Principe de précaution - OGM : pour le Conseil d'Etat, le maire n'est pas fondé à adopter une réglementation locale
Dans cette affaire, se fondant, notamment, sur le principe de précaution, le maire de Valence a interdit par la voie d'un arrêté municipal la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, sur plusieurs parties du territoire de la commune et pour une durée de trois ans. Le préfet de la Drôme a déféré cet acte au tribunal administratif de Grenoble qui en a prononcé l'annulation. Saisi d'un pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat vient de confirmer, par une décision en date du 24 septembre 2012, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon, estimant que la compétence du maire pour adopter l'arrêté litigieux au titre de ses pouvoirs de police générale ne pouvait être justifiée par le principe de précaution. La Haute Juridiction considère tout d'abord que le législateur a confié à l'Etat (ministre de l'Agriculture) la police spéciale de la dissémination volontaire d'OGM. Pour rappel, cette police spéciale, dont l'objet est conformément au droit de l'Union européenne "de prévenir les atteintes à l'environnement et à la santé publique pouvant résulter de l'introduction intentionnelle de tels organismes dans l'environnement", repose sur les articles L.531-1 et suivants du Code de l'environnement et sur un décret du 27 mars 1993 pris pour l'application du titre III de la loi 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination volontaire d'OGM.
Jurisprudence concordante
Les autorités nationales en charge de cette police spéciale "ont pour mission d'apprécier, au cas par cas, (…) après avoir procédé à une analyse approfondie qui doit prendre en compte les spécificités locales, y compris la présence d'exploitations d'agriculture biologique, s'il y a lieu d'autoriser la dissémination d'OGM par leur culture en plein champ", précise l'arrêt. Or, s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, "il ne saurait en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale par l'édiction d'une réglementation locale", estime le Conseil d'Etat. Solution qui n'est pas sans rappeler la jurisprudence récente en matière d'installation des antennes relais de téléphonie mobile. Dans la suite logique de sa jurisprudence afférente au principe de précaution tel qu'énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement, le juge administratif considère en effet que ce principe, qui certes s'impose à toute autorité publique dans ses domaines d'attribution, "n'a ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence". Dès lors, en matière de dissémination volontaire d'OGM, il appartient aux seules autorités nationales de veiller au respect du principe de précaution. L'article 5 de la Charte de l'environnement "ne saurait être regardé comme habilitant les maires à adopter une réglementation locale portant sur la culture de plantes génétiquement modifiées en plein champ et destinée à protéger les exploitations avoisinantes des effets d'une telle culture", conclut la Haute juridiction.
Par trois décisions du 26 octobre 2011 (lire ci-contre), le Conseil d'Etat avait reconnu de la même façon une compétence exclusive aux autorités de l'Etat pour réglementer de façon générale l'implantation des antennes relais sur le territoire. Il avait dans ces trois affaires estimé qu'un maire ne saurait réglementer par arrêté l'implantation des antennes-relais sur le territoire de sa commune, sur le fondement de son pouvoir de police générale, ce au nom du principe de précaution.
Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions
Référence : CE, 24 septembre 2012, Commune de Valence, n° 342990.