Sécurité - Prévention de la délinquance : une loi pour rien ?

La Conseil national des villes constate une "absence quasi systématique de mise en oeuvre" de la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007. Loi qui, loin de conforter le maire dans son rôle de pivot, a instauré un climat de "défiance" à son égard.

Après des années de préparation et huit mois de débats parlementaires houleux, la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007 rencontre toutes sortes d'écueils. C'est le constat accablant du Conseil national des villes (CNV) qui, dans un avis rendu public la semaine dernière, décortique un à un les apports de cette loi qui devait faire du maire la cheville ouvrière des actions de prévention sur le territoire de sa commune. Résultat deux ans après : une "absence quasi systématique de mise en oeuvre". Loin de conforter le maire dans son rôle  de coordinateur, la loi aurait plutôt engendré une relation de méfiance. Une situation contre laquelle le Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU) avait maintes fois mis en garde lors de l'élaboration du texte. "Les maires ont très mal vécu la défiance qui s'est installée à leur égard avec cette loi", souligne le CNV. Exemple avec le secret partagé : la loi prévoit que les travailleurs sociaux, qui étaient jusque-là soumis au secret professionnel, échangent leurs informations avec le maire sur certaines familles en difficulté (comme c'était déjà le cas avec le président du conseil général). "La loi a mis les élus en porte-à-faux et conduit les professionnels à prendre une position défensive et méfiante vis-à-vis des élus locaux", a constaté le groupe de travail présidé par le maire de Gonesse, Jean-Pierre Blazy, et le procureur général près la cour d'appel de Versailles, Jean-Amédée Lathoud, après s'être rendu à Bordeaux, Lille et Montfermeil. Par ailleurs, les conseils généraux hésitent encore à déléguer leur compétence en matière de prévention de la délinquance aux communes ou intercommunalités.
Ces réticences se retrouvent à tous les niveaux à commencer par la police : "L'obligation de renseigner le maire sur les faits troublant l'ordre public sur le territoire de sa commune ne s'est pas mise en place et semble même se heurter au refus des DDSP (directions départementales de la sécurité publique)." Les commissaires se contentent d'informer le maire sur les faits les plus graves mais l'appréciation est laissée à chacun.

 

Responsabilité parentale

En matière d'absentéisme scolaire, décrit comme un "clignotant important" dans les dossiers des mineurs délinquants, la suspension des allocations familiales ne peut intervenir avant la fin de l'année scolaire ! Ce qui ôte tout effet dissuasif. "Les établissements attendent généralement deux mois après  la rentrée pour entamer une procédure. Le temps de convoquer la famille, de respecter les procédures, la sanction, les délais, la sanction intervient en juin", précise le rapport. La notion de responsabilité parentale rencontre de nombreux autres freins. Seules Castres, Aulnay-sous-Bois, Montereau, Aubervilliers et Woippy ont mis en place un conseil des droits et devoirs des familles. Ce conseil jugé "redondant" introduit "des risques de confusion avec les autorités" : il "place le maire en situation de procureur et de juge d'instruction et en concurrence avec le président du conseil général". Pour le stage de responsabilité parentale destiné aux parents défaillants, c'est simple, "il n'y en a pas eu". Ce qui est d'autant plus surprenant que ce stage avait été institué comme alternative aux sanctions pénales (article 227-17 du Code pénal) qui ne sont quasiment jamais appliquées.
Selon le CNV, les élus regrettent que les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance privilégient des projets de vidéoprotection au détriment d'autres actions de prévention sociale ou de prévention de la récidive.
Le rapport alerte aussi sur certaines situations apparues au fil des auditions sans relever directement du champ de la loi Sarkozy de 2007 : déscolarisation "massive" et "largement sous-estimée" des adolescents, accueil des jeunes étrangers ne trouvant pas leur place dans la filière "normalisée", difficultés des bailleurs face au vandalisme ou absence de coordination en matière d'aide sociale entre villes et conseils généraux.

 

Michel Tendil