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Sécurité locale - "Où est passé le plan de prévention de la délinquance ?"

Le Sénat a adopté, jeudi 21 septembre en première lecture, le projet de loi de Nicolas Sarkozy sur la délinquance. Véritable politique nationale de prévention ou catalogue de mesures tous azimuts ? Le point de vue de Pascal Weil, spécialiste de ces questions au Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU).

 

Localtis.info : Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance marque-t-il un nouveau glissement en matière de sécurité de l'Etat vers le local ?

Pascal Weil : Parmi les nombreuses mesures, le texte consacre le rôle d'animateur et de coordinateur du maire en matière de prévention. Sur ce point, il n'y a pas d'évolution majeure puisqu'il officialise une pratique largement mise en œuvre... souvent avec beaucoup de difficultés. Bien sûr, les acteurs classiques de la prévention et de la sécurité se retrouvent dans ce projet de loi, à l'exception des conseils régionaux qui ne sont toujours pas reconnus par la loi comme acteur de prévention au regard de leurs compétences en matière de formation professionnelle. En revanche, l'Etat ne se décharge pas de ses responsabilités quand il inscrit dans le Code de l'éducation que "le service de l'éducation contribue à la lutte contre toutes les formes de violence". Ici, la loi consacre un acteur essentiel de la prévention que les collectivités locales disent avoir du mal à impliquer. Et puis, un autre dispositif de prévention est créé : le conseil pour les droits et devoirs des familles présidé par le maire. Objet de polémique, il devra favoriser les mesures d'accompagnement parental. Reste à connaître les modalités de leur mise en oeuvre dans un espace où les conseils généraux sont largement présents.
Surtout, se pose la question des budgets qui accompagnent l'ensemble des mesures. A ce titre, on ne peut que se féliciter de la proposition du Sénat de créer un Fonds pour la prévention de la délinquance destiné à financer des actions locales. Les élus du FFSU ont été parmi les premiers à demander l'instauration d'un tel fonds et l'ont rappelé dans le "Manifeste des villes pour la prévention et la sécurité" actualisé en juin 2006.

Rappel à l'ordre, secret partagé, échange d'informations... sur toutes ces questions vivement critiquées, le projet de loi ne vient-il pas simplement consacrer ce qui se fait déjà ?

En effet, la loi officialise des pratiques existantes. Il faut certainement entendre "rappel à l'ordre" quand la loi parle de "recommandations" que pourra effectuer le conseil pour les droits et devoirs des familles. Par ailleurs, le rappel à l'ordre est désormais inscrit dans le Code des collectivités territoriales : le maire pourra y recourir quand des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques. Quel maire n'a pas reçu un adolescent de sa commune pour le "sermonner" ? Pour beaucoup d'élus de toute tendance politique, cela devait tout de même rester exceptionnel. Ils craignent d'apparaître au fil du temps comme un premier "maillon de la chaîne pénale".
Concernant le secret partagé, il existe de nombreuses instances partenariales au sein desquelles les acteurs de la prévention échangent des informations nominatives autour d'objectifs communs. Cela peut se faire avec un nombre réduit de partenaires et à la condition que le respect des libertés individuelles soit garanti. Les craintes de certains acteurs sont parfois légitimes. La question essentielle est celle de l'organisation de ces échanges. Aborder le partage d'information de cette manière dans la loi ne peut qu'entraîner automatiquement une levée de boucliers d'une partie des travailleurs sociaux, qui finalement aboutit à freiner le partenariat.
Il faudra officialiser les bonnes pratiques locales telles que les chartes de déontologie ou encore protocoles d'accord signés par les partenaires. Un cadre de référence national commun à l'ensemble des acteurs est souhaitable. C'est une condition préalable et nécessaire pour maintenir et développer la confiance entre les partenaires.

 

Est-ce que cela signifie qu'en France, par rapport à d'autres pays européens, on rechigne à expérimenter de nouvelles solutions ?

Ce qu'il manque, c'est avant tout un recensement des pratiques et des expériences locales. La connaissance et la diffusion des actions qui ont un impact sont insuffisantes. Il n'existe pas chez nous de culture de suivi et d'évaluation des impacts des politiques publiques de prévention et de sécurité.


Près d'un an après les émeutes de banlieues, ce texte vous semble-t-il suffisant pour répondre au défi que constitue la sécurité urbaine ?


Le projet de loi entérine des pratiques et complète les dispositifs par de nouvelles mesures pour certaines attendues par les acteurs locaux. Mais il est nécessaire de pouvoir déceler une orientation stratégique globale. Elle reste peu visible. Vous noterez d'ailleurs qu'on ne parle plus de "plan de prévention de la délinquance". Le besoin se fait sentir d'inscrire ces nouvelles mesures dans une véritable politique nationale de prévention. C'est le rôle que doit endosser le Comité interministériel de prévention de la délinquance institué en début d'année 2006.

 

Propos recueillis par Michel Tendil

 

Les nouvelles attributions du maire

- Le maire devient le "pivot" de la politique de prévention, dont il "coordonne la mise en oeuvre".
- Dans les communes de plus de 10.000 habitants, un "conseil pour les droits et devoirs des familles" (CDDF) est présidé par le maire.
- Le maire peut saisir le juge des enfants aux fins de mise sous tutelle des prestations familiales.
- Le maire peut effectuer un "rappel à l'ordre" à l'encontre d'un administré, y compris mineur, susceptible de porter atteinte à l'ordre public.
- Le maire peut "mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, relatives aux enfants en âge scolaire".
- Le maire peut prononcer, "par avis motivé au vu d'un certificat médical ou, en cas d'urgence, d'un avis médical, l'hospitalisation d'office" à charge pour lui "d'en référer dans les vingt-quatre heures" au préfet.

M.T.