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Emploi - Pôle emploi : rythme de croisière ou rythme infernal ?

Deux ans et demi après sa création, Pôle emploi semble trouver son rythme de croisière. Mais la situation est "complexe" reconnaît son directeur alors l'institution accuse un déficit de 8% et que le nombre de personnes suivies par les conseillers reste très élevé.

"Après une première année d'installation complexe, l'année 2010 a permis de stabiliser l'organisation et de simplifier le travail pour les demandeurs d'emploi et les entreprises." Le directeur général de Pôle emploi, Christian Charpy, s'est montré optimiste à l'occasion de la présentation du rapport d'activité de l'organisme le 25 mai 2011. Quelques signaux positifs le portent dans ce sens : une augmentation du PIB de 1,5%, une augmentation de 10% des offres collectées par Pôle emploi, et 120.000 créations d'emploi, principalement dans le secteur tertiaire. Des chiffres, auxquels s'ajoute la baisse, pour le quatrième mois consécutif, du chômage en avril 2011 d'après l'annonce de Xavier Bertrand, le ministre du Travail. Des chiffres qui devaient être confirmés mercredi soir mais qui restent encore "insuffisants pour enrayer le chômage actuel, qui tourne autour de 9,2% en 2010 contre 9,5% en 2009", a précisé Christian Charpy, conscient que la situation demeure fragile. Le directeur de Pôle emploi a aussi mis en valeur les mesures et dispositifs mis en œuvre par son institution en 2010, pour contrer la crise : 120.000 contrats aidés dans le secteur marchand (CUI-CIE), 427.000 dans le secteur non marchand (CUI-CAE), soit une augmentation de 11% par rapport à 2009, 200.000 personnes suivies par des opérateurs privés de placement, l'augmentation de dispositifs type bilan de compétences approfondi, évaluations, et orientation et formation, à travers notamment les 917 professionnels spécialisés dans l'orientation hérités de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa)… Les 147.000 personnes qui ont bénéficié du plan Rebond de juin 2010 confié à Pôle emploi, et qui ont donc profité d'un contrat aidé, d'une formation ou d'une allocation, ont également été citées, même si ce chiffre reste bien en deçà de l'objectif fixé, qui était de 325.000 personnes. "Tout nouveau dispositif a du mal à se mettre en place", a reconnu Christian Charpy pour expliquer cet écart.
Autre point sur lequel le directeur a insisté : le lien avec les collectivités territoriales. "Pôle emploi n'est pas tout seul sur les territoires, il doit travailler avec ses partenaires que sont notamment les collectivités", a-t-il ainsi déclaré, expliquant qu'une stratégie de territorialisation des actions de Pôle emploi était en œuvre. Vingt conventions ont été signées avec les conseils régionaux pour coordonner leurs achats de formation et travailler sur le diagnostic des besoins en compétences de chaque territoire. Un travail sur la sécurisation des demandeurs d'emploi les plus fragiles est également en cours, avec notamment la prise en charge, par les missions locales de 182.000 jeunes.

Un conseiller pour 105 personnes

Mais ces mesures ne cachent pas les difficultés auxquelles l'institution doit faire face. En 2010, chaque conseiller a dû prendre en charge 105 dossiers, avec des écarts importants en fonction des régions. "La charge de travail est lourde pour les agents", a souligné Christian Charpy, insistant toutefois sur les recrutements, 11.649 en 2010, dont 2.386 en CDI. La situation financière de Pôle emploi, qui a dépensé quelque 5,3 milliards d'euros, est aussi préoccupante. S'il n'y a pas de problème de trésorerie, comme l'a bien souligné le directeur, Pôle emploi accuse un déficit de 181 millions d'euros. Sur ce point, Christian Charpy se veut aussi rassurant : "Ce déficit intègre des dépenses exceptionnelles de 2010 qui n'auront pas vocation à être reprises en 2011, a-t-il précisé, il intègre aussi les dépenses pour l'intégration des 917 psychologues de l'Afpa, pour lesquels l'Etat n'a pas transféré de fonds…" En 2011, l'objectif est de réduire de 8% le déficit et de poursuivre sur cette voie en 2012. Mais cette logique inquiète les syndicats. Dans un document intitulé "Malaise des deux côtés du guichet", diffusé le 25 mai, la CFDT Pôle emploi fait le point sur la situation qu'elle juge alarmante. "La CFDT était favorable au projet de fusion ANPE-Assedic. Aujourd'hui, nous regrettons que l'Etat ne semble préoccupé que par les questions budgétaires et de court terme, occultant sa mission de responsable des politiques publiques de l'emploi, comme si le seul objectif de Pôle emploi était de réduire les coûts", peut-on ainsi lire dans le document, qui est illustré de témoignages de demandeurs d'emploi et d'entreprises insatisfaits… Des critiques qui ont également été mentionnées par les associations de demandeurs d'emploi et de précaires à l'occasion d'une table-ronde organisée au Sénat le 6 mai par la mission d'information sénatoriale relative à Pôle emploi. Celles-ci ont dénoncé les logiques de rendement associées au manque de moyens.