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Contrats aidés : le coup de frein fait bondir collectivités et associations

Le sujet a fait la une depuis la mi-août. La diminution du nombre de contrats aidés. "Les contrats aidés sont extrêmement coûteux (...) et ne sont pas efficaces dans la lutte contre le chômage", lançait le 9 août la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. "Si les emplois aidés avaient été un instrument efficace de lutte durable contre le chômage, ça se serait vu", a pour sa part estimé le Premier ministre lors d'un déplacement dans le Gers. Depuis, les réactions de toutes parts n'ont pas cessé, les chiffres ont été précisés et le tir très légèrement rectifié. Sur le terrain, cela faisait déjà plusieurs semaines que les acteurs locaux et les futurs bénéficiaires de contrats constataient que les choses bloquaient au niveau de Pôle emploi. Les inquiétudes portent tout autant sur le sort des publics potentiellement concernés par l'emploi aidé que sur le devenir des services assurés grâce à ces emplois, que ce soit au sein des collectivités ou des associations.

Finalement, environ 310.000 contrats sur 2017

Le budget pour 2017 prévoyait 280.000 nouveaux contrats aidés sur l'année, mais les deux tiers avaient été consommés dès le premier semestre sous la précédente majorité. Le gouvernement avait accordé, dans un premier temps, une rallonge de 13.000 contrats supplémentaires, portant le total à 293.000. Or en 2016, ce sont 459.000 contrats qui avaient été signés. Le gap est donc énorme. Une baisse des prescriptions que représentants des collectivités comme des associations dénoncent de façon quasi unanime.
Finalement, ce ne seront pas 293.000 mais "près de 310.000 contrats aidés qui seront disponibles au total pour l'année 2017", écrit la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) dans une instruction adressée le 18 août aux préfets mais qui n'avait pas rendue publique et dont l'AFP a diffusé le contenu le 24 août.
Quelques heures auparavant, le Premier ministre, Edouard Philippe, avait évoqué le nombre de 320.000, en laissant entendre que l'enveloppe passerait sous 200.000 en 2018. "Mon objectif n'est pas de dire 'les contrats aidés, c'est mal'". Pour les personnes concernées, c'est "momentanément utile", et pour les collectivités, un gain en termes de coût. "Mais à la fin de la fin", "c'est une politique publique qui ne produit pas de bons résultats pour le retour à l'emploi", et s'avère "très onéreuse", a-t-il argumenté sur BFM TV/ RMC. En 2018, "il y aura encore des contrats aidés" mais "il y en aura moins que ce qui existe aujourd'hui", a-t-il martelé. "On fera en sorte que l'utilisation des contrats aidés dans l'Education nationale et les outre-mer soit préservée", a nuancé le Premier ministre. Pour le reste, "on veut très fortement changer la logique", et les moyens seront utilisés à "financer des formations individualisées qui permettent un retour durable à l'emploi", a-t-il dit.

Des contrats désormais très ciblés

Pour 2017, l'instruction de la DGEFP indique qu'au-delà de l'enveloppe initiale de 2,4 milliards d'euros budgétée en loi de finances, la rallonge est financée par une "enveloppe complémentaire de 350 millions, complétée à nouveau de 50 millions le 11 août". Cette rallonge s'inscrit néanmoins "dans un contexte de réduction des volumes de contrats aidés", confirme la DGEFP.
Tous les contrats supplémentaires sont affectés au secteur non marchand, où 239.000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) auront été signés sur l'année, au lieu de 200.000, selon le document de la DGEFP. Dans le détail, 218.748 sont prescrits en métropole, 20.252 en outre-mer.
Au second semestre, les prescriptions se limitent à des secteurs précis. Dans "l'Education nationale", le contingent, fixé "à 50.000 contrats pour l'année scolaire 2017-2018", "doit cibler l'accompagnement des élèves handicapés", énonce la DGEFP. Des contrats peuvent être aussi signés pour respecter les "engagements contractuels avec les conseils départementaux". Enfin, 328 contrats sont réservés aux "recrutements d'adjoints de sécurité". Au-delà, "les prescriptions doivent exclusivement permettre (...) de prescrire des renouvellements voire des nouveaux contrats pour répondre aux situations d'urgence du secteur sanitaire et social", complète la DGEFP.
Dans le secteur marchand, "la prescription des contrats initiative emploi (CIE) est stoppée à ce stade", selon le document. Ce gel permet de réorienter 7.000 contrats non consommés vers le secteur non-marchand.

