Infrastructures - Des fonds européens alloués à des projets inefficaces
C'est une critique sévère de l'action de la Commission européenne. Un rapport de la Cour des comptes européenne, rendu public le 25 avril, souligne une fois de plus le manque d’implication de Bruxelles dans le suivi des projets subventionnés par la politique régionale de l'UE.
Sur les vingt-sept projets de construction d'infrastructures de transport dans les ports maritimes contrôlés par la Cour des comptes européenne en 2010, seuls onze ont été jugés efficaces. Les subventions, à hauteur de 726 millions d'euros, versées entre 2000 et 2006, proviennent du fonds européen de développement régional (Feder) et du fonds de cohésion. La cour a voulu évaluer l’utilité de ces infrastructures et vérifier si elles étaient en service. Elle s’est également assurée qu’elles respectaient les objectifs de départ.
Pour ce faire, l’institution s’est concentrée sur l’Espagne, plus grand bénéficiaire de ces aides (52,1%), l’Italie, la Grèce, mais aussi sur la France, qui a perçu 8,7% du budget pour les investissements dans les ports maritimes.
Le Havre dans la ligne de mire
Dans l’Hexagone, la Cour des comptes a épinglé un projet de modernisation des infrastructures ferroviaires au Havre. Les travaux visaient à améliorer l'organisation du transport terrestre des conteneurs depuis un nouveau port. Selon le rapport, des "retards de construction ayant entraîné des pertes de contrats" et la "mauvaise gestion des conteneurs dans les terminaux" ont rendu le projet "inefficace". De plus, le transport de conteneurs par voie routière, plus cher et plus polluant, s’est développé au détriment du trafic ferroviaire.
Pour Luc T’joen, chef de l’équipe audit de la Cour des comptes, il y a cependant peu de chances que la Commission demande le remboursement des fonds pour ce projet, même s’il "n'a pas eu l'impact escompté". Pourtant, l'exécutif européen peut effectuer des recouvrements en cas "d’utilisation abusive résultant de négligence ou de fraude".
Bien qu’il ait été cofinancé à hauteur de 8,4 millions d’euros, le projet nécessite d'être renfloué pour fonctionner, selon la cour. "Il faudra aussi que la SNCF, la Datar, la région de la Haute-Normandie et d’autres acteurs tombent d’accord pour établir une stratégie, explique Luc T’joen. Ils auront jusqu’à 2015 pour que ça marche et ont d'ailleurs déjà commencé à l’améliorer."
Des ports vides en Espagne et en Sicile
Dans les autres pays, des dysfonctionnements plus graves ont été observés. L’audit a par exemple révélé que sept projets cofinancés relèvent d’un autre domaine que le transport maritime. Bien qu’ils soient éligibles au Feder et au fonds de cohésion, ils ont servi entre autres à des fins de "rénovation urbaine" ou de "tourisme".
La Cour des comptes a également recensé trois ports vides en Sicile et en Espagne, qui n’exerçaient aucune activité au moment du contrôle. La Commission s’est justifiée en répondant qu’en janvier 2012, vingt-cinq des vingt-sept projets évalués étaient en service.
Optimiser l’utilisation des fonds
Pour la Cour des comptes, l’exécutif européen a une grande part de responsabilité dans l'échec de ces projets. La Commission devrait encourager les comités nationaux chargés du suivi à mettre en place des instruments pour mesurer l'impact et l'efficacité des initiatives.
L’institution financière souligne également l’importance de mettre en compétition les propositions au niveau national afin d’éviter les choix par défaut. Elle rappelle aussi que "la législation impose à la Commission de contrôler annuellement les principaux résultats de l’année précédente dans le cadre des comités de suivi". Par conséquent, son rôle n’est pas seulement d’écouler le budget dont elle dispose, mais aussi de s’assurer de "l'utilisation optimale des fonds".
Des obligations de résultat
La Commission s’est justifiée en brandissant entre autres ses propositions de réforme de la politique de cohésion pour la période 2014-2020. Ces dernières contiennent la possibilité d'effectuer des "corrections financières" à la fin des périodes de programmation. Ce qui peut correspondre à des recouvrements, si le projet réalisé ne correspond pas aux objectifs initiaux.
La Commission propose également de procéder, avec les Etats, à un examen de l'efficacité des futurs projets en 2017 et 2019.
Le budget 2007-2013 pour les investissements dans les ports maritimes (3,4 milliards d'euros) a pourtant été augmenté par rapport à celui de 2000-2006 (2,8 milliards), avant que les résultats de ces investissements ne soient connus.
Le rapport de la cour vient conforter la position d'Etats comme l’Allemagne ou la France, qui préconisent une utilisation plus efficace des fonds régionaux plutôt que leur augmentation.