Handicap - Projet de loi Autonomie : un rapport appelle à ne pas oublier les handicapés vieillissants
Patrick Gohet, membre de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), mais aussi ancien délégué interministériel aux personnes handicapées et ancien directeur général de l'Unapei, a remis à Marie-Arlette Carlotti et Michèle Delaunay son rapport sur "L'avancée en âge des personnes handicapées". Cette remise est intervenue le 28 novembre, autrement dit la veille du lancement, par Jean-Marc Ayrault, de la concertation sur le futur projet de loi Autonomie (voir notre article ci-contre du 29 novembre 2013).
Une coïncidence qui ne doit rien au hasard
Cette coïncidence ne tient évidemment pas au hasard. L'objectif est double. D'une part, il s'agit de ne pas renouveler l'erreur du précédent gouvernement qui, lors de la tentative avortée de réforme de la dépendance, avait donné aux associations de personnes handicapées le sentiment qu'elles étaient tenues à l'écart (voir notre article ci-contre du 11 janvier 2011). A La réception du rapport, les deux ministres ont d'ailleurs bien pris soin de préciser que ce document permettra "d’enrichir la réflexion sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en cours de préparation".
D'autre part, il s'agit aussi de prendre en compte, dans la réflexion autour du projet de loi, la question récurrente des personnes handicapées vieillissantes, dont l'impact se fait sans cesse plus important avec le fort accroissement de l'espérance de vie des personnes handicapées.
La mission de Patrick Gohet - chargé d'animer un groupe de travail sur le sujet - a été lancée, il y a plusieurs mois, en février 2013 (voir notre article ci-contre du 11 février 2013). La question de la prise en charge des handicapés vieillissants devrait pourtant être réglée, puisque l'article 13 de la loi Handicap du 11 février 2005 dispose que "dans un délai maximum de cinq ans, les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d'âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d'hébergement en établissements sociaux et médicosociaux seront supprimées". Mais la réalité est bien différente.
Des réponses diversifiées pour faire face à des situations très différentes
Balayant tous les aspects de la question, le rapport s'efforce d'apporter des réponses diversifiées, tant les situations individuelles peuvent être différentes. Comme dans le cas des personnes âgées, il donne la priorité au maintien à domicile, avec des outils identiques - accompagnement des aidants familiaux, structures de répit, équipes mobiles... -, qui plaident pour une intégration encore plus poussée entre les deux secteurs.
En matière d'hébergement, il propose diverses formules pour adapter les Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) à l'accueil de personnes handicapées vieillissantes (notamment des handicapés mentaux), mais aussi pour adapter les établissements pour personnes handicapées au vieillissement de leurs pensionnaires. La solution la plus prometteuse semble toutefois celle des établissements mixtes, associant un Ehpad et un FAM (foyer d'accueil médicalisé) ou un foyer de vie. La réussite de telles évolutions passe toutefois par plusieurs préalables, comme une meilleure coordination des acteurs et une formation des professionnels.
Création des MDA : oui, mais...
On notera au passage que le rapport fait preuve d'un enthousiasme mitigé sur la perspective d'une transformation des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en maisons départementales de l'autonomie (MDA), qui engloberaient les dispositifs relatifs aux personnes âgées. Sans rejeter le principe, le rapport relève toutefois que "la création de MDA ne suffirait pas pour la mise en œuvre d’une authentique politique de l’autonomie".
D'autres conditions devront en effet être remplies, comme l’attribution à la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) d’une fonction renforcée de pilote et de régulateur, le renforcement de la coordination institutionnelle entre les ARS (Agfences régionales de santé), les services de l’Etat et les départements, ou encore l’harmonisation et le partage de systèmes d’information, d’outils programmatiques et de moyens de financement.
LGBT : vers des maisons de retraite communautaires ?
Le 27 novembre, trois associations - le Groupe SOS, gestionnaire de services et établissements pour personnes âgées, SOS Homophobie et l'association Aides - ont également remis à Michèle Delaunay un rapport sur les conditions de vieillissement des personnes et des couples LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels). Le rapport met en avant certaines problématiques spécifiques, comme l'homophobie ou la présence de personnes séropositives, face auxquelles les Ehpad sont un peu dépourvus, mais aussi des problématiques plus générales, comme les difficultés liées à la solitude ou la précarité financière. Le rapport reconnaît que "le vieillissement chez les personnes LGBT n'a rien de particulier en soit", mais que leur histoire personnelle et leur état de santé créent "des spécificités, des difficultés sociales, économiques et sanitaires", à prendre en compte pour "rétablir l'égalité dans l'âge"
Parmi les 23 propositions du rapport - dont une meilleure formation des personnels des Ehpad -, l'une des plus discutées sera sans nul doute la proposition d'expérimenter des maisons de retraites "communautaires", dédiées à l'accueil des personnes LGBT. Une piste qui semble pourtant en contradiction avec la volonté d'intégration affichée par le rapport.