Environnement - OGM : le projet de loi exclut de son champ le rôle des collectivités
Le 8 février, le Sénat a adopté en première lecture par 186 voix contre 128 le projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Ce projet vise à combler le retard de transcription de la directive européenne de 2001 sur la dissémination volontaire d'OGM, laquelle clarifie les conditions de mise en culture de plantes transgéniques et leur coexistence avec les productions conventionnelles. En décembre 2006, la Commission européenne avait ainsi demandé à la Cour de Justice d'infliger à la France, pour défaut de transposition, une amende de 38 millions d'euros, plus une astreinte journalière de plus de 360.000 euros. Or, l'issue du vote s'est soldée par un texte qui, selon les principales associations écologistes, n'est ni conforme à l'esprit du Grenelle de l'environnement, ni au principe de précaution au nom duquel des maires réussissent parfois à faire valoir qu'un arrêté interdise la production de cultures OGM sur leur territoire. Jacques Muller, sénateur du Haut-Rhin et chef de file des sénateurs Verts sur ce projet de loi, a ainsi dénoncé "la pression à peine voilée des lobbies productivistes" qui a pesé tout au long de la rédaction du projet et des débats au Sénat. "Au lieu de garantir un droit à produire et consommer sans OGM, c'est finalement le droit à produire des OGM qui est reconnu", poursuit-il.
Le 29 janvier dernier, l'issue de l'examen du rapport du sénateur UMP de la Manche Jean Bizet sur ce projet de loi sur les OGM laissait déjà entrevoir, par le biais des premiers amendements retenus (instauration d'un délit de fauchage, d'une aide fiscale à l'investissement en génomique végétale), l'orientation prise sur ce dossier par les parlementaires en majorité UMP. Une orientation désormais en complète opposition aux engagements de Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables, et de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à l'Ecologie. En effet, une dizaine d'amendements ont été pris en dépit de l'avis défavorable du gouvernement. Cette série d'amendements déposés n'a fait qu'"édulcorer le texte dans le sens des pro-OGM, et non dans le prolongement de ce que la société civile a réclamé à l'unanimité lors du Grenelle", a jugé Jean-François Le Grand, sénateur UMP de la Manche et président de la Haute Autorité provisoire sur les OGM. "Sauf reprise en main du Premier ministre et du président d'ici l'examen du texte les 2 et 3 avril à l'Assemblée nationale, le Grenelle ne passera donc pas sur ce dossier le cap du premier examen au Parlement", déplore-t-on à Greenpeace.
Sur le délit de fauchage, les sénateurs ont tranché en faveur d'un délit passible de deux ans de prison et de 75.000 euros d'amende. Autre amendement attendu, celui concernant le seuil d'étiquetage, qui plafonnera à 0,9%. C'est-à-dire qu'une récolte constituée à moins de 0,9% de cultures OGM pourra être étiquetée... sans OGM. Mais l'une des pires régressions du texte, selon Greenpeace, est de rendre le Haut Conseil des biotechnologies, qui sera constitué de scientifiques, d'avance quasi incompétent en termes d'évaluation du risque. Aux côtés du ministre de l'Ecologie, son rôle sera purement consultatif, alors que le ministère de l'Agriculture restera sur ce dossier juge et partie.
Sur un volet qui relève étroitement de la responsabilité des collectivités, celui de l'information du public, il n'est pas garanti que les mairies et partenaires agricoles puissent être eux-mêmes informés en amont des plantations de cultures OGM sur leurs territoires. Dès lors, difficile d'assurer un réel suivi et de remplir leur mission d'alerte du public en cas de contamination d'un champ. Il est donc à craindre que perdure le cas de figure actuel qui conduit généralement un maire ou un président de région à apprendre au même moment que n'importe quel citoyen (par le biais du registre national des cultures OGM mis en ligne sur le site internet du ministère de l'Agriculture) que des cultures d'OGM sont effectuées sur son propre territoire.
De même, l'option de mieux impliquer les collectivités locales dans le suivi de ces cultures n'a pas été retenue. "Certes, l'existence d'un comité local de biovigilance est maintenue, constate Greenpeace, mais sa légitimité dépendra des informations que voudra bien lui concéder l'administration de l'agriculture, car il n'aura aucun pouvoir de recherche d'informations sur pièce et sur place." Quant à la nature des informations qui pourront être communiquées au public par le biais du registre parcellaire des champs d'OGM, elle reste à l'ordre du jour de la loi mais n'a pas fait l'objet de précisions. Enfin, ce texte entérine l'expression d'une coexistence entre cultures OGM et non OGM alors que le Grenelle avait conclu à son impossibilité scientifique.
Morgan Boëdec / Victoires Editions
La France interdit le seul maïs OGM cultivé sur son territoire
Alors que l'adoption du projet de loi sur les OGM par le Sénat a ravivé la controverse entre pro et anti-OGM, les associations écologistes ont accueilli favorablement l'arrêté du ministère de l'Agriculture paru au JO du 9 février, qui interdit la culture du maïs OGM MON810 sur le territoire français. Seul OGM cultivé dans l'Hexagone, avec 22.000 hectares l'an dernier, surtout concentrés dans le Sud-Ouest, le MON810 se voit frappé d'interdiction "jusqu'à ce qu'il ait été statué sur une demande de renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché". En janvier, le gouvernement avait annoncé sa décision de déclencher la procédure de suspension de cette culture en engageant auprès de l'Union européenne la clause de sauvegarde qui permet d'interdire provisoirement la culture d'un OGM autorisé dans l'UE, en faisant valoir un risque pour la santé ou l'environnement. Après la notification, le 9 février, de cette clause de sauvegarde, Bruxelles dispose de 60 jours ouvrables pour décider de confier le dossier à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou rejeter la requête. Le cas échéant, ce sera aux ministres européens de l'Agriculture de trancher. Les Etats étant divisés sur le sujet, tous ceux qui ont invoqué cette clause ont eu jusqu'à présent gain de cause. Bruxelles pourrait aussi attendre la nouvelle évaluation, en octobre, du MON810, qui, comme pour tout OGM, doit intervenir après 10 ans d'autorisation.
A.L. avec AFP