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PLFR - PLFR 2016 : les principales mesures "finances locales" adoptées par l'Assemblée

L'Assemblée nationale a examiné dans l'hémicycle, du 5 au 7 décembre, le projet de budget rectificatif pour 2016. Elle a retenu de nombreux amendements adoptés une semaine plus tôt par la commission des finances. Mais pas tous. Ainsi, l'assujettissement à la taxe de séjour des meublés non classés n'a pas été validé. Les députés ont par ailleurs examiné de nouveaux amendements. L'un d'eux, adopté, vise à mieux répartir les recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Examinant en séance le projet de loi de finances rectificative entre le 5 et le 7 décembre, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements qui ont pour but de faciliter la mise en œuvre à partir du 1er janvier prochain de la nouvelle carte intercommunale. Plusieurs d'entre eux avaient obtenu un avis favorable de la commission des finances (notre article du 2 décembre 2016 : "Taxe de séjour, intercommunalité, exonérations : en commission, les députés votent plusieurs ajustements" fait le point sur les amendements adoptés par la commission).

Faciliter les premiers pas des nouvelles intercommunalités
Une mesure proposée par l'Association des maires de France et validée dans l'hémicycle ouvre la possibilité d'un lissage des taux de fiscalité locale - quel que soit l'écart entre le taux le plus bas et le taux le plus élevé – dans le cas de fusion de communes ou de communautés. Aujourd'hui, cet écart doit être nécessairement supérieur à 10%.
Les députés ont également reporté les dates limites pour le vote de certaines dispositions financières et fiscales par les communautés. Les EPCI issus d'une fusion au 1er janvier 2017 et ceux dont le périmètre évolue à cette date pourront, ainsi que leurs communes membres, prendre une délibération jusqu'au 15 janvier 2017 pour transférer à l'intercommunalité la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), de même que le reversement ou le prélèvement du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Quant à la date limite de délibération sur la taxe de séjour, elle est reportée du 15 janvier au 1er février 2017 pour les EPCI à fiscalité propre qui fusionneront.
Les députés ont aussi pris une mesure pour empêcher une explosion involontaire de la taxe d'habitation des contribuables des communes appartenant à un EPCI à fiscalité additionnelle (FA) et intégrant le 1er janvier prochain un EPCI à fiscalité professionnelle unique (FPU). Le "bug", qui ainsi n'aura pas lieu, aurait été lié au transfert en 2011 de la part départementale de la taxe d'habitation aux communes et communautés.

Favoriser la mise en œuvre de la réforme territoriale
D'autres amendements adoptés visent à favoriser la mise en œuvre de la réforme territoriale. Ainsi, les communes et les EPCI à fiscalité professionnelle unique (FPU) sont autorisés à affecter une partie des attributions de compensation en section d'investissement (à la condition de prendre des délibérations concordantes). Cette possibilité vise à empêcher que la section de fonctionnement de certaines communes ne soit mise en péril par les prochains transferts de compétences à l'intercommunalité, a précisé la député PS Christine Pires Beaune.
Par ailleurs, par amendement du gouvernement, l'Assemblée nationale a rendu parfaitement neutres sur le plan fiscal plusieurs opérations de réorganisation de structures, dont celle des centres communaux d'action sociale (CCAS). Suite à la loi Notre d'août 2015, qui a rendu facultative la création d’un CCAS dans les communes de moins de 1.500 habitants, on dénombrait au premier semestre 2016, "pas moins de 5.600 CCAS dissous", selon le gouvernement.

Des adaptations pour la taxe de séjour
Exceptionnellement, les collectivités ayant institué la taxe de séjour seront autorisées à délibérer jusqu'au 1er février 2017 pour l'application de la taxe au titre de 2017. Un amendement préparé par l'AMF - qui avait reçu l'aval de la commission des finances - doit en effet permettre de déroger à la date limite de délibération sur les tarifs de la taxe de séjour qui est fixée au 30 septembre de l'année, pour une application l'année suivante. Les communes et les EPCI pourront ainsi, si nécessaire, mettre leurs tarifs en conformité avec les préconisations du guide des taxes de séjour établi par les administrations de l'Etat et publié en février dernier (voir notre article du 29 février 2016: Après la réforme, un guide des taxes de séjour pour aider les communes).
En outre, plusieurs amendements identiques prévoient la collecte par les plateformes numériques de réservation de logements de vacances de la taxe de séjour additionnelle qui bénéficie aux départements l'ayant instituée. La perception de la taxe, pour le compte des communes, figure déjà dans la loi.
On notera que plusieurs députés, dont la rapporteure générale du budget, Valérie Rabault ont retiré des amendements semblables qui visaient à instituer une taxe de séjour pour les meublés non classés. La disposition, qui avait été adoptée par la commission des finances le 30 novembre, prévoyait l'application d'un taux proportionnel de 5% au maximum au prix de la location. La mesure était notamment justifiée par la différence de traitement qui aujourd'hui existe entre ces meublés non classés non soumis à la taxe et les meublés classés et les hôtels qui ont à l'acquitter. "Depuis quelques mois (...) nous avons mis en place de nombreuses dispositions relatives à la location de meublés", a fait remarquer le secrétaire d'Etat au budget. "Il ne faudrait pas non plus que nous allions trop loin", a-t-il ajouté. Avec un taux de 5%, la taxe de séjour appliquée à une chambre meublée serait supérieure dans bien des cas à celle d'une chambre d'un palace. "La disproportion est évidente", a corroboré la députée PS Monique Rabin. La rapporteure générale du budget a donc proposé de "réfléchir à une rédaction basée sur des taux [de taxation] moins importants".

