Fonds européens - Politique régionale : le Parlement desserre l'étau
La négociation sur l'avenir de la politique régionale s'avérait âpre au Parlement européen. Les élus sont cependant déjà parvenus à un compromis, mercredi 11 juillet, sur la réforme du fonds européen de développement économique régional (Feder) et du règlement général. "Il y avait 800 amendements, nous avons réussi à convaincre tous les groupes", se réjouit-on au cabinet de Jan Olbrycht, rapporteur sur le règlement Feder.
D'une façon générale, les parlementaires ont assoupli la réforme présentée par la Commission européenne en rendant l'utilisation des fonds moins rigide.
Exit les conditions liées au déficit des Etats
En période de crise de la dette souveraine des Etats, la Commission européenne, soutenue à l'origine par la France et l'Allemagne, veut lier l'octroi des fonds structurels au respect par les Etats des règles d'équilibre budgétaire. En clair, les régions dont les pays gèrent mal leurs finances publiques seraient privées de ces fonds. Les collectivités, en particulier en France, étaient vent debout contre cette proposition. Les élus l'ont supprimée.
"Nous sommes contre la suspension des fonds européens si un gouvernement ne respecte pas ses engagements de réduction de déficit budgétaire. Les régions ne doivent pas être punies pour des erreurs commises par les Etats membres", estime la rapporteure du texte sur le règlement général des fonds, la sociale-démocrate Constanze Krehl (S&D).
La partie est cependant loin d'être gagnée. Si cette idée est absente des textes sur la gouvernance économique de l'UE (six pack et two pack), le commissaire au Budget, Janusz Lewandowski, vient de l'ajouter à ses propositions mises à jour sur le budget de l'Union pour la période 2014-2020. Cette divergence de vues entre les institutions pourrait créer une situation juridique bancale, intenable à long terme.
Des bénéficiaires supplémentaires
La revendication, notamment défendue par l'Association des régions de France (ARF), d'octroyer un coup de pouce financier aux régions dites "en transition" a finalement été adoptée par les députés européens. Le combat n'a pas été facile. "Les rapporteurs étaient d'accord (…) mais les gens du Comité des régions se sont excités pour faire baisser la pression de parlementaires opposés", explique un fin connaisseur du dossier.
La réforme proposée par la Commission européenne prévoit 38,9 milliards d'euros (sur un budget de 336 milliards) pour les territoires dont le PIB par habitant oscille entre 75% et 90% de la moyenne communautaire.
La France apparaît comme la grande gagnante du dispositif, puisque près de 50% de ses territoires sont concernés, comme le Limousin, la Corse, la Basse-Normandie, la Picardie, le Languedoc-Roussillon, etc.
Pour des raisons comptables, Bercy est en revanche plutôt opposé à cette idée. Mais les régions, largement dominées par la gauche, portent le projet. La position du nouveau gouvernement n'est toujours pas claire. Il serait en train de basculer du côté des régions, indique-t-on au Comité des régions.
"C'est le sujet qui fera l'objet de négociations jusqu'au dernier moment" avec les Etats, explique cette même source. Le soutien du Parlement évitera cependant que le sujet ne soit "balayé".
Une utilisation un peu plus ouverte
Pour les régions riches, la Commission européenne prévoit que 80% de la dotation nationale de Feder soient utilisés pour financer des projets dans trois domaines, piliers de la stratégie de l'UE pour 2020 : l'innovation, les PME, et une économie faible en carbone. Pour les régions pauvres, la proportion est de 50%. Avec de telles contraintes, les collectivités risquent de passer à côté de leurs besoins locaux.
Les parlementaires ont légèrement assoupli cette obligation en ajoutant une priorité supplémentaire à choisir parmi les 11 thèmes prévus dans le règlement général. De plus, le Feder pourra venir en soutien aux infrastructures de transport dans les régions développées, ce que souhaitait la France.
Révision de l'implication des villes
La place des villes dans la future politique régionale est une marotte du commissaire Johannes Hahn. Dans son projet, la Commission souhaite qu'au moins 5% de l'enveloppe nationale du fonds européen de développement économique régional soit géré par les villes.
Le Parlement européen a finalement décidé de rendre cette délégation "flexible", indique l'entourage du rapporteur sur le Feder Jan Olbrycht. "Il y a des villes où l'on n'a pas la structure pour gérer vraiment toute cette évolution." Les tâches déléguées seront donc "convenues entre la ville et l'autorité de gestion", c'est-à-dire, en France, l'Etat.
Cette évolution a été en partie critiquée par certains élus verts, fervents défenseurs de la décentralisation. Le caractère facultatif de la délégation de gestion des fonds aux villes est "rétrograde", estime Karima Delli, eurodéputée écologiste.
"Je crains en effet que les autorités locales se voient seulement proposer des délégations partielles pour la mise en place de stratégies de développement urbain. Si demain les régions françaises gèrent les fonds structurels, j'espère que les autorités locales auront leur mot à dire", ajoute-t-elle.
Relégation de la plateforme
C'est enfin le grand projet de plateforme de 300 villes voulu par Johannes Hahn qui disparaît du projet du Parlement. Ce réseau, qui devait favoriser les échanges de bonnes pratiques entre communes, avait déclenché une salve de critiques. Au-delà de la polémique sur le choix des critères retenus pour définir les villes membres de la plateforme, l'utilité même de cette nouvelle structure n'était pas claire. Elle viendrait se superposer au programme Urbact, qui compte également 300 villes… Un nombre par ailleurs déjà jugé insuffisant.
Le vote du Parlement vide le projet de la Commission de sa substance. La plateforme de villes perdure, mais le nombre de 300 a été supprimé.