Les contrats d'avenir, c'est aussi de la formation

Enfin, concernant les emplois d'avenir, "seuls des renouvellements pourront être assurés pour permettre la poursuite de parcours déjà engagés", dans la limite de 7.881 contrats au deuxième semestre, et "sous réserve du respect, par les employeurs, de leurs engagements pris en matière de formation et d'accompagnement", note la même instruction.
Mesure du quinquennat de François Hollande, les emplois d'avenir sont des contrats aidés mais se distinguent des autres types de contrats puisque spécifiquement tournés vers les jeunes, en l'occurrence les jeunes peu ou pas qualifiés. A temps plein et de longue durée, ils incluent un projet de formation. A fin 2016, plus de 325.000 emplois d'avenir avaient été signés depuis leur lancement en novembre 2012.
Sur ces emplois d'avenir, c'est le président de l'Union nationale des missions locales (UNML), Jean-Patrick Gille, qui est monté au créneau pour "rappeler l'impérieuse nécessité" de maintenir ces contrats, de "vrais emplois qui valorisent et permettent d'accroître (les) compétences" de leurs bénéficiaires et ont "permis d'insérer durablement et de qualifier des jeunes en situation d'exclusion". Du point de vue des employeurs du secteur non marchand, "ils contribuent à apporter des services à la collectivité - et donc à dynamiser les territoires - en prenant en compte des besoins peu voire pas satisfaits". Au gouvernement qui semble opposer contrats aidés et formation, Jean-Patrick Gille rappelle que "la formation (est) la pierre angulaire" des emplois d'avenir.

Comment faire sa rentrée sans CAE ?

Pour les autres types de contrats aidés, à savoir principalement les CAE, l'approche de la rentrée des classes a envenimé les choses, nombre de communes ayant recours à contrats dans le périmètre scolaire – aide à la restauration, animation, auxiliaires de vie scolaire…
Le problème a fait grand bruit à la Réunion, où 19 des 24 maires de l'île ont annoncé qu'ils reportaient la rentrée scolaire de cinq jours dans les écoles maternelles et élémentaires. Ce report devait "laisser aux maires le temps pour les recrutements nécessaires" sur les postes d'agents de restauration scolaire, d'entretien et de surveillance, avait déclaré Stéphane Fouassin, président de l'Association des maires de la Réunion et maire de Salazie. Le préfet de la Réunion, Amaury de Saint-Quentin, venait pourtant de promettre le déblocage de 1.800 contrats aidés pour le milieu scolaire. Mais les maires en réclamaient 3.298. La préfecture a ensuite annoncé l'attribution de 1.000 autres CAE, soit un total de 2.800 emplois aidés pour les écoles.
Mais le casse-tête est aussi d'actualité pour certaines communes de métropole. "La rentrée, c'est dans quinze jours, il faut qu'il y ait quelqu'un pour garder les enfants, aussi bien en garderie qu'à la cantine", témoignait par exemple récemment Rose-Marie Falque, présidente de l'association des maires de Meurthe-et-Moselle. "C'est quand on s'adresse à Pôle emploi qu'on vous dit que ce n'est plus possible", déplore-t-elle.

