Hébergement - Hébergement d'urgence : le Conseil d'Etat clarifie la répartition des rôles entre l'Etat et les départements
Dans cinq décisions simultanées du 13 juillet 2016 - concernant les départements du Puy-de-Dôme et de la Seine-Saint-Denis et le ministère des Affaires sociales -, le Conseil d'Etat clarifie les responsabilités respectives de l'Etat et des départements en matière d'hébergement des personnes sans-abri. Ces arrêts ne comportent pas d'avancées ou de revirements jurisprudentiels sur la question, mais constituent un utile rappel à la loi. En ce sens, ils constituent, d'une certaine façon, le "pendant" d'un arrêt du 30 mars dernier, qui mettait en valeur le fait que les départements ne peuvent pas s'abstraire de toute responsabilité en la matière (voir notre article ci-contre du 8 avril 2016).
Deux cas bien précise dans le cadre de l'ASE
Les décisions du 13 juillet mettent en effet plutôt l'accent sur les responsabilités et le rôle de l'Etat et tracent les limites de l'intervention des départements. Ces différents arrêts traitent notamment de recours contre des décisions du département mettant un terme à des prises en charge de l'hébergement de familles au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou d'injonctions faites par le juge des référés d'accorder à des familles une aide financière pour se loger.
A travers ces décisions, le Conseil d'Etat rappelle notamment que, selon les termes du Code de l'action sociale et des familles - notamment de ses articles L.222-2 et L.222-3 -, "c'est l'Etat qui a la charge d'assurer à toute personne sans-abri et en situation de détresse médicale, psychique ou sociale un hébergement d'urgence". Pour sa part, le rôle du département en matière d'hébergement d'urgence s'inscrit dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et n'est susceptible d'intervenir qu'à deux titres.
La première mission consiste, à titre principal, à permettre ou à assurer l'hébergement, y compris en urgence, des femmes enceintes et des mères isolées avec un enfant de moins de trois ans. La seconde consiste à assurer, si nécessaire, l'hébergement des mineurs placés auprès des services de l'ASE.
Une intervention supplétive par rapport à celle de l'Etat
Hors ces cas de figure, la mission de protection de l'enfance du département implique de sa part la mise en œuvre d'une aide à domicile, lorsque la santé, la sécurité ou l'éducation des enfants l'exigent. Cette intervention peut alors prendre la forme d'une aide financière permettant de loger l'enfant et sa famille lorsqu'ils sont sans-abri et qu'une prise en charge de l'enfant par les services de l'ASE n'est pas dans l'intérêt de ce dernier, dès lors qu'elle conduirait à le séparer de sa famille.
Dans son commentaire sur les décisions du 13 juillet, le Conseil d'Etat précise toutefois que "cette intervention du département au profit des familles sans-abri avec enfant demeure supplétive par rapport à celle de l'Etat. Le département peut d'ailleurs se retourner contre l'Etat s'il estime que sa prise en charge est due à une carence prolongée de ce dernier au regard de son obligation légale d'assurer l'hébergement d'urgence des personnes sans-abri en situation de détresse".
Référé strictement limité vis-à-vis des départements
Sur la question du référé, le Conseil d'Etat rappelle que toute personne sans-abri peut saisir le juge du référé-liberté pour demander son hébergement d'urgence par l'Etat. Il appartient alors au juge, statuant sous 48 heures, "d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée". Dans le cas des personnes étrangères ayant obligation de quitter le territoire, "le juge précise que l'hébergement ne peut être ordonné qu'en cas de circonstances exceptionnelles, notamment en cas de risque grave pour la santé ou la sécurité d'enfants mineurs".
Point important pour les départements : hormis le cas des mineurs placés auprès de l'ASE, des femmes enceintes et des mères isolées avec des enfants de moins de trois ans, "le juge des référés ne peut ordonner au département de verser des aides au motif de permettre temporairement l'hébergement d'une famille avec enfant. C'est en effet à l'Etat qu'il revient à titre principal d'assurer cet hébergement".
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : Conseil d'Etat, décisions n°388317 (département de la Seine-Saint-Denis), n°399829, 399834, 399836 (département du Puy-de-Dôme) et n°400074 (ministère des Affaires sociales et de la Santé) du 13 juillet 2016.