Enfance - Protection de l'enfant : marquée par les affaires récentes, l'Assemblée renforce les obligations de l'ASE
Le 18 novembre, l'Assemblée nationale a adopté, en seconde lecture et à l'unanimité, la proposition de loi de Michelle Meunier, sénatrice (PS) de Loire-Atlantique, et Muguette Dini, sénatrice (UDI) du Rhône, relative à la protection de l'enfant. Compte tenu des quelques modifications effectuées par l'Assemblée, en commission (voir notre article ci-contre du 17 novembre 2015) et en séance publique, sur le texte issu du Sénat, la proposition de loi devra passer en commission mixte paritaire (CMP), mais un accord entre les deux chambres semble largement à portée de main.
Une permanence téléphonique obligatoire…
Lors de l'examen en séance publique, les députés n'ont adopté que six amendements, qui s'ajoutent à ceux déjà votés en commission (voir notre article ci-contre du 17 novembre 2015). Deux d'entre eux méritent plus particulièrement l'attention, dans la mesure où ils renforcent l'encadrement de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Ces deux amendements sont très directement issus de deux affaires récentes et particulièrement horribles, qui ont à la fois ému l'opinion et mis en évidence un manque d'attention de la part des services de l'ASE des départements concernés. Il s'agit en l'occurrence de l'affaire du petit Bastien, décédé après avoir été enfermé dans un lave-linge par son père, et celle de la petite Iyana, battue à mort par ses parents et dont le corps n'a été retrouvé qu'un an plus tard.
Dans le cas du petit Bastien, le père meurtrier avait appelé l'éducateur pour lui dire qu'il "allait tuer son fils" si une solution n'était pas trouvée immédiatement. Mais l'éducateur étant alors en congé maladie, le message laissé sur son répondeur n'a été découvert que plusieurs jours plus tard... Le premier amendement (n°26, sur l'article 1er) ajoute donc à la nouvelle rédaction de l'article L.112-3 du Code de l'action et des familles (Casf) définissant les missions de la protection de l'enfance, une phase précisant qu'"une permanence téléphonique est assurée au sein des services compétents". Différente de la permanence assurée par le 119 - qui s'adresse aux particuliers et aux enfants eux-mêmes -, cette permanence devra faire en sorte que, par un système de bascule et d'astreinte, un professionnel de l'enfance soit joignable à tout moment.
... et des visites "impératives"
Le second amendement (n°15, sur l'article 1er) modifie également la nouvelle rédaction de l'article L.112-3 du Casf. Il prévoit que les décisions relatives à un enfant suivi par l'ASE doivent non seulement être "adaptées à chaque situation" (texte initial de l'article), mais aussi "objectivées par des visites impératives au sein des lieux de vie de l'enfant et en sa présence". Si cette mesure est appliquée à la lettre - et compte tenu du nombre de décisions concernées - sa mise en œuvre risque de s'avérer lourde pour les départements.
La rapporteure et le gouvernement se sont opposés au premier amendement. L'article pourrait donc être écarté en CMP. L'argument avancé est que le 119 répond à l'objectif recherché, ce qui semble surprenant puisque le 119 ne peut que répercuter l'information sur les services du département concerné... à condition qu'ils soient joignables.
Sur le second amendement, la position est plus ambiguë : la rapporteure s'est déclarée contre, mais le gouvernement, tout en considérant qu'une telle disposition relevait plutôt du domaine réglementaire, ne s'y est pas formellement opposé. La disposition pourrait donc se retrouver dans le texte final.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : proposition de loi relative à la protection de l'enfance (adoptée par le Sénat en seconde lecture le 13 octobre et par l'Assemblée nationale le 19 novembre 2015).