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Culture - Projet de loi Création : le Cese n'est qu'à moitié convaincu

Un texte qui "se limite à des aspects déclaratifs" et qui "manque d'ambition". Voilà ce que pense le Cese de l'avant-projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, que le gouvernement lui a transmis pour avis. Il met en garde en revanche sur les "incertitudes en termes de compétences et de partage de responsabilité", qui pourrait résulter de la nouvelle organisation territoriale de la République (loi Notr). Et si c'était Notr, la vraie loi qui inclinera les politiques culturelles ?

Saisi par le gouvernement (voir notre article ci-contre du 10 juin 2015), le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a rendu, le 23 juin, son avis sur l'avant-projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine. Présenté par Claire Gibault, vice-présidente de la section de l'éducation, de la culture et de la communication (et par ailleurs chef d'orchestre), et Claude Michel, membre de la même section et secrétaire général adjoint de la CGT Spectacle, l'avis est plutôt mitigé. Il a été adopté à l'unanimité par la section de l'éducation, de la culture et de la communication, dans le cadre de la procédure dite simplifiée, permettant à une section de voter un avis dans un délai de trois semaines, sans qu'il soit examiné en assemblée plénière.

"Faire vivre la diversité culturelle"

Côté positif, le Cese "se félicite qu'un avant-projet de loi sur la création artistique soit proposé au Parlement. En particulier, il approuve l'introduction dans la loi du principe de la liberté de la création artistique, celui de l'aide à la création et aux artistes et de l'accès de tous à la culture, dans la perspective de faire vivre la diversité culturelle dans un contexte où celle-ci fait actuellement l'objet de remises en cause à la fois par des actes de censure et par des restrictions budgétaires touchant de nombreux festivals et manifestations culturelles".
L'avis du Cese se concentre principalement sur le titre Ier du projet de loi et plus précisément sur son article 2, qui "peut être regardé comme relevant de la catégorie des lois de programmation au sens des articles 34 et 70 de la Constitution". Pour le reste, il renvoie à différents travaux du Conseil, dont l'avis de Claude Michel "Pour un renouveau des politiques publiques de la culture" (voir notre article ci-contre du 8 avril 2014).

Une absence de dispositions incitatives et contraignantes

Au rang des regrets ou des griefs figure notamment "l'absence de programmation des objectifs des actions énumérées par l'article 2", qui conduit le Cese à "s'interroger sur l'ambition de ce projet de loi". L'avis estime en effet que le texte devrait comporter "des dispositions incitatives et contraignantes accompagnées des moyens financiers que l'Etat envisage de consacrer aux objectifs définis". Le Cese déplore également que certaines dispositions du projet de loi se limitent "à des aspects déclaratifs s'inscrivant dans une forme de 'droit mou' sans portée normative".
Enfin, le Cese "regrette que les pratiques amateurs ne soient pas évoquées dans le projet de loi". Des pratiques amateurs qui, rappelons-le, avait failli mettre le feu aux poudres dans les premiers temps de la concertation sur le projet de loi (voir notre article ci-contre du 7 février 2014).

Le Cese favorable à l'intégration des directives de l'Unesco dans les PLU et les Scot

Au niveau de l'examen des principales dispositions du texte, tout n'est pas pour autant négatif. le Cese voit ainsi une "amélioration importante" dans l'intégration des directives de l'Unesco dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (Scot).
En revanche - dans le cadre de la réforme de l'archéologie préventive -, il "s'inquiète des possibles effets pervers de la modification du droit de propriété par rapport aux trésors 'inventés', qui risque de conduire les inventeurs à ne plus déclarer leurs découvertes".
Le Cese formule également plusieurs propositions en vue d'améliorer le contenu des articles. Il estime que "à l'heure où l'Etat baisse sa dotation aux conservatoires à vocation départementale et régionale, il convient au contraire de renforcer leur rôle". Il préconise de mener "une politique d'ouverture" des conservatoires à de nouveaux publics, de "décloisonnement des genres artistiques" et d' "ouverture des enseignements à la diversité culturelle".

Les conférences territoriales "oubliées" ?

Il rappelle, dans son avis, son "attachement" à la mise en place des conférences territoriales,  qui sont pour lui des "lieux de négociations privilégiées entre les différents acteurs des politiques publiques de la culture". Et regrette que les conférences territoriales ne soient pas mentionnées dans le projet de loi.
Il se félicite en revanche de l'intégration des 600 zones de protection des paysages et urbains et paysagers (ZPPAUP) sous la nouvelle dénomination de "cités historiques", car elle "assure leur pérennité". D'une manière générale, il "salue le processus de décentralisation assurant un rôle plus important aux collectivités territoriales en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine", notamment via l'articulation entre PLU et plans de sauvegarde (comprenant les nouvelles "cités historiques"), mais rappelle qu' "un encadrement attentif du pouvoir régalien est nécessaire". En d'autre terme, cette compétence renforcée des collectivités "doit s'accompagner d'une garantie de pérennité des efforts de protection et de valorisation".

"Clarifier les moyens et les compétences d'une gouvernance territoriale de qualité"

Il recommande également de prévoir les modalités d'accompagnement des élus locaux dans l'élaboration et la mise en oeuvre du nouveau plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine et plus généralement de "clarifier les moyens et les compétences d'une gouvernance territoriale de qualité (élaboration, suivi, contrôle) des régimes de protection du patrimoine et des territoires".
L'avis préconise aussi "d'améliorer la contribution des acteurs du numérique au financement de la création, et de faire évoluer le partage de la valeur". De même, il se félicite des mesures visant à faciliter l'accès de tous aux biens culturels, tout en "appelant les pouvoirs publics à la vigilance" face à certaines dérives, comme la numérisation d'ouvrages à grande échelle.
De façon plus générale, le Cese insiste sur "la nécessité d'affirmer un positionnement volontariste et efficace de la puissance publique et le rôle primordial des Drac dans la lutte contre les inégalités territoriales".
Sur la question du développement et de la pérennisation de l'emploi dans le secteur culturel, le Cese "salue la meilleure prise en compte des différentes situations d'emploi des artistes, mais regrette le manque d'ambition du projet de loi". Il renouvelle donc ses préconisations sur la lutte contre les pratiques illégales et abusives comme le recours aux contrats de cession, "dont les modalités d'encadrement devraient être intégrées dans la loi".

 

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