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Développement durable - PIA : la transition écologique, première victime des "détournements budgétaires" selon un rapport parlementaire

Selon un rapport parlementaire présenté le 22 juin, 1,6 milliard d'euros de crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA) destinés au financement de la transition écologique ont fait l'objet de redéploiements budgétaires.

"Les actions finançant la transition écologique comptent pour un quart dans l'ensemble des redéploiements de crédits opérés depuis 2010 et ont subi plus que d'autres des arbitrages budgétaires défavorables", constatent les députées Eva Sas (EELV, Essonne) et Sophie Rohfritsch (LR, Bas-Rhin) dans un rapport présenté le 22 juin devant les commissions des finances et du développement durable de l'Assemblée nationale, en conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle sur les programmes d'investissements d'avenir (PIA) finançant la transition écologique. Une part "substantielle" du PIA a été prévue pour la transition écologique, rappellent les députées : 16,7% du PIA 1 (5,85 milliards d'euros), 17,25% du PIA 2 (2,07 milliards d'euros) et 16,85% de l'ensemble (7,92 milliards d'euros). "Le PIA peut ainsi cofinancer des actions de valorisation de la recherche pilotées par l'Agence nationale de la recherche (ANR), pour cofinancer les investissements des entreprises démontrant la viabilité industrielle des innovations, l'appui de Bpifrance aux équipements industriels diminuant la consommation d'énergie, des investissements en matière d'urbanisme durable et enfin la rénovation thermique des logements privés", notent-elles.

L'éco-conditionnalité des aides difficile à appliquer

Mais "depuis 2010, des redéploiements de crédits décidés par le Premier ministre ont diminué de 18,2% les dotations issues du PIA 1 et de 11,5% celles du PIA 2". Ainsi, la part de la transition écologique dans l'ensemble du PIA a été réduite de près de 3 points et ramenée à 13,9%. 1,6 milliard d'euros ont donc été redéployés : 228 millions ont servi à augmenter l'aide à la rénovation thermique mais surtout, soulignent les rapporteures "1,37 milliard d'euros ont été transférés vers des domaines sans lien avec la transition écologique", les diminutions les plus fortes touchant l'Ademe et le programme Ville de demain.
En outre, relèvent les députées, "l'éco-conditionnalité des aides du PIA 2 ne compense pas ce phénomène". L'objectif fixé en 2014 par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, était que 50% du PIA 2 finance directement ou indirectement la transition écologique. Mais "la mise en œuvre de l'éco-conditionnalité est difficile et l'objectif paraît hors d'atteinte", constatent les députées qui estiment que ce critère de financement indirect ne doit pas justifier la diminution du financement direct de la transition écologique. 

Meilleure articulation à trouver avec les crédits budgétaires

Selon elles, "les financements du PIA peuvent être mieux articulés aux crédits budgétaires". Certains financements inclus dans le PIA lui préexistaient et ne traduisent donc pas une hausse de l'effort public, pointent-elles, citant notamment le solde du "fonds démonstrateurs de recherche" de l'Ademe (200 millions d'euros) ou le budget de recherche/développement de cette même agence, diminué de 25 millions d'euros par an depuis la mise en place du PIA. D'autres dépenses supportées par le PIA ne relèvent pas de sa doctrine, estiment-elles encore. Et de citer le financement de projets de transports en commun en site propre qui a absorbé le tiers de l'enveloppe du programme Ville de demain.
Les rapporteures jugent par contre que le PIA a "utilement financé" la rénovation thermique des logements privés. Selon elles, la cible de 150.000 logements de propriétaires aux revenus modestes sera atteinte mais le nouvel objectif de rénovation de 70.000 logements par an n'est pas soutenable sans augmenter les ressources propres de l'Anah. Certaines dépenses pourraient aussi être portées par le fonds de financement de la transition énergétique, suggèrent les députées. Le PIA a par exemple été utilisé à hauteur de 61 millions d'euros pour financer le déploiement de bornes de recharge des véhicules électriques sur la voie publique qui devraient plutôt relever de ce fonds. Pour d'autres domaines comme les véhicules hybrides, la mission préconise le recours à d'autres fonds ou une action spécifique et bien identifiée du PIA 3. Les rapporteures invitent aussi à "mieux tenir compte des financements européens". Autrement dit, à faire en sorte que les financements du PIA ne se substituent pas à des financements européens quand ceux-ci peuvent être mobilisés.

Mesures à approfondir avec les opérateurs

Concernant la conduite des actions du PIA par les différents opérateurs, la mission estime que si l'engagement des enveloppes dans le domaine de la transition écologique a été plus lent qu'ailleurs, on est aujourd'hui en "vitesse de croisière", selon les termes d'Eva Sas. "Il y a eu des efforts pour simplifier le pilotage et les procédures", "les opérateurs ont diversifié les thématiques des appels à projets et cherché à mieux atteindre les PME" et "les interventions en fonds propres constituent une vraie innovation pour l'Ademe qui en réalise seule ou via le fonds Ecotechnologies délégué à Bpifrance", illustrent les députées.
Mais il y a encore selon elles des mesures à approfondir. "Le suivi des effets du PIA sur la transition écologique peut être amélioré en simplifiant et harmonisation les indicateurs afin de mieux établir les effets eu regard de la transition écologique mais aussi en matière d'activité et d'emploi", suggèrent-elles. Elles estiment aussi que "des objectifs d'accès des PME doivent être assignés aux opérateurs et évalués" et qu'"il faut s'appuyer sur les pôles de compétitivité et les réseaux d'entreprise" tout en prévoyant qu'en retour, ces derniers soient évalués au regard des résultats obtenus par les PME. Autres propositions avancées dans le rapport : prévoir un appui interministériel technique "pour lever des blocages administratifs et réglementaires de mise en oeuvre des projets complexes", "mieux cadrer" les frais de gestion des opérateurs, apporter plus de souplesse au mécanisme de l'avance remboursable, prévoir une meilleure coopération entre Bpifrance et l'Ademe en matière de prises de participation.

Propositions pour le PIA 3

Enfin, les députées appellent à conforter ces dynamiques dans le PIA 3, dont le gouvernement vient de présenter la répartition des 10 milliards d'euros (lire notre article ci-contre). "Depuis 2010, à mi-parcours de programmes qui se terminent en 2024, 4,2 milliards d'euros ont été engagés pour financer la transition écologique : les 2,3 milliards d'euros disponibles devraient être entièrement engagés dans les trois prochaines années au vu de l'accélération de la mise en œuvre constatée depuis deux ans", souligne le rapport. Estimant que "l'orientation stratégique des PIA 1 et 2 en faveur de la transition écologique doit être maintenue par le PIA 3", les députées proposent des apports supplémentaires dans plusieurs domaines, en articulation avec le fonds de financement de la transition énergétique : rénovation thermique du bâti, financement en fonds propres des premières exploitations commerciales d'innovation structurantes, croissance des PME innovantes des éco-industries, déploiement des infrastructures liées aux nouvelles sources d'énergie, consolidation des instituts pour la transition énergétique, nouveaux investissements dans le domaine urbain, etc.

 

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