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Tourisme - Pour une remise à plat des compétences touristiques des collectivités

Jean-Michel Couve, député du Var, a remis au Premier ministre son rapport sur le tourisme. En termes d'organisation territoriale, il propose une remise à plat de l'actuel "enchevêtrement des compétences et des interventions".

Depuis plusieurs mois, le gouvernement s'emploie à renforcer les perspectives à moyen et long termes de l'activité touristique, promue au rang d'accélérateur de croissance et de pourvoyeur d'emplois. Les récents lancements du plan "Destination France 2020" et de la marque France participent de cette démarche.
Malgré le rang de première destination mondiale, l'activité touristique de la France connaît un certain nombre de faiblesses structurelles qui limitent sa capacité à dégager un niveau de recettes comparable à d'autres pays (les Etats-Unis, leader mondial en la matière, ou l'Espagne, qui occupe le premier rang européen). En janvier dernier, François Fillon a donc chargé Jean-Michel Couve - président du groupe d'étude sur le tourisme à l'Assemblée nationale et maire de Saint-Tropez jusqu'en mars 2008 - d'une mission sur le tourisme en France, centrée sur trois sujets essentiels : l'organisation territoriale du tourisme, l'observation statistique et les accords bilatéraux de la France dans le domaine du tourisme.

 

Régions et départements : une coordination à revoir

Le premier point intéresse très directement les collectivités territoriales. S'inscrivant dans la lignée du rapport de la Cour des comptes en 2004, Jean-Michel Couve confirme que "les gouvernances de ces collectivités ne permettent pas le dynamisme souhaitable en termes de développement touristique". Il pointe notamment "un enchevêtrement des compétences et des interventions, des financements croisés divers, ainsi que, trop souvent, une absence ou insuffisance de coopération dans la mise en oeuvre des actions".
La première difficulté concerne le manque de coordination entre régions et départements. L'article 103 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité avait pourtant cru clarifier une situation passablement embrouillée, en précisant que "le conseil régional assure le recueil, le traitement et la diffusion des données relatives à l'activité touristique dans la région. Il coordonne, dans la région, les initiatives publiques et privées dans les domaines du développement, de la promotion et de l'information touristiques". Mais le rapport constate que cette disposition reste largement théorique et relève la très faible coordination entre régions et départements pour l'élaboration des schémas régionaux d'aménagement et de développement du tourisme et des loisirs. D'un côté, les départements n'informent pas la région des orientations, projets et actions qu'ils envisagent d'engager. De l'autre, la région ne soutient que rarement ces actions, faute qu'elles soient conformes à son schéma.
Pour sortir de cette impasse, Jean-Michel Couve préconise en particulier deux mesures. D'une part, il apparaît nécessaire de reprendre l'élaboration des schémas en veillant à une réelle concertation sur la base d'orientations, voire de programmes partagés. Le rapport suggère même d'aller plus loin en évoquant la possibilité de passer des "contrats d'objectifs, de moyens et de résultats" entre les départements et les régions. D'autre part, l'Etat pourrait conditionner le soutien financier qu'il apporte à certaines opérations au respect des règles de coopération entre régions et départements.

 

Le tourisme, une exception intercommunale ?

L'organisation territoriale du tourisme laisse également à désirer du côté des communes et des intercommunalités. En sa qualité d'ancien maire de Saint-Tropez, Jean-Michel Couve se plaît à rappeler que "si les communes, en général, constituent le maillon territorial de base de l'économie touristique, les communes touristiques, quant à elles, en sont les moteurs fondamentaux et essentiels". Soulignant que les investissements réalisés par ces dernières ont des retombées sur toute l'économie environnante, le rapport propose quatre mesures pour permettre à ces "pôles moteurs" de bénéficier de meilleures ressources en termes de finances comme de management.
La première - assez iconoclaste - se fonde sur la spécificité de ces communes pour remettre en cause certains aspects de l'intercommunalité. Elle propose en effet "que la règle de subsidiarité s'applique au niveau intercommunal et que soit reconnu le droit pour le maire d'une commune qui a transféré ses compétences à la communauté d'en conserver telle ou telle composante à la condition, bien évidemment, d'en conserver les charges afférentes". Selon Jean-Michel Couve, une telle disposition permettrait "que les élus locaux s'approprient plus sereinement le fait communautaire".
La seconde mesure consisterait à introduire, dans la fonction publique territoriale, des formations et des qualifications dans le domaine du tourisme, de l'événementiel et de la promotion. Il s'agirait, en d'autres termes, de "professionnaliser" l'action touristique des collectivités.
La troisième mesure proposée par le rapport consisterait à instaurer une déclaration obligatoire des meublés en mairie. La base juridique existe déjà, puisque la mesure figure dans la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, mais les décrets d'application n'ont jamais été pris. L'enjeu est important pour l'assiette de la taxe de séjour : le rapport estime que cette "zone grise" - qui correspond pour l'essentiel à des résidences secondaires susceptibles d'être louées par leurs propriétaires - peut représenter jusqu'à 80% de la capacité globale d'hébergement dans certaines communes très touristiques (voir encadré ci-dessous).
Enfin, outre une réforme de la taxe de séjour (voir encadré), Jean-Michel Couve propose aussi "d'assurer une plus juste répartition, entre communes et départements, de la taxe additionnelle sur les droits de mutation". Au lieu de l'actuelle répartition de 1,2% pour les communes et 3,6% pour les départements, le rapport préconise 2,4% pour chaque niveau de collectivité.

