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Mal-logement - Prolongement de la trêve hivernale : "Il faut passer de 15 jours à 5 mois"

Un moratoire des expulsions locatives sur l'ensemble de l'année 2013, pour se donner le temps de développer des outils de prévention des expulsions et de "changer de logique". C'est ce que demandent les associations de lutte contre le mal-logement et le sans-abrisme.

Il fait froid, on patauge dans la neige, mais personne n'aurait l'indécence de s'en plaindre parmi les journalistes et les membres du collectif des "associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées". Le sujet de la conférence de presse organisée mercredi 13 mars par le collectif porte sur les expulsions locatives et la demande d'un moratoire pour toute l'année 2013. Elle se tient à quelques centaines de mètres de l'Assemblée nationale, où le collectif s'apprête à déposer une lettre dans les casiers de tous les députés (les sénateurs seront servis également).

Le spectre des mauvais payeurs

Une délégation a également été reçue, vers midi, par deux députés et la conseillère Logement à la présidence de l'Assemblée. D'après nos échos, il semblerait que le mot "moratoire" ait quelque peu effrayé les parlementaires, qui préféreraient une formule qui certes interdisent les expulsions mais sans donner l'impression qu'on déresponsabiliserait les locataires. Il faut croire que le spectre des "mauvais payeurs" les hante aussi, même si Christophe Robert, porte-parole du collectif et délégué général adjoint de la fondation Abbé-Pierre, ne cesse de répéter que "c'est un argument constamment mis en avant pour ne pas agir". "Sincèrement, la grande majorité des 30.000, 40.000, peut-être 50.000 personnes menacées d'expulsion sont des personnes fragilisées par les hausses de loyers, les hausses de charges et la précarisation de leurs revenus."

"Il suffit que la ministre envoie une circulaire"

En conférence de presse comme dans les murs de l'Assemblée nationale, la prolongation du 15 au 31 mars de la trêve hivernale, annoncée la veille par le ministère du Logement (voir notre article ci-contre), a été largement commentée. "C'est un bon signe, nettement insuffisant, mais qui montre que c'est possible", a déclaré Christophe Robert aux journalistes. "Possible" de la prolonger encore de 5 mois pour couvrir toute l'année 2013, entend-il par là, avant d'ajouter : "Il suffit que la ministre envoie une circulaire en ce sens aux préfets."
Le moratoire porterait sur "toutes les expulsions locatives sans solution" et serait complété par un "dédommagement des propriétaires". Il permettrait de développer des outils de prévention des expulsions : conforter le rôle des fonds de solidarité pour le logement (FSL) des départements et des commission de coordination des actions de préventions des expulsions (Cappex) ; développer l'intervention du champ social en matière d'expulsions (mettre en place des diagnostics sociaux dès les premiers impayés de loyer, maintenir les allocations logement même en cas de défaut de paiement de loyer…) ; créer une garantie des risques locatifs "réellement" universelle…

Sortir de la politique "à la petite semaine"

Tout cela, dans le cadre d'un "changement de logique". "On ne réfléchit pas comme il faut", réagit Christophe Robert quand on l'interroge sur la faisabilité de son ambition dans un contexte de rigueur budgétaire. "Il est vrai que ce ne sera pas facile si on continue d'avoir une politique du logement à la petite semaine élaborée sous la pression."
Quel est le coût global, pour les pouvoirs publics, des expulsions locatives ? Il ne saurait le dire, mais liste les dépenses relatives à l'hébergement d'urgence, aux nuitées d'hôtel... mais aussi celles liées à la déscolarisation des enfants, à l'éclatement des familles, à la perte d'un emploi lorsqu'on en a un, à la détérioration de la santé... "Substituons une logique d'action sociale et de prévention à une logique d'ordre public", demande le collectif aux parlementaires.

Pour l'Unpi, il faudrait reloger les expulsés en HLM

Autre discours à l'Union nationale de la propriété immobilière (Unpi) où la solution aux expulsions locatives passerait par une réforme des conditions d’occupation des logements HLM. "Il n'est pas admissible que des locataires dont les revenus dépassent jusqu'à deux fois les plafonds de ressources autorisés puissent se maintenir dans ces logements", s'insurge Jean Perrin, son président, "le droit au maintien dans les lieux dans le parc HLM doit être supprimé pour tous les locataires dont les revenus dépassent les seuils réglementaires". Dès lors, "on pourra reloger les personnes expulsées" et la trêve hivernale n'aura plus lieu d'être et pourra donc être supprimée.
Autre argument en faveur de la suppression de la trêve hivernale : "Il est plus facile de reloger tout au long de l’année plutôt que sur une période réduite." Enfin, "au Canada, la trêve hivernale n'existe pas", rappelle l'Unpi.

 

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