les députés doivent examiner, dans le cadre de la partie "crédits" du projet de loi de finances, la mission "relations avec les collectivités territoriales".
Le 19 octobre, Stéphane Gatignon avait déjà envoyé une lettre aux parlementaires pour réclamer une aide exceptionnelle de cinq millions d'euros pour sa commune, à laquelle des banques refusent de faire crédit, sous peine de "mettre la clé sous la porte". Plus largement, il demande une hausse de 180 millions d'euros de la DSU, montant qui selon lui doit en outre être réservé aux communes éligibles à la DDU (dotation de développement urbain). Il réclame aussi le doublement de la DDU "de 50 à 100 millions d'euros".

"L'effort sans précédent" du gouvernement largement rappelé

Depuis vendredi, les déclarations de ministres et d'élus se sont succédé. Déclarations… et "visites". Dont celle du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, venu ce week-end lui faire savoir "qu'il allait essayer de faire passer des messages au niveau du gouvernement et de l'Assemblée", selon Stéphane Gatignon. Quelques heures plus tard cependant, la ministre Marylise Lebranchu publiait un communiqué ressemblant fort à une mise au point. "Le gouvernement rappelle l'effort sans précédent de solidarité en faveur des communes les plus fragiles, dont Sevran, qu'il a prévu dans le projet de loi de finances pour 2013", écrit-elle. "Ainsi, la commune de Sevran bénéficiera de plus de 1,5 million d'euros supplémentaires en 2013 au titre de la DSU. Sa DSU versée atteindra ainsi plus de 9 millions d'euros. Rapporté à sa population, ce montant place la ville de Sevran au 3e rang des communes de plus de 50.000 habitants bénéficiaires de cette redistribution", ajoute la ministre.
Le ministre délégué à la Ville, François Lamy, a pour sa part déclaré à l'AFP s'être "engagé à ce que Sevran touche d'ici la fin de l'année 4,7 millions d'euros de l'Agence nationale de rénovation urbaine [Anru] qui ont été retardés parce que les dossiers étaient mal bouclés". Il s'agit donc de ressources d'investissement déjà programmées. "Au final, ça devrait lui suffire pour boucler son budget", a assuré François Lamy, regrettant que le maire de Sevran n'ait pas demandé à le rencontrer, ajoutant toutefois : "Je me félicite de la visite de Manuel Valls, ça veut dire qu'il aura à coeur de nous aider à trouver la solution, en tant que cotutelle de la direction générale des Collectivités locales."
Lundi après-midi, c'était au tour de Cécile Duflot d'aller rencontrer Stéphane Gatignon… et d'inviter la presse à la suivre. Evoquant la "nécessaire égalité des territoires", Cécile Duflot a indiqué avoir demandé à François Lamy de "travailler spécifiquement sur la question de la DSU mais plus largement sur celle de la péréquation". "Un nom qui paraît techno [sic], a-t-elle dit, mais qui veut dire comment on organise la solidarité financière dans notre pays pour que tout le monde ait accès aux mêmes services publics." Interrogée pour savoir si le gouvernement allait répondre aux revendications du maire de Sevran, la ministre de l'Egalité des territoires et du Logement a répondu qu'il fallait attendre le débat parlementaire.

Maires de banlieue et maires ruraux, même combat ?

Or sur ce débat parlementaire, les choses restaient, ce lundi en fin de journée, assez confuses. Ainsi, du côté du groupe PS de l'Assemblée, on déclarait : "A ce stade, rien n'est décidé. Nous en discuterons en réunion de groupe demain mardi." Ceci, alors que le président PS de l'Assemblée, Claude Bartolone, ancien président du conseil général de Seine-Saint-Denis, indiquait ce week-end que des amendements seraient déposés mardi "pour renforcer toutes les structures de péréquation pour arrêter cet écart qui existe entre villes riches, villes pauvres, départements riches, départements pauvres".
Plusieurs amendements ont toutefois déjà été déposés. Un amendement du groupe PCF propose ainsi d'"exonérer de contribution au fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France [FSRIF] les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion [DSU]". Un amendement de François Pupponi, député-maire PS de Sarcelles, vise quant à lui à exempter les 150 premières communes attributaires de la DSU et du FSRIF, sachant que certaines communes en sont parfois attributaires et contributrices. Les députés écologistes vont déposer pour leur part un amendement visant à mettre en place une "aide additionnelle" à la DSU.
En attendant, Stéphane Gatignon recevait lundi la visite de "solidarité" de Michel Vergnier, député-maire de Guéret (Creuse) et président de la commission des communes et territoires ruraux de l'Association des maires de France… tandis que Vanik Berberian, le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), annonçait lui aussi une "visite de soutien" dans la soirée. "Communes rurales et communes de banlieue : contrairement à ce que certains veulent nous faire croire, le combat est le même. Ce combat, c'est celui qui oppose riches et pauvres", commentait-on à l'AMRF.
Une seule chose est sûre : on n'avait pas autant entendu parler de DSU depuis l'automne 2008, lorsque les associations d'élus, notamment emmenées par l'Association des maires de grandes villes et par Ville et Banlieue, avaient mené bataille contre le paramétrage envisagé par le gouvernement de l'époque - avec pour principal interlocuteur Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'Intérieur - qui aurait exclu quelque 200 communes du bénéfice de cette dotation de solidarité.