Emploi - Pour le Cese, l'action de Pôle emploi n'est pas assez territorialisée
Voté à la quasi-unanimité (200 voix pour et 5 abstentions), l'avis de la section "travail et emploi" du Conseil économique, social et environnemental (Cese) du 15 juin 2011 sur la réforme du service public de l'emploi est assez critique. "Alors que la création de Pôle emploi est désormais effective aux plans juridique et organisationnel, force est de constater que cette réforme n'a pas encore produit les résultats attendus", signale ainsi le rapport, pointant du doigt en particulier la mission d'accompagnement des demandeurs d'emploi qui "demeure très insuffisante". "Alors que l'accompagnement des demandeurs d'emploi jusqu'à leur placement devait constituer une mission essentielle de Pôle emploi, les résultats observés apparaissent décevants", souligne le Cese. Et le manque de personnalisation est particulièrement mis en avant. "Il faut s'inscrire dans une logique de prévention, il faut un accompagnement personnalisé, différencié, a insisté le rapporteur Daniel Jamme, à l'issue du vote. Cela veut dire des capacités d'autonomie pour les agents de Pôle emploi qui pourraient disposer d'une caisse à outils." D'après lui, les moyens consacrés à cet accompagnement sont insuffisants. "En Allemagne, le service public de l'emploi consacre 150 postes équivalent temps plein pour 10.000 demandeurs d'emploi, contre 113 en Grande-Bretagne et 71 seulement en France !" En France, à la fin de l'année 2010, chaque conseiller de Pôle emploi doit prendre en charge plus d'une centaine de demandeurs d'emploi en moyenne. Un chiffre bien loin de l'objectif des 60 dossiers affiché par le gouvernement avant la fusion. Si les auteurs du rapport concèdent que la fusion a été réalisée dans un contexte peu favorable, ils estiment aussi qu'elle a été "peu préparée" et qu'elle reste "inachevée". Elle serait même génératrice de surcoûts. En témoigne l'augmentation des coûts de fonctionnement mobilier prévue jusqu'en 2015… Autre problème identifié par le Cese : la coopération des différents acteurs au niveau régional. "Dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi, il y a aussi la question de la méthode, a signalé Françoise Geng, présidente de la section "travail et emploi" du Cese. On doit donner plus de pouvoir aux régions pour mieux répondre aux besoins de chaque territoire. Or aujourd'hui, il y a une telle rigidité, tout vient d'en haut !" La territorialisation de l'action de Pôle emploi paraît fondamentale pour identifier les besoins des entreprises en matière de compétences et les besoins des demandeurs d'emploi. "Ceux-ci ne trouvent des réponses que dans la proximité géographique, la mobilité professionnelle se joue dans le territoire", a précisé Daniel Jamme.
22 recommandations
Face à ce constat, le Cese avance 22 recommandations destinées à renforcer le service public de l'emploi, au premier rang desquelles : renforcer la coopération avec les autres acteurs du service public de l'emploi, que sont les régions notamment, mais aussi les départements, les missions locales et les maisons de l'emploi. "Au niveau régional, il semble essentiel de mieux articuler les offres de formation proposées par Pôle emploi et les conseils régionaux, explique le rapport, en ce sens, les initiatives, encore isolées, d'appels d'offres communs ou complémentaires méritent d'être développées." Le Cese estime qu'il faut aussi repenser la gouvernance régionale, en veillant notamment à la cohérence et à la coordination des politiques d'emploi et de formation professionnelle définies à l'échelon régional. Il préconise en ce sens de "regrouper le conseil régional de l'emploi (CRE) et le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) dont la composition et les attributions se recouvrent en partie, afin de faire émerger une véritable vision stratégique territoriale".
Limiter de manière notable la taille des portefeuilles des conseillers de Pôle emploi fait aussi partie du lot des recommandations du Conseil, tout comme la personnalisation du service aux demandeurs d'emploi et l'amélioration de l'offre de formation et du service d'indemnisation. D'après le Cese, il faut donc augmenter les moyens de Pôle emploi et rénover sa gouvernance, pour faire davantage de place aux partenaires sociaux. "Par rapport aux moyens, on a un contexte favorable puisque la convention tripartite de Pôle emploi doit être renégociée d'ici la fin de l'année. On souhaite que les différents négociateurs mettent l'accent sur la nécessité d'une approche personnalisée, en termes de parcours", a détaillé Daniel Jamme, qui a toutefois regretté que le Premier ministre ne soit pas là le jour du vote de l'avis pour donner son sentiment. "Ce n'est pas un luxe de venir écouter toutes les propositions sur ce sujet vu le contexte", a affirmé Françoise Geng. La section compte présenter l'avis au gouvernement prochainement. Elle attend aussi avec impatience le prochain avis de la mission sénatoriale sur Pôle emploi, qui d'après les membres de la section, "est visiblement sur la même longueur d'onde". Deux précédents rapports, celui de l'Inspection des affaires sociales (Igas) et de la CFDT, avaient déjà tiré à peu près les mêmes conclusions. De son côté, Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi, cherche à défendre son bilan. S'il considère que les critiques sur l'accompagnement sont réelles en matière de personnalisation, il estime que ces difficultés sont largement liées à l'explosion du chômage.