Cour des comptes - Contrats aidés : le gouvernement confirmé dans ses orientations, mais alerté sur les risques de dérapage
Le recentrage des contrats aidés sur leur objectif d'insertion professionnelle, la Cour des comptes le demande depuis octobre 2011. Elle constatait alors dans son rapport "que la priorité était donnée à un pilotage conjoncturel du stock de contrats aidés, et que les obligations définies en termes d’accompagnement et de formation professionnelle des bénéficiaires n’étaient pas remplies". Plus récemment en 2016, dans son rapport sur l'emploi des jeunes, les sages de la rue Cambon réclamaient plus de garanties jeunes et moins de contrats aidés (voir notre article du 6 octobre 2016).
Le diagnostic de février 2018 n'est donc, logiquement, pas moins sévère avec la politique menée par les précédents gouvernements : "la priorité donnée à l’impact sur les statistiques du chômage a conduit à maintenir un volume élevé de contrats aidés, au prix d’un effort financier mal maîtrisé et en dépit de résultats décevants". Se fondant sur ses précédentes analyses ainsi que sur celles de la Dares, la Cour des comptes pointe le coût élevé d'un dispositif jugé "peu efficace" du point de vue de l'insertion professionnelle.
La priorité donnée à des "communes rurales" au titre de la cohésion "relègue de nouveau au second plan l’objectif d’insertion professionnelle"
La priorité donnée au secteur non marchand serait particulièrement "critiquable" pour plusieurs raisons : son "manque d'efficacité", la "dépendance croissante des employeurs" qu'elle suscite, mais également le fait qu'elle "[évincerait] d’autres outils pourtant plus efficaces en termes de retour à l’emploi" dont "les contrats aidés du secteur marchand".
La cour n'épargne donc pas l'actuel gouvernement et dit "regretter le choix, amorcé à l’été 2017 et confirmé dans le projet de loi de finances pour 2018, de réserver les moyens disponibles au titre des contrats aidés aux seuls CUI-CAE". "La priorité donnée à certains employeurs tels que les communes rurales, dans une logique de 'cohésion sociale et territoriale', relègue de nouveau au second plan l’objectif d’insertion professionnelle des bénéficiaires."
La réduction du nombre de contrats, jugée nécessaire, doit s'accompagner du "recentrage" des publics et d'un accompagnement effectif
Cela n'empêche pas la cour d'approuver la réduction globale du nombre de contrats aidés en 2017 et 2018, un rééquilibrage qu'elle avait à plusieurs reprises recommandé. Elle insiste toutefois sur la nécessité d’un "recentrage" sur une cible particulière : les publics qui ne pourraient accéder à "des dispositifs plus intensifs en formation" - alternance -, mais qui n'auraient pas besoin d'un accompagnement global proposé par d'autres dispositifs - garantie jeunes, insertion par l'activité économique.
L'accompagnent et la formation doivent devenir en outre "effectifs pour tous les bénéficiaires" des contrats aidés, ce qui implique une plus grande responsabilisation des services publics de l'emploi et des employeurs à travers des engagements formalisés.
Risques de dérapage : le gouvernement sous surveillance
Concernant enfin la gestion financière du dispositif, les juges annoncent qu'ils suivront avec attention la bonne mise en œuvre des nouvelles modalités de pilotage annoncées par le ministère du Travail. Pour éviter tout nouveau dérapage, la Cour des comptes recommande la mise en place d'un "blocage" de la signature de nouveaux contrats par Pôle emploi, les missions locales et Cap emploi, dès lors que l'enveloppe financière annuelle sera consommée.
Dans sa réponse à la cour, Muriel Pénicaud, ministre du Travail, considère que les choix actuels du gouvernement, détaillés dans la circulaire du 11 janvier 2018 mettant en oeuvre les recommandations du rapport Borello, "[répondent] d'ores et déjà à une grande part de vos recommandations". Les contrats aidés seront selon elle bien "recentrés sur [leur] seul objectif d’insertion professionnelle des publics éloignés de l’emploi" et il est donné en particulier "instruction aux prescripteurs de n’octroyer les aides que lorsque les engagements d’accompagnement et de formation des employeurs seront formalisés".