Pour l'AMF, "cette année se joue la suppression des contrats aidés"
Le Premier ministre a annoncé le 26 août 2018 une nouvelle baisse des contrats aidés, jugeant ces derniers "peu effiaces" pour le retour à l'emploi et préférant porter l'effort sur la formation. Le démarrage poussif du "parcours emploi compétence" venu remplacer les contrats aidés du secteur public en début d'année justifierait ce choix. Un argument biaisé, estime cependant l'Association des maires de France (AMF) qui rappelle notamment la forte diminution du taux de prise en charge de ces contrats par l'État. L'association rappelle aussi la spécificité des publics visés.
Tout comme en 2017, le gouvernement a démarré la rentrée avec l'idée de poursuivre la réduction des emplois aidés. Dans un entretien accordé au Journal du dimanche, le 26 août 2018, dévoilant les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2019, le Premier ministre, Édouard Philippe, a ainsi confirmé la diminution des contrats aidés, "dont la plupart ne permettent pas d'obtenir ensuite un emploi viable", au profit du développement de la formation jugée beaucoup plus efficace. De quoi inquiéter à nouveau l'Association des maires de France (AMF) qui l'an dernier avait déjà tiré le signal d'alarme. "Un an après, nos craintes sont avérées, cette fois-ci on y est", affirme ainsi à Localtis Wilfried Schwartz, membre du comité directeur de l'AMF chargé des questions d'emploi et maire de La Riche (Indre-et-Loire). "Il faut être clair, cette année se joue la suppression ou non des contrats aidés", estime-t-il.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 459.000 emplois aidés en 2016, 320.000 en 2017 et 200.000 seulement budgétés en 2018… Pour 2019, on pourrait arriver à moitié moins, soit 100.000 contrats seulement.
41% des bénéficiaires des contrats aidés en emploi
L'argument principal du gouvernement repose sur le fait que ces contrats n'aboutissent pas à un emploi pérenne. S'appuyant sur une étude de la Dares (ministère du Travail) publiée en mars 2017, l'exécutif soutient ainsi qu'en 2014, 75% des contrats aidés du secteur non marchand n'aboutissent à rien, c'est-à-dire ne permettent pas à leurs bénéficiaires de trouver un emploi durable. Seuls 26% d'entre eux auraient obtenu un contrat durable à l'issue de leurs contrats aidés. Un argument considéré comme biaisé par l'AMF car, dans le détail, l'étude de la Dares indique aussi que 41% des bénéficiaires sont bien en emploi (y compris les CDD de moins de six mois), dont 26% en emploi durable (CDI, CDD de plus de six mois, fonction publique, travailleurs indépendants) et 4% sont en formation. Les résultats seraient donc nettement au-dessus de ce qui est annoncé par le gouvernement.
Par ailleurs, ce dernier justifie sa décision de réduire encore la voilure de ces contrats par l'échec du tout nouveau parcours emploi compétences (PEC), qui est venu remplacer en janvier 2018 l'ancienne formule des contrats aidés, en renforçant notamment les obligations de formation ; le PEC étant désormais réservé au seul secteur public. Il est vrai que seuls 50.700 PEC ont été signés depuis le début de l'année 2018 (sur le 200.000 programmés), avec une évolution assez lente : 5.242 embauches en janvier, 7.924 en février, 9.503 en mars, 9.010 en avril, 9.798 en mai et 10.583 en juin. "Le PEC, c'est un échec, détaille Wilfried Schwartz, mais pourquoi ? Avec son taux de subvention trop faible et la fongibilité éventuelle, le dispositif était voué à l'échec ! Il est aujourd'hui utilisé comme un prétexte pour annoncer la suppression pure et simple des contrats aidés. Il s'agit d'une stratégie du gouvernement que nous dénonçons." Le taux de prise en charge, qui s'établit entre 30 et 60% (contre 75% par exemple pour les emplois d'avenir), est en effet jugé insuffisant. Et la possibilité donnée aux préfets de réorienter une partie de l'enveloppe dédiée aux PEC sur l'insertion par l'activité économique (IAE) fait planer des risques quant au développement du dispositif.
Le moyen de remettre le pied à l'étrier
L'idée du gouvernement est de réorienter les financements jusque-là dédiés aux contrats aidés vers la formation professionnelle, jugée plus à même de donner aux personnes une opportunité de travail durable. "Le chômage baisse (…), les créations d'emploi ont repris et pourtant, dans l'industrie, les services, la restauration ou l'agriculture, il y a des difficultés de recrutements, a déploré Édouard Philippe dans son entretien au Journal du dimanche, il y a là un problème de compétences auquel il faut remédier en investissant massivement dans la formation."
Seul hic, observé par l'AMF mais aussi par les missions locales : la formation professionnelle ne répondra pas forcément aux problématiques des bénéficiaires des contrats aidés, qui sont le plus souvent des personnes très fragiles et très éloignées de l'emploi. "Les contrats aidés correspondent à des formations par l'expérience, parfois validées par une qualification, adaptées à un public très fragile, signale Wilfried Schwartz, c'est un moyen pour eux de remettre le pied à l'étrier. Ces contrats ne sont pas toujours pérennes mais ils offrent à ces personnes de vraies perspectives." Une opinion partagée par Jean-Patrick Gille, président de l'Union nationale des missions locales (UNML) et conseiller régional Centre-Val de Loire, pour qui, "s'il est bien accompagné, un contrat aidé redonne aux gens une bouffée d'air, après quoi ils retrouvent des droits à l'assurance-chômage ; cela évite que ces personnes décrochent complètement".
L'AMF compte bien défendre le dispositif lors des débats parlementaires autour du projet de loi de finances pour 2019, qui doit être présenté au gouvernement fin septembre. "Nous avions déjà été très sollicités en 2017, nous le sommes à nouveau cette année. Nous allons aussi à cette occasion préparer une évaluation précise de la diminution des contrats aidés pour l'ensemble des villes", détaille le représentant de l'AMF, qui demande au minimum un maintien des budgets de 2018 pour les contrats aidés.