Prévention de la délinquance - Démarrage contesté pour le premier conseil des familles
Après trois ans de préparation, la loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance adoptée le 5 mars dernier entre à présent dans le vif du sujet : les premiers décrets tombent et la ville de Castres (Tarn) vient de décider, mardi 22 mai, la mise en place du premier conseil pour les droits et devoirs des familles, l'une des mesures phares de cette loi qui fait du maire le pivot de la prévention de la délinquance sur son territoire. Les échanges houleux au conseil municipal ont rappelé les vives polémiques suscitées au moment des débats au Parlement, l'opposition castraise ayant critiqué un "contrat d'échec". "Il y a un certain nombre de situations que l'on ne peut résoudre avec ce qui existait avant cette loi. C'est un outil supplémentaire qui devrait permettre d'éviter à un jeune de verser dans la délinquance. Ce n'est pas un organe répressif, c'est tout sauf cela", s'est défendu le maire UMP de Castres, Pascal Bugis.
Selon la loi de prévention de la délinquance du 5 mars, le conseil pour les droits et devoirs des familles constitue un "lieu de concertation et d'écoute pour les familles ayant des difficultés à exercer leur autorité parentale". Il peut être installé dans toutes les villes de plus de 10.000 habitants. Obligatoire dans la première version du texte, il a ensuite été rendu facultatif par un amendement de Christine Boutin. Présidé par le maire et composé de représentants de l'Etat, de la ville, de l'Education nationale et du secteur sanitaire et social, il est chargé d'envisager avec les familles les moyens de prévenir et de protéger les enfants des dérives délinquantes.
Accompagnement parental
Le conseil n'a donc pas vocation à être répressif. Il peut prononcer des recommandations et proposer un "accompagnement parental" consistant en un suivi individualisé à travers des actions de conseil et de soutien à la fonction éducative. Lorsque les parents ne se conforment pas à leurs engagements, le maire a la possibilité de saisir le président du conseil général pour conclure un "contrat de responsabilité parentale" prévu par la loi sur l'égalité des chances du 31 mars 2006. Mais entre "accompagnement parental" et "contrat de responsabilité parentale", la distinction n'est pas très nette. Une circulaire devrait préciser les contours exacts de cette mesure.
Enfin, le conseil pourra aller jusqu'à demander au juge des enfants une mise sous tutelle des allocations familiales en cas de démission manifeste des parents. C'est sans doute le point qui suscite les plus vives inquiétudes. Pourtant, le conseil pour les droits et devoirs des famille n'est pas vraiment une nouveauté. Il s'inspire en effet d'exemples menés dans l'Est de la France, notamment à Mulhouse avec la Maison des parents. Dès 2006, celle-ci a mis en place avec le procureur de la République des "sessions de responsabilité parentale". Un système qui rappelle lui-même les "cours de responsabilité parentale" créés par Tony Blair en Grande-Bretagne.
En réalité, les mesures prononcées par le conseil se veulent des alternatives aux sanctions beaucoup plus lourdes du Code pénal, notamment celles de l'article 227-17 qui prévoit des amendes, voire des peines d'emprisonnement, en cas de carence éducative grave. Sans doute trop sévère, cet article pourtant assez récent n'est quasiment jamais utilisé par les tribunaux.
Michel Tendil
Ce que dit le Code pénal
Le Code pénal serait-il trop sévère avec les parents démissionnaires ? Une chose est sûre, les parquets préfèrent éviter d'y recourir. L'article 227-17 dispose en effet que "le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende". Par ailleurs, l'article 321.6 bis permet de condamner pour "complicité de recel", les parents qui fermeraient les yeux sur le train de vie manifestement anormal de leur enfant. Enfin, cas plus grave, l'article 227-21 dispose que "le fait de provoquer directement un mineur à commettre habituellement des crimes ou des délits est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende".