Accès au logement - Mise en oeuvre du chantier national prioritaire 2008-2012 : qui croire ?
A ce stade, il ne s'agit plus de divergences d'appréciation, mais d'une complète contradiction : le 4 mars, le gouvernement et le collectif des associations intervenant en matière de logement des plus démunis ont publié chacun leur baromètre sur la mise en oeuvre du chantier national prioritaire du logement des personnes défavorisées. Le baromètre du gouvernement conclut au quasi-achèvement du chantier, du moins dans la programmation des mesures. Sur les 46 mesures annoncées par le Premier ministre en janvier 2008 et formant le chantier national prioritaire 2008-2012, 29 (soit 63%) sont classées dans le baromètre gouvernemental comme réalisées, 16 (35%) comme en cours de réalisation et une seule (2%) comme non-engagée (il s'agit en l'occurrence du renforcement des moyens de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale). Parmi les mesures encore en cours de réalisation figurent notamment la présentation du chantier national prioritaire aux présidents de conseils généraux et aux maires des grandes villes, le renforcement des moyens des commissions de prévention des expulsions (pour la réalisation des enquêtes sociales), l'élaboration du décret sur les observatoires départementaux du logement indigne ou la négociation, avec l'ensemble des réservataires, de l'attribution d'une part de leur contingent au profit des publics relevant du Dalo (droit au logement opposable).
Le son de cloche est tout autre au sein du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement, qui regroupe une trentaine d'associations dont le Secours Catholique, Emmaüs, la Fondation Abbé-Pierre, la Fnars ou Droit au logement. Le collectif dénonce un gouvernement "à côté de la plaque" et un projet de loi de mobilisation pour le logement - en attente de la décision du Conseil constitutionnel - qui ne répond pas aux enjeux. Il vise notamment la mesure qui réduit de trois ans à un an le délai laissé au préfet pour accorder le concours de la force publique en vue d'une expulsion. En ayant soutenu le rapport Pinte, le collectif a même aujourd'hui l'impression de "s'être fait rouler dans la farine". Pour le collectif, plus de la moitié des mesures recensées dans son baromètre n'ont même pas été engagées.
Cette contradiction, qui ne facilite pas la lisibilité du dossier par l'opinion, a cependant une explication : gouvernement et collectif ne suivent pas le même baromètre. Si le gouvernement s'en tient aux mesures annoncées en janvier 2008, le collectif suit pour sa part les 100 mesures prioritaires qu'il a soumises au gouvernement lors de la préparation du chantier national prioritaire et dont seules certaines ont été retenues. Sur ces 100 mesures, le collectif considère que 8 ont été effectivement appliquées, que 37 autres ont été engagées mais sans encore se concrétiser, tandis que 55 sont toujours au point mort. Le collectif envisage donc d'organiser des actions de protestation aux environs du 15 mars, date de la fin de la trêve hivernale pour les expulsions. Compte tenu de la crise, il demande également un moratoire des expulsions pour toute l'année 2009, à charge pour l'Etat d'indemniser les propriétaires concernés.
Jean-Noël Escudié / PCA