Vers une meilleure répartition de la CVAE ?
Deux amendements identiques visant, à produit fiscal constant, une meilleure répartition des recettes de cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), notamment au profit des territoires industriels ont été adoptés. Le problème a été à maintes reprises exposé au Parlement au cours de ces dernières années et un rapport des inspections de l'Etat l'a longuement étudié. Il provient de l'organisation juridique des grandes entreprises industrielles en de nombreuses filiales qui leur permettent de réduire leurs impositions. L'amendement remédie au problème en "consolidant" les cotisations des entités d'un groupe. Il doit permettre que la cotisation "corresponde à l’activité réelle dans les territoires", selon Christine Pires Beaune qui présentait l'un des amendements. Ces derniers prévoient aussi que le gouvernement remet au Parlement avant le 30 septembre de chaque année un rapport analysant les variations du produit de CVAE. Les résultats de la mesure seraient "contrastés", a critiqué le secrétaire d'Etat au budget en s'appuyant sur des simulations. D'après lui, les EPCI à fiscalité propre qui perdraient le plus de recettes ne sont pas localisés en Ile-de-France, alors que les collectivités et groupements de cette région sont considérés comme les premiers bénéficiaires de l'absence de consolidation des cotisations au niveau des groupes.

Améliorer l'efficacité des exonérations et abattements décidés dans le cadre de la politique de la ville
Allant dans le même sens que la commission des finances, l'Assemblée nationale a assoupli les conditions d'attribution des exonérations de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de taxe sur le foncier bâti pour les entreprises qui s'implantent ou s'agrandissent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Actuellement, seuls les établissements ayant un chiffre d'affaires de moins de 2 millions d'euros annuels et employant moins de 12 salariés peuvent bénéficier de ces avantages. Cette deuxième condition serait supprimée pour favoriser l'emploi. Le gouvernement pourrait profiter de la navette pour proposer des mesures plus fortes.
A aussi été adopté l'amendement qui durcit les conditions d'octroi aux bailleurs sociaux de l’abattement de 30% sur la taxe sur le foncier bâti dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le bailleur devra non seulement signer le contrat de ville, mais aussi prendre des engagements en matière d’entretien et de gestion du parc. A l'origine de cette mesure : la réduction de la compensation par l'Etat de cet abattement, qui n'est plus actuellement que de 40%.

Fiscalité régionale sur les carburants : une page se tourne
On notera encore que par un amendement du gouvernement, les députés ont mis fin au dispositif de modulation par les régions d'une fraction de la taxe sur les supercarburants et le gazole. Le 24 octobre 2005, le Conseil des ministres de l’Union européenne avait autorisé la France à appliquer, à compter de 2007 et pour une durée de trois ans, des tarifs différenciés au niveau régional. L'autorisation avait ensuite été reconduite. La fin de ce dispositif n'aura des effets que pour les automobilistes corses, puisque la Corse est la seule région à ne pas avoir appliqué un taux maximal de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Le secrétaire d'Etat au budget a voulu relativiser la hausse prévisible des prix du carburant dans l'île. Les élus corses "sont demandeurs [de l'amendement] et auraient sans nul doute adopté cette majoration", a-t-il dit.
Le projet de loi de finances rectificative est à présent parti au Sénat qui doit l'examiner en séance les 15 et 16 – et éventuellement le 17 - décembre.
 

Thomas Beurey / Projets publics

Transports, URBANISME, ENVIRONNEMENT: les principales modifications votées

Versement transport
- L’article 15 de la loi de finances pour 2016 prévoit les modalités de la compensation de versement transport (VT) prévue pour neutraliser l’impact financier du relèvement du seuil des cotisations sociales, sur les budgets transports des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). L’article 2 du PLFR pour 2016 vise à préciser les modalités de cette compensation de l’élargissement de l’exonération de VT liée au nombre de salariés afin d’en faciliter la mise en oeuvre et de sécuriser la neutralisation de l’effet financier de la mesure pour les AOM. Les députés ont voté un amendement pour prendre en compte les résultats des dernières concertations et des travaux menés par la mission conjointe IGAS-CGEDD chargée de définir les modalités pratiques de mise en œuvre de cette compensation. La compensation pour une année donnée sera ainsi versée de manière trimestrielle, le 20 du 2e mois après le trimestre écoulé (pour que le montant définitif de VT perçu soit connu), sur la base des ratios de compensation établis par la mission IGAS/CGEDD et fixés par un arrêté du ministre chargé du budget. Le montant correspondant à la compensation annuelle d’une année donnée, résultant des quatre versements trimestriels successifs, sera constaté l’année suivante par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget et des collectivités territoriales.

