Téléphonie mobile - Un maire n'a pas la compétence pour réglementer l'implantation des antennes-relais
Un maire n'a pas la compétence pour réglementer par arrêté l'implantation des antennes-relais sur le territoire de sa commune sur le fondement de son pouvoir de police générale, estime le Conseil d'Etat dans une décision concernant les communes de Saint-Denis, Pennes Mirabeau et Bordeaux, publiée le 26 octobre 2011. Il juge en effet que seules les autorités de l'Etat désignées par la loi (ministre, Arcep, ANFR) sont compétentes pour réglementer de façon générale l'implantation des antennes-relais de téléphonie mobile. Il précise en outre que le principe de précaution ne permet pas à une autorité publique d'excéder son champs de compétences.
Les communes avaient pris des arrêtés généraux interdisant l'installation des antennes de téléphonie mobile "dans un rayon de 100 mètres autour des crèches des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées" dans le cas de Saint-Denis. La ville des Pennes Mirabeau soumettait additionnellement à la notion de zones "protégées", l'installation des antennes à une demande préalable et à un avis favorable de la commune. La ville de Bordeaux avait en outre introduit le fusible des seuils d'exposition : "toute modification des réglages aboutissant à une augmentation significative" de la puissance des émissions pouvait donner lieu à sanction.
Le principe de précaution peut être invoqué, mais uniquement sur le domaine de compétences de la collectivité
Les trois maires justifiaient leur intervention sur le fondement de leur compétence de police générale, au nom du principe de précaution et opposaient ainsi les compétences de police générale du maire aux compétences de police spéciales reconnues aux autorités de l'Etat.
Dans sa décision, le Conseil d'Etat rappelle que le législateur a organisé de manière complète une police spéciale des communications électroniques confiée à l'Etat. Et que par conséquent, seul le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) sont en mesure de déterminer, de manière complète, les modalités d'implantation des stations radioélectriques sur l'ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu'elles émettent. Sachant aussi que la mise en service des stations électromagnétiques est par ailleurs subordonnée à leur autorisation par l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Tout en rappelant les dispositions du législateur prévoyant l'information du maire – a sa demande- de l'état des installations radioélectriques exploitées sur le territoire de sa commune, le Conseil d'Etat rappelle que ce droit d'information ne peut porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l'Etat.
Quant au principe de précaution consacré à l'article 5 de la charte de l'environnement, la haute instance administrative juge qu'il est applicable à toute autorité publique mais dans le domaine de ses compétences. Elle en déduit même, dans l'hypothèse où les valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques fixées par décret "ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par le principe de précaution" que cela n'habilite pas davantage les maires à adopter une réglementation restrictive. De son côté, le ministre de l'Industrie Eric Besson a affirmé le 27 octobre : "Cette décision ne réduit en aucun cas le rôle du maire, qui reste un acteur incontournable du déploiement des réseaux mobiles, dans le cadre dun partenariat avec les opérateurs."
A Paris, la suspension ne cible que les implantations sur les bâtiments municipaux
Cette décision qui intervient en plein conflit opposant Paris et les principaux opérateurs pourrait-elle affaiblir la position de fermeté prise par la municipalité ? Les affaires jugées ne sont pas symétriques. Comme l'a rappelé Bertrand Delanoë, le maire de Paris, dans un communiqué récent : "La ville n'a jamais annoncé la suspension du déploiement des réseaux à Paris. Elle a en revanche indiqué qu'en l'absence de charte elle suspendait toute nouvelle implantation d'antennes sur les bâtiments qui lui appartiennent" et qu'elle "procédait à l'étude juridique nécessaire de l'état des antennes y étant déjà installées, les opérateurs n'ayant aucun titre d'occupation". Ainsi la ville de Paris n'a pas pris d'arrêté général d'interdiction. Elle à décidé de suspendre les 32 demandes d'implantations sur ses bâtiments et étudie juridiquement ses marges de manœuvre pour les 180 antennes ayant reçu une autorisation d'occupation temporaire, ce qui la place sur un autre terrain. Réagissant à la publication de la décision du Conseil d'Etat, Mao Péninou, adjoint chargé de la qualité des services publics municipaux a d'ailleurs confirmé que la ville "ne se sentait pas concernée".