Social / Habitat - Philippe Dallier : l'hébergement d'urgence est "au bord de l'asphyxie"
Philippe Dallier, sénateur (Les Républicains) de Seine-Saint-Denis et rapporteur spécial de la mission "Egalité des territoires et logement", a présenté à la mi-décembre son rapport d'information sur les dispositifs d'hébergement d'urgence. En évoquant "un secteur au bord de l'asphyxie malgré une offre en nette progression", le document se montre critique, tout en reconnaissant que ce secteur est "soumis à de fortes tensions". Ce constat, très documenté et argumenté, rejoint finalement celui avancé par les acteurs de l'hébergement d'urgence, à commencer par la Fnars (voir notre article ci-contre du 16 novembre 2016).
Une "sous-budgétisation chronique"
Côté positif, le rapport reconnaît les "indéniables efforts" réalisés, ces dernières années, grâce en particulier à l'augmentation des capacités du parc généraliste de l'hébergement d'urgence (30.000 places créées entre 2012 et 2015, pour arriver à un total de 112.550 places).
Présenté au nom de la commission des finances du Sénat, il met en revanche en avant la "sous-budgétisation chronique" de l'hébergement d'urgence. Les crédits exécutés au sein du programme 177 "Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables" ont pourtant augmenté de 26% entre 2011 et 2015. Au sein de ce programme, les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence proprement dit ont doublé sur la période, passant de 273 à 547 millions d'euros, tandis que ceux consacrés à la veille sociale progressaient de 40%, pour atteindre 120 millions d'euros en 2015.
En dépit ces effort budgétaires et de plusieurs exercices de rebasage, la dépense est systématiquement sous-évaluée, nécessitant des abondements récurrents : 154 millions d'euros en 2014, 224 millions en 2015 et déjà 239 millions d'euros en 2016, sous la forme de deux décrets d'avance et de crédits supplémentaires dans le projet de lois de finances rectificatives.
Au sein du programme 177, la sous-évaluation budgétaire concerne principalement l'hébergement d'urgence, avec 43% d'écart constaté en 2015. Une situation qui pèse sur les services déconcentrés et sur les acteurs de l'hébergement d'urgence, amenés à pallier les retards de financement de l'Etat.
Un manque de pilotage
Le rapport ne se contente pas d'aborder les aspects budgétaires. Il pointe ainsi un manque de pilotage, avec "une gestion dans l'urgence de l'urgence" et des outils de pilotage "encore balbutiants". Le principe de l'urgence avant tout, "qui peut tout à fait se comprendre dans le contexte actuel de pression de la demande et de recherche prioritaire de mises à l'abri, conduit toutefois à privilégier des solutions temporaires, souvent bien plus coûteuses, à la création de places et de structures plus qualitatives, notamment dans le secteur du logement adapté".
Dans le même esprit, le rapport constate l'échec des actions de réduction du recours aux nuitées d'hôtel, dont le nombre a doublé depuis 2012 pour atteindre l'équivalent de 40.000 places en 2016. Ainsi, même "si le plan de réduction des nuitées hôtelières semble produire des effets, il permet uniquement de contenir la hausse".
La situation n'est pas meilleure pour les structures d'hébergement d'urgence, d'où le sentiment d'une "asphyxie" du dispositif, avec une demande sans cesse en progression, sous l'effet à la fois de la crise économique et de la hausse des demandeurs d'asile. Le rapport rappelle, par exemple, les chiffres du Samu social de Paris montrant qu'en 2015, 70% des appels au 115 n'ont pas abouti et que, sur les 30% d'appels traités, 25% ont finalement conduit à des demandes non pourvues en fin de journée.
La saturation des dispositifs d'hébergement d'urgence s'explique également par un taux de rotation trop faible sur les places existantes et le manque de solutions à la sortie pour les publics hébergés. Le rapport observe aussi que "La situation particulière des personnes à droits incomplets sur le territoire français mériterait, à ce titre, d'être traitée plus particulièrement, alors que 50% des nuitées d'hôtels à Paris seraient notamment occupées par des ménages dont l'un des membres serait dans cette situation".