Projets d'intérêt général (PIG)
- En vertu de l’article L. 102 1 du Code de l’urbanisme, l’autorité administrative compétente peut qualifier de projet d’intérêt général (PIG) tout projet d’ouvrage destiné à la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’équipement, au fonctionnement d’un service public, à l’accueil et au logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes, à la protection du patrimoine naturel ou culturel, à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles, à l’aménagement agricole et rural ou à la préservation ou remise en bon état des continuités écologiques. Un amendement au PLFR prévoit que pour les espaces impliqués dans un PIG répondant à des objectifs de préventions des risques et de dépollution, la collectivité territoriale concernée et compétente puisse décider après délibération d’un abattement à hauteur de 50% sur la taxe foncière. "Dans le cas par exemple d’un secteur qualifié de PIG pour répondre à un impératif de dépollution, il apparaît juste que les propriétaires fonciers de la zone visée puissent bénéficier d’une remise sur leur taxe foncière, souligne l'exposé des motifs. En effet, cet abattement compenserait la perte de valeur des terrains engendrée par le PIG (perte d’activité économique, image de zone "polluée" peu reluisante, etc.)."

Etablissements publics fonciers
- Dans le cadre du regroupement des régions, les députés ont voulu que les établissements publics fonciers (EPF) d’État et locaux puissent voter des produits de taxe spéciale d’équipement différents pour leur territoire historique d’une part, et pour le territoire nouvellement couvert d’autre part, pendant trois ans. Il s'agit notamment de favoriser la couverture du territoire national par ces organismes et d’inciter les EPCI et les communes à les rejoindre.

Zones Natura 2000
- Pour faciliter l’appropriation des dispositifs de gestion et de restauration des habitats et espèces d’intérêt communautaire du réseau Natura 2000, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a introduit une exonération totale, sur 5 ans renouvelables, des parts communale et intercommunale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) pour les propriétaires de certaines parcelles situées en site Natura 2000 ayant signé une charte ou un contrat Natura 2000. La loi a prévu que l’État compense, chaque année, les pertes de recettes résultant de l’exonération pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Mais, via les lois de finances successives, depuis 2009, a été introduit un coefficient de minoration induisant le fait que les collectivités ne sont que partiellement remboursées par l’État via la DGF - moins de 25% de remboursement en 2016, ont souligné les députés. Or, l’impact financier est important pour certaines communes rurales. La loi pour la reconquête de la biodiversité a bien réintroduit une compensation intégrale des pertes de recettes en définissant un critère basé sur le budget annuel de fonctionnement de la commune ou de l’établissement. Mais "ce critère a peu d’incidence par rapport à l’objectif recherché" ont jugé les députés qui ont souhaité le modifier en l’appliquant aux recettes fiscales des taxes sur le foncier non bâti.

Taxe sur les nuisances sonores aériennes
- Contre l'avis du gouvernement, les députés ont supprimé tout plafond à la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) pour qu'elle serve intégralement à financer l'aide à l'insonorisation des logements proches d'aéroports. Créée sur le principe "pollueur-payeur", la TNSA est due par tout exploitant d'aéronef et ses recettes théoriquement affectées directement et intégralement au financement des aides versées aux riverains de l'aéroport concerné. Comme les autres taxes affectées, elle a un plafond, abaissé depuis le budget 2016 à 47 millions d'euros. Or ce plafond doit cette année être dépassé de 1,6 million d'euros, somme qui sera reversée au budget de l'État. Pour les députés PS auteurs de l'amendement, un tel plafonnement ne se justifie pas du fait notamment que le produit de la taxe sert à financer une aide directe aux riverains, pas un organisme. Et, "malgré un aménagement des tarifs au 1er avril 2015 permettant d'affecter des recettes complémentaires à l'Ile-de-France, la situation du Fonds d'aide à l'insonorisation ne permet plus de répondre à l'ensemble de la demande autour des aéroports d'Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle", selon ces élus. Quelque 3.300 demandes d'aide à l'insonorisation étaient enregistrées fin 2015 en Ile-de-France et le nombre de logements éligibles a augmenté significativement avec la révision des plans de gêne sonore, observent-ils. Ces députés ont aussi invoqué un rapport évaluant le nombre de logements restant à insonoriser à près de 80.000, dont 87% des besoins pour les aéroports parisiens, 6,5% à Toulouse et 6,5% sur les autres aéroports.

Anne Lenormand

 

 

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