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Aide sociale à l'enfance - Pluie d'amendements sur la proposition de loi sur la protection de l'enfant

Après son adoption en première lecture par le Sénat, le 11 mars (voir notre article ci-contre du 13 mars 2015), la proposition de loi de Michelle Meunier, sénatrice (PS) de Loire-Atlantique, et Muguette Dini, sénatrice (UDI) du Rhône, relative à la protection de l'enfant était examinée, le 5 mai, par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale (pour le contenu initial du texte, voir notre article ci-contre du 25 septembre 2014). A cette occasion, les députés ont adopté plus de la moitié des 114 amendements déposés sur le texte, apportant ainsi plusieurs modifications ou ajouts importants au texte issu du Sénat. La proposition de loi sera examinée en séance publique le 12 mai.

Un protocole avec les CAF et les communes

Les membres de la commission ont ainsi rétabli le Conseil national de la protection de l'enfance, qui figurait dans le texte initial, mais avait été supprimé par le Sénat (amendement n°AS24 et AS79 sur l'article Ier). De même, un amendement (AS29 et AS82, art. additionnel après l'art. Ier) prévoit qu'"un protocole est établi dans chaque département entre le président du conseil départemental et les différents acteurs institutionnels et associatifs concernés par la prévention, notamment les caisses d'allocations familiales, les services de l'Etat et les communes". Ce document "définit les modalités de mobilisation et de coordination de ces acteurs autour de priorités partagées pour soutenir le développement des enfants et prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives". Une définition qui promet déjà des doublons avec les schémas départementaux des services aux familles, en cours de déploiement par les CAF et qui doivent notamment "embrasser l'ensemble des problématiques liées à la petite enfance et à la parentalité" (voir notre article ci-contre du 23 janvier 2015).
Un autre amendement (AS30 et AS86, art. 4) rapatrie dans la proposition de loi la disposition sur le médecin référent "protection de l'enfance", qui figure actuellement dans le projet de loi relatif à la santé. La commission a également ajouté à la liste des missions du service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) le fait de "veiller à ce que les liens d'attachement noués par l'enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l'intérêt de l'enfant" (AS33, art. 5A).

Le "projet pour l'enfant" obligatoire pour toutes les mesures

Elle a, par ailleurs, ouvert la possibilité de prévoir l'accueil par un tiers, à titre bénévole, d'un enfant pris en charge par l'ASE. Cette possibilité existe en fait déjà, mais son inscription dans la loi devrait la sécuriser (AS35, art. additionnel après l'art. 5A). Un amendement (AS90, art. additionnel après l'art. 5A) élargit le champ des échanges d'informations entre départements, tandis qu'un autre (AS37 et AS20, art. additionnel après l'art. 5A) facilite l'accueil en centre parental de très jeunes enfants avec leurs deux parents dès la période pré ou postnatale, lorsque cet accueil est conforme à l'intérêt de l'enfant.
L'ASE se voit imposer d'établir "un projet pour l'enfant" pour toutes les décisions de protection de l'enfance (hors aide financière), alors que ce projet concernait jusqu'alors essentiellement les placements (AS34 et AS87, art 5). De même, le président du conseil départemental devra mettre en place "une commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle chargée d'examiner, sur la base des rapports prévus à l'article L.223‑5, les situations d'enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance depuis plus d'un an, lorsqu'il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l'enfant paraît inadapté à ses besoins" (AS25 et AS83, art. 7). Cet examen par la commission doit intervenir tous les six mois pour les enfants de moins de deux ans.

Des mesures sur l'adoption

Toujours dans le souci de l'intérêt de l'enfant, un amendement (AS91, art. additionnel après l'art. 11) instaure une limite de durée de deux à cinq ans (avant réexamen) pour les mesures de placement auprès d'un tiers de confiance, qui est le plus souvent un membre de la famille. Cette disposition aligne la situation du placement auprès d'un tiers de confiance - qui ne faisait jusqu'à présent l'objet d'aucune limite temporelle - sur celle des autres formes de placement.
En matière d'adoption, un amendement (AS26, AS84 et AS103) rétablit l'article 12, supprimé par le Sénat. Celui-ci encadre les conditions de révocabilité de l'adoption simple, "afin de lever certains freins juridiques au développement de cette forme d'adoption qui mérite d'être davantage utilisée comme mesure de protection de l'enfance". De même, la commission a rendu obligatoire l'audition de l'enfant dans une procédure d'adoption "selon des modalités adaptées à son degré de maturité" (AS104, art. 15). Un autre amendement (AS36 et AS80, art. additionnel après l'art. 13) instaure l'obligation de mettre en place un projet de vie pour tout enfant admis en qualité de pupille de l'Etat. En l'occurrence, le projet de vie peut être une adoption, mais aussi un parrainage, le maintien dans la famille d'accueil...

Le "délaissement parental" remplace "l'abandon"

Dans un domaine sensible, un amendement (AS27 et AS94, art. 18) remplace la notion "d'abandon" par celle de "délaissement parental". Le motif en est d'éviter l'utilisation d'un terme stigmatisant pour l'enfant, mais des problèmes d'interprétation pourraient rapidement se poser, car délaissement parental n'est nullement synonyme d'abandon. Dans un esprit voisin, un amendement ajoute le service de l'ASE et l'administrateur ad hoc à la liste des personnes morales ou physiques pouvant intenter une action en retrait total de l'autorité parentale (AS110, art. 19). Jusqu'à présent, cette possibilité était réservée au ministère public, à un membre de la famille ou au tuteur de l'enfant.
Sur un sujet très controversé, la commission a décidé d'interdire la méthode des tests osseux pour déterminer l'âge réel d'un mineur isolé étranger (AS13 et AS18, art. additionnel après l'art. 21 bis).
Enfin, une série d'amendements (AS52, 97, 98, 95, 111,112..., art 22) réintroduisent dans le Code pénal la notion d'inceste. Ce rétablissement fait suite à une décision QPC du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2011 censurant les dispositions issues de la loi du 8 février 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal.

Références : proposition de loi relative à la protection de l'enfance (examinée au Sénat en première lecture le 11 décembre 2014).

 

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