Aménagement - Quatre grands chantiers pour faciliter un "urbanisme de projet"
"Il ne s'agit pas de faire le grand soir mais d'identifier cinquante problématiques concrètes qui freinent les projets urbains sur le terrain", a déclaré Benoist Apparu le 23 juin en installant le comité de pilotage pour la mise en œuvre d'un urbanisme de projet. "L'objectif est de passer d'un urbanisme de normes à un urbanisme de projet pour faciliter la vie de tous ceux qui concourent à la réalisation de projets d'urbanisme, d'aménagement, de construction", a souligné le secrétaire d'Etat au Logement et à l'Urbanisme qui présidera ce comité. Celui-ci devra coordonner les travaux de quatre sous-groupes constitués d'élus et de professionnels qui devront réfléchir "sans tabou", selon les termes de Benoist Apparu, à quatre thèmes : la modernisation des documents d'urbanisme et du droit des sols, la mise en œuvre opérationnelle des projets, la réforme de la fiscalité de l'urbanisme et des outils du financement de l'aménagement et la redéfinition d'une stratégie et d'outils en faveur d'une politique foncière. Parallèlement, un "groupe miroir" composé de parlementaires a été constitué. Un groupe miroir local sera aussi mis en place par Dominique Schmitt, préfet d'Aquitaine. Il devra alimenter les réflexions en faisant remonter les expériences de terrain.
Benoist Apparu a précisé que la démarche d'urbanisme de projet, qui a également fait l'objet d'une communication en Conseil des ministres le 23 juin aura pour but de "faciliter la mise en place de grands projets tels que le Grand Paris, les écocités de Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Nantes ou Rennes ou encore les grands stades pour l'euro de football 2016" mais aussi "les projets quotidiens d'aménagement, d'urbanisme et de logement dans les petites communes comme dans les grandes".
Toilettage de la fiscalité de l'urbanisme
Les propositions du comité de pilotage seront mises en oeuvre au fur et à mesure de leur élaboration, "au plus tard fin 2011", assure-t-on au secrétariat d'Etat. Elles serviront à nourrir les ordonnances de simplification du droit de l'urbanisme, prévues par le projet de loi Grenelle 2, qui doivent être élaborées dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi et à définir la nouvelle fiscalité de l'urbanisme qui sera proposée dans le prochain projet de loi de finances rectificative (PLFR).
Sur ce dernier point, l'objectif sera "de passer de 8 taxes et 9 régimes de participation à une taxe unique d'aménagement tout en maintenant la productivité de la fiscalité pour les collectivités locales et en l'adaptant aux dispositions du Grenelle de l'environnement", a indiqué Yves Jegouzo, président du groupe de travail sur la fiscalité de l'urbanisme et les outils de financement de l'aménagement, qui est par ailleurs professeur de droit public à Paris I et directeur du Groupement de recherches sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat (Gridauh). La question de la participation des aménageurs à la création des nouveaux quartiers et des infrastructures qui vont avec sera également posée, a assuré Benoist Apparu. Il s'agira aussi selon lui de "pousser à faire de la densité en créant un système de primes et d'incitations fiscales par rapport à un seuil qui sera défini localement par chaque collectivité". Ce groupe de travail abordera également la question des partenariats public-privé (PPP). En termes de calendrier, les éléments concernant la réforme de la fiscalité de l'urbanisme seront présentés au groupe plénier en septembre prochain pour être intégrés dans le PLFR 2010 et les propositions relatives au financement de l'aménagement sont attendues pour mars 2011.
Faciliter la révision des documents d'urbanisme
Le groupe chargé de réfléchir à la modernisation des documents d'urbanisme est coprésidé par Pascale Poirot, présidente du Syndicat national des aménageurs lotisseurs (Snal) et Jean-Paul Bret, maire de Le Pin, président de la communauté d'agglomération du pays voironnais et représentant de l'Assemblée des communautés de France (AdCF). Il devra notamment réfléchir à la manière de simplifier et de regrouper les procédures de révision et de modification des documents d'urbanisme, clarifier la hiérarchie des normes pour limiter l'insécurité juridique et renforcer le rôle pivot du schéma de cohérence territoriale (Scot). Il devra aussi faire des propositions concernant la modernisation de l'application du droit des sols, à travers la dématérialisation des procédures et la mise en place de nouveaux formulaires "simples et courts dédiés aux déclarations préalables". Benoist Apparu a aussi demandé au groupe de se pencher sur la déclaration de projet, "un outil extrêmement intéressant qui vise à avoir une procédure unique de révision simultanée de l'ensemble des documents d'urbanisme locaux pour permettre à un projet de voir le jour". Le groupe devra remettre un premier rapport pour novembre prochain et l'ordonnance relative aux modalités de révision et de modification des documents d'urbanisme est attendue pour le premier trimestre 2011.
Simplification des procédures de lotissement et réforme de la Shon
Présidé par deux lauréats du Grand Prix de l'urbanisme, l'architecte Yves Lion et l'urbaniste Laurent Théry, le groupe de travail consacré à la mise en œuvre opérationnelle des projets aura à réfléchir aux questions de gouvernance et à une meilleure utilisation des outils de l'aménagement et de l'urbanisme opérationnel (projet d'intérêt général, projet urbain partenarial, zone d'aménagement concerté, opération d'intérêt national). Il devra aussi tirer le bilan de la réforme du permis de construire, entrée en vigueur en octobre 2007, en proposant notamment une simplification des procédures de lotissement. Autre sujet de travail : la réforme du calcul de la surface hors œuvre nette (Shon) qui va faire l'objet d'une ordonnance dont la rédaction est attendue d'ici fin septembre pour une adoption avant le 31 décembre 2010. Le projet d'ordonnance concernant les mesures relatives au régime des autorisations de construire doit être rédigé d'ici fin décembre pour une adoption au premier trimestre 2011.
Relancer les interventions foncières
Enfin, la politique foncière et la réforme du droit de préemption urbain sont au programme du groupe de travail coprésidé par Edouard Philippe, conseiller général de Seine-Maritime et adjoint au maire du Havre, et Aude Debreil, directrice générale de l'établissement public foncier des Yvelines. Il s'agira notamment d'examiner la "capacité des collectivités locales à définir et à mettre en œuvre des politiques foncières d'anticipation pour préparer leurs projets", a expliqué Aude Debreil. L'objectif est de relancer les interventions foncières et de "permettre à toutes les collectivités, même les plus petites, d'utiliser de manière efficace le droit de préemption urbain notamment pour construire des logements", a-t-elle poursuivi. Le groupe compte aussi travailler sur les outils de lutte contre la rétention foncière afin d'inciter les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché. Un texte modifié de la réforme du droit de préemption urbain doit être livré en novembre prochain et les propositions en matière de relance de l'action foncière sont attendues pour mars 2011.
L'ensemble de la démarche vise aussi à remédier aux nombreux contentieux qui ralentissent les projets ou les empêchent parfois de voir le jour. Un travail transversal sera ainsi mené par les quatre groupes de travail pour sécuriser au maximum l'ensemble des procédures. "Le but n'est en aucun cas de remettre en cause le droit de tous les citoyens d'attaquer un projet en justice mais plutôt de faire la part des choses entre les recours justifiés et les recours abusifs qui ne cherchent qu'à retarder le projet", a conclu Benoist Apparu.
Anne Lenormand