 

Un partenariat Etat-régions pour l'observation touristique

Les deux autres grands thèmes abordés par le rapport - l'observation statistique et les accords bilatéraux de la France dans le domaine du tourisme - concernent moins directement les collectivités.
En matière statistique, Jean-Michel Couve suggère toutefois un renforcement du partenariat entre l'Etat et les régions afin d'améliorer l'observation statistique nationale. Il s'appuie pour cela sur l'Association des régions de France (ARF) qui, lors de sa dernière assemblée générale, se déclarait "prête à évoquer une plus forte articulation des compétences en matière d'observation et d'analyse, les régions ayant une responsabilité formelle dans ce domaine sur leur territoire". Constatant la dispersion actuelle de l'observation touristique entre plusieurs niveaux de collectivités, il propose également de créer des "observatoires territoriaux de fréquentation et de consommation touristiques", qui permettraient d'harmoniser les approches, les méthodes et les données, mais aussi de faire circuler l'information.
Sur les accords bilatéraux de la France en matière de tourisme, les deux propositions principales consistent en la création d'une plate-forme "France tourisme international" (qui aurait une mission de recension des actions et des compétences, de prospection des moyens et de recherche de coopérations) et en la mise en place d'un pôle "Affaires internationales du tourisme", chargé notamment d'animer et de suivre la politique de la France en la matière.

 

Jean-Noël Escudié / PCA


Taxe de séjour : pour de petites adaptations

Pas de grand changement, mais une revalorisation des taux. C'est ce que préconise le rapport Couve concernant la taxe de séjour, qui pèse chaque année quelque 170 millions d'euros, mais dont le rendement stagne et se situe à un niveau très inférieur à ce que les collectivités locales pourraient réellement en attendre. Aujourd'hui, les élus déterminent localement le niveau des taux de la taxe en fonction de grilles propres à chaque mode d'hébergement. Or, ces taux n'ont pas été révisés depuis 2002.
Cette réforme à la marge de la taxe de séjour conviendrait bien aux maires des stations classées et des communes touristiques, dont un certain nombre souhaitent justement que les taux de la taxe évoluent chaque année en fonction d'un indice, qui serait par exemple l'indice des prix à la consommation.
Autre piste ouverte par le rapport : rendre obligatoire la déclaration des meublés en mairie. En effet, alors que dans certaines villes, ces logements constituent jusqu'à 80% de l'ensemble du parc d'accueil, ils sont également 80% à ne pas être déclarés en mairie et donc à échapper à la taxe de séjour. En élargissant l'assiette de la taxe, cette mesure permettrait aux collectivités locales de trouver de nouvelles ressources financières. Elle rencontre pleinement l'assentiment des maires des stations classées et des communes touristiques, qui ajoutent à la question des meublés celle des campings cars stationnant en dehors des campings.
En ne précisant ni l'objectif ni les modalités de l'opération, le député du Var suggère enfin de revoir les critères d'application de la taxe de séjour. Lorsqu'ils l'instituent, les élus locaux choisissent entre deux formules : le forfait ou le réel. Bien qu'elle permette à la collectivité de moins pâtir de la fraude, la première solution, autorisée depuis 1988, n'a pas fait recette. Dans ce cas en effet, l'hébergeur peut avoir l'impression qu'il s'acquitte lui-même de la taxe de séjour, à la place du touriste, ce qui rend sans doute la taxe impopulaire. L'option forfaitaire n'a donc pas empêché l'évasion fiscale. C'est peut-être ce défaut que le parlementaire souhaite corriger.

T.B / Projets publics

 

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