Les maires écrivent au gouvernement

Le premier vice-président délégué de l'AMF, André Laignel, évoque "l'impossibilité de renouveler la plupart des contrats arrivant à échéance prochainement ou de recourir à ce dispositif pour de nouveaux recrutements". Les communes n'ont été informées que "très récemment" que "ce type de contrats ne serait plus accordé et que les renouvellements de ces contrats seraient à prioriser selon des critères qui doivent être précisés", fait-il valoir. "Cela pose des difficultés inextricables au niveau local, car les besoins en personnel sont avérés, les organisations des services publics (restauration, activités périscolaires...) sont validées", note André Laignel.
L'Association des petites villes de France (APVF) dénonce elle aussi la "précipitation" avec laquelle la baisse du nombre d'emplois aidés a été décidée, dans un courrier également adressé à Muriel Pénicaud. Les emplois aidés "permettent à des personnes en situation de précarité de se rapprocher de l'emploi" et de "conforter l'offre de services publics de proximité des collectivités", souligne Olivier Dussopt, le président de l'APVF.
Du côté de Pôle emploi, des consignes ont été passées. En tout cas en Ile-de-France, où les agences ont reçu un courriel interne leur indiquant que "dans l'attente de la circulaire qui ne devrait pas arriver avant la fin du mois, il convient impérativement et sans dérogation de suspendre toutes les prescriptions pour les CIE et pour les CAE". Et que "cette mesure concerne aussi bien les renouvellements que les nouveaux contrats". "Par exception, pour les CAE, les seules prescriptions possibles sont pour l'Education nationale, les adjoints de sécurité et dans le cadre des CAOM", les conventions annuelles d'objectifs et de moyens passées avec des organismes du secteur non-marchand, ajoute le courriel.

 

Parmi les nombreuses autres réactions...

L'Association des DRH des grandes collectivités territoriales
s'est associée à l'Association pour le développement des ressources humaines dans les établissements sanitaires et sociaux pour déplorer "une annonce brutale, non préparée et ce, alors que les besoins au niveau local sont avérés". "Les employeurs hospitaliers et territoriaux ne sont en effet pas en mesure de transformer budgétairement, dans des délai aussi courts, ces contrats aidés en CDD", relèvent les deux associations, pour lesquelles la mesure "correspond davantage à un coup de rabot qu'à une réelle politique de l'emploi". Elles estiment que "stigmatiser" le contrat aidé "alors que le gouvernement n'annonce pas de solution de substitution (...) provoquera, faute de débouchés à court terme, un retour au chômage de publics déjà fragilisés".

Sept grands acteurs du monde associatif - fédération des acteurs de la solidarité (ex Fnars), Uniopss, Emmaüs, Secours catholique - rappellent dans un communiqué commun que "ces contrats sont, en période de crise, le seul moyen d’accès à l’emploi pour les personnes qui en sont le plus éloignées" et demandent un rendez-vous en urgence au gouvernement. "Par le travail et l’accompagnement, les personnes développent en effet leurs compétences, acquièrent de l’expérience professionnelle et reprennent l’habitude du travail en équipe, autant d’atouts pour une insertion durable dans l’emploi", estiment-ils. Les réductions annoncées reviennent "à supprimer les perspectives d’insertion de plus de 150 000 personnes et à remettre en cause des activités d’utilité sociale, environnementales ainsi que le bon fonctionnement de nombreux services publics", écrivent-ils. Ces mêmes représentants du secteur associatif demandent en outre "un meilleur accès à la formation des personnes en contrat aidé" : "La formation est en effet plus efficace lorsqu’elle se déroule en parallèle à une situation de travail et même d’emploi, comme nous le démontre l’alternance. Ne sacrifions donc pas les contrats aidés pour la formation mais combinons les deux".

L'association AD-PA (directeurs de maisons de retraite et service à domicile) : "L'Etat a traditionnellement utilisé les emplois aidés pour compenser le sous-financement qu'il a organisé dans certains secteurs", comme l'aide aux personnes âgées.

 

 

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