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Pôle emploi - Les associations de chômeurs se font entendre au Sénat

Les sénateurs de la mission d'information relative à Pôle emploi ont récemment reçu, en table ronde, les représentants d'associations de chômeurs et de salariés précaires. Principal constat du débat : Pôle emploi n'a pas les moyens de remplir sa mission.

Lancée en février 2011, la mission d'information sénatoriale relative à Pôle emploi recevait, mardi 3 mai, les associations de demandeurs d'emploi et de précaires. Après s'être excusé du peu de sénateurs présents à l'audience, pour cause d'agenda surchargé, Claude Jeannerot (PS, Doubs), président de la mission, a précisé le but de la table ronde. "Examiner avec vous la manière dont Pôle emploi accueille, indemnise, accompagne les demandeurs d'emploi. Vous êtes vous-mêmes quotidiennement au contact des chômeurs ou des salariés précaires et il est évident que votre expérience de terrain est pour nous irremplaçable." Les associations ont toutes pointé le problème de fond, selon elles : un manque de moyens criant, tandis que le chômage persiste à haut niveau. "Après la création de Pôle emploi, en décembre 2008, dans un contexte de crise et de forte hausse du chômage, plus de 1.800 agents avaient été recrutés. En 2011, 1.800 postes vont être supprimés. Les moyens n'ont pas augmenté, alors que le nombre de demandeurs d'emplois et de précaires se maintient à un niveau très élevé", a rappelé Hela Khemarou, représentante de Génération précaire. Avant de conclure : "Chaque agent doit suivre plus d'une centaine de demandeurs d'emplois, avec une formation minime : même avec la meilleure volonté, il lui est impossible de remplir sa mission." Même constat du côté d'Agir ensemble contre le chômage (AC!), qui dénonce les logiques de rendement associées au manque de moyens. "Pôle emploi doit remplir une mission de service public, avec des salariés de droit privé et des critères de rentabilité. Le conseiller doit par exemple réaliser le premier entretien, où s'établissent le profil, les compétences et les attentes du demandeur d'emploi, en 20 à 25 minutes maximum. Nous avons posé cette question à M. Charpy [directeur général de Pôle Emploi, ndlr] : pensez-vous qu'en 25 minutes il soit possible de renseigner le profil et les compétences de quelqu'un qui a 20 ans de carrière ? Nous n'avons pas obtenu de réponse", a souligné Alain Marcu, chargé de mission chez AC !

Radiation sans sommation

Pour le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP), l'absence de moyens n'est pas seulement un constat des usagers, mais aussi de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), dans un rapport récent, comme de l'ancien médiateur de Pôle emploi, Benoît Genuini. "La fusion a de surcroît produit une dramatique confusion des rôles. Un agent doit à la fois s'occuper des questions d'indemnisation et d'accompagnement, soit deux domaines très complexes, sans les formations adéquates, et pour un grand nombre de demandeurs d'emploi : comment voulez-vous qu'il s'en sorte ? Il faudrait absolument des personnes dédiées à chaque domaine. Encore plus dramatique est la confusion entre le rôle d'accompagnement et celui de contrôle-sanction, dévolus au même agent : elle détruit sa relation de confiance avec l'usager, déjà fortement altérée par le manque de moyens et de disponibilité. Il ne reste plus qu'un rapport administratif dématérialisé, avec des critères arbitraires de sanction, et des effets souvent dévastateurs pour le demandeur d'emploi. Par exemple, si vous ratez un entretien avec le conseiller pour cause de panne automobile, ce n'est pas considéré comme une excuse valable par Pôle emploi, et vous risquez la radiation", a expliqué en substance Marie Lacoste, secrétaire du MNCP. "En êtes-vous bien sûre ? Ne suffit-il pas d'excuser son absence et de refixer un rendez-vous ?", a demandé Claude Jeannerot. "Non, vous risquez effectivement la radiation", ont répondu en choeur les associations.

Quelques pistes

Faute de pouvoir agir sur le problème de fond (chômage et précarité à haut niveau, moyens en baisse), les quelques sénateurs présents ont tenté d'esquisser des solutions pour remettre un peu d'humain au coeur de la machine. "Vous avez par exemple évoqué le problème des jeunes, dont les diplômes ou le métier ne sont pas répertoriés par le système informatique de Pôle emploi. Quelles solutions pour résoudre cette anomalie ?", a questionné Annie David, sénatrice de l'Isère (groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche). "Comment renforcer le rôle du médiateur de Pôle emploi ?", s'est de son côté interrogé Jean-Paul Alduy (UMP, Pyrénées-Orientales). "En lui donnant un réel pouvoir - il n'a aujourd'hui qu'un rôle de recommandation - et en le nommant à l'extérieur de la structure Pôle emploi", a répondu Alain Barcu. Les sénateurs ont également promis, sur la proposition des associations, d'envisager les moyens de renforcer le rôle des comités de liaison, qui réunissent dans chaque département des représentants de Pôle emploi et des représentants des demandeurs d'emploi.