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Commande publique - Passer aux logiciels libres sans négliger les règles de l'achat public ?

Les administrations publiques sont de plus en plus nombreuses à s'orienter vers les logiciels libres. La Commission européenne a notamment affiché son soutien au développement des logiciels "coopératifs" dans le secteur public en créant l'Open Source Observatory and Repository (OSOR). Cet observatoire vient de mettre à jour un guide  - disponible uniquement en anglais - consacré à l'achat de logiciels libres par les entités publiques.

La formule même "acheter un logiciel libre" peut sembler surprenante au profane : la principale caractéristique d'un logiciel libre n'est-elle pas d'être gratuit ? Le mérite du guide est de répondre, dans un anglais facile d'accès, à ce type de question. En effet, les logiciels libres sont des logiciels dont le code de programmation est accessible à tous les utilisateurs, ce qui ne signifie pas, même si c'est le cas le plus fréquent, que les licences sont automatiquement gratuites. Les utilisateurs sont libres de modifier le code source et de créer de nouvelles versions du logiciel mais l'usage par exemple sur plusieurs postes informatiques peut être payant. A ces logiciels, on oppose les logiciels "propriétaires", dont le code source n'est accessible qu'au concepteur initial.

La plupart des états européens n'ont pas publié de lignes directrices claires sur l'acquisition-adoption de logiciels libres à destination des administrations publiques (à ne pas manquer cependant le "Guide pratique d'usage des logiciels libres dans les administrations" rédigé sous l'autorité de la Direction générale des finances publiques et mis à jour régulièrement, en téléchargement ci-contre). Si l'utilisation de ces logiciels permet de diminuer ou supprimer la dépendance de l'administration envers son fournisseur habituel de services informatiques, le guide de l'OSOR plaide cependant pour une approche raisonnée : l'important est surtout d'assurer la pérennité des données, et la sécurité des systèmes à long terme. La première question à se poser est donc de savoir si le logiciel que l'on envisage d'adopter est compatible avec les anciens systèmes de son administration. Autre élément à prendre en compte : les coûts. En effet, si le logiciel lui-même est souvent gratuit, il ne faut pas négliger le coût de la maintenance, du matériel informatique qu'il faudra parfois acheter pour que le logiciel fonctionne correctement, de la formation des agents, etc. Le coût de la migration vers et depuis le système doit également être autant que possible mesuré.

Afin d'évaluer toutes ces opérations "annexes" à l'acquisition du logiciel, le guide propose une liste des questions à se poser. Non pas pour décourager les administrations d'adopter ce type de système mais pour faire en sorte que cette adoption soit la plus sûre possible. Ainsi, les auteurs conseillent par exemple de bien identifier les services annexes nécessaires (support, formation, ...), de définir le plus précisément possible ses besoins, et ensuite de recourir à des mises en concurrence classiques. Ainsi, si à première vue l'acquisition, souvent par simple téléchargement de ces logiciels, peut sembler hors du champ de l'achat public, il est cependant important d'être conscient que les réflexes du droit de la commande publique (a minima définition des besoins, transparence, mise en concurence, publicité) doivent s'appliquer à tous les "à côté" du code source.

Rappelons tout de même que les conseils présentés dans ce guide n'ont pas de valeur contraignante. Il existe en effet très peu de jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en matière d'acquisition de logiciel. Les avis juridiques et les modèles de clauses proposés doivent donc être considérés comme des pistes de réflexion et ne pas être utilisés sans avoir vérifié auparavant leur conformité avec les réglementations communautaires et nationales applicables aux marchés publics.

 

L'Apasp et Hélène Lemesle

 

Références: Open Source Observatory and Repository, Guideline on public procurement of Open Source Software, août 2010