Hébergement - Pour le Conseil d'Etat, le département ne peut pas s'abstraire de ses responsabilités en matière d'hébergement
Dans un arrêt important du 30 mars 2016, le Conseil d'Etat apporte des précisions sur les obligations des départements en matière d'hébergement des personnes en difficulté. En l'occurrence, le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis - faisant valoir que la prise en charge des dépenses correspondantes incombe à l'Etat - avait déposé un recours contre une décision du tribunal administratif de Montreuil annulant sa décision de refuser une aide financière mensuelle pour la prise en charge des frais d'hébergement à l'hôtel de Mme B. A. Une position du tribunal administratif confirmée par la cour administrative d'appel de Versailles.
La prise en charge incombe "en principe" à l'Etat
En l'espèce, Mme B. A., mère isolée de trois enfants bénéficiait d'une prise en charge, par le département, de ses frais d'hébergement à l'hôtel. Le département avait toutefois refusé de prolonger ces versements mensuels au-delà du 31 août 2012, décision aussitôt attaquée par l'intéressée.
Dans son arrêt, le Conseil d'Etat rappelle "qu'il résulte des dispositions précitées des articles L.121-7 et L.345-1 du code de l'action sociale et des familles que sont en principe à la charge de l'Etat les mesures d'aide sociale relatives à l'hébergement des familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, à l'exception des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin, notamment parce qu'elles sont sans domicile, d'un soutien matériel et psychologique, dont la prise en charge incombe au département au titre de l'aide sociale à l'enfance" (les trois enfants de Mme B. A. ayant en l'occurrence plus de trois ans).
L'expression "en principe", utilisée à plusieurs reprises pour qualifier la responsabilité de l'Etat dans la prise en charge de ces dépenses, est surprenante dans une décision du Conseil d'Etat (ces dépenses sont ou non à la charge de l'Etat), mais elle s'explique par la suite du raisonnement.
Le département peut se retourner contre l'Etat, mais pas refuser l'aide
Le Conseil considère en effet que "cette compétence de l'Etat n'exclut pas l'intervention supplétive du département lorsque la santé des enfants, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation l'exigent, par des aides financières versées en application de l'article L.222-3 précité du code de l'action sociale et des familles ; que, dès lors, et sans préjudice de la faculté qui lui est ouverte de rechercher la responsabilité de l'Etat en cas de carence avérée et prolongée, un département ne peut légalement refuser à une famille avec enfants l'octroi ou le maintien d'une aide entrant dans le champ de ses compétences, que la situation des enfants rendrait nécessaire, au seul motif qu'il incombe en principe à l'Etat d'assurer leur hébergement".
En l'espèce, le fait que le département de Seine-Saint-Denis avait accepté, dans un premier temps, d'assumer la charge de ces dépenses d'hébergement apparaît comme une circonstance "aggravante". Le Conseil d'Etat considère en effet "que lorsque, comme dans le cas d'espèce soumis aux juges du fond, un département a pris en charge, en urgence, les frais d'hébergement à l'hôtel d'une famille avec enfants, il ne peut, alors même qu'il appartient en principe à l'Etat de pourvoir à l'hébergement de cette famille, décider de cesser le versement de son aide sans avoir examiné la situation particulière de cette famille et s'être assuré que, en l'absence de mise en place, par l'Etat, de mesures d'hébergement ou de toute autre solution, cette interruption ne placera pas de nouveau les enfants dans une situation susceptible de menacer leur santé, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation [...]".
A noter : la décision du Conseil d'Etat intervient quelques semaines après que la Fnars s'est ouvertement inquiétée du désengagement des départements en matière d'hébergement (voir notre article ci-contre du 18 février 2016).
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : Conseil d'Etat, arrêt n°382437 du 30 mars 2016, conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, Mme B... A...