Habitat - Face à la crise, le CAE milite pour la diversité des offres de logement pour les classes moyennes
Jacques Mistral et Valérie Plagnol du Conseil d'analyse économique (CAE) ont rendu, le 9 octobre, un rapport intitulé "Loger les classes moyennes : la demande, l'offre et l'équilibre du marché du logement", résultat d'une année d'analyse. Pour les deux économistes, la crise actuelle qui a pour effet de faire baisser les offres de vente ne donnera pas pour autant un appel d'air sur ce marché tendu car l'accès au crédit est contracté. "La question de l'adéquation de l'offre et la demande demeure et impose de conforter la diversité du marché : locatif social, locatif privé et accession à la propriété", argumente Valérie Plagnol. Le Conseil d'analyse économique ne pense pas que le marché puisse à lui seul donner les réponses : "L'espace est contingenté et justifie une intervention forte de l'Etat et des collectivités territoriales", explique Jacques Mistral.
On retrouve dans ce rapport, dans une large mesure, les propositions faites par la Commission pour la libération de la croissance présidée par Jacques Attali en matière de logement (voir article "Le catalogue Attali fait-il confiance aux collectivités ?" 23 janvier 2008). Dans l'optique de "desserrer les contraintes physiques sur l'offre" et pour libérer le foncier, le CAE est favorable à une plus grande taxation des surfaces non construites mais il préconise à l'inverse pour fluidifier le marché, la suppression des droits de mutation. La ministre du Logement, Christine Boutin, s'est déjà déclarée favorable à une telle disposition pour des situations qui imposent une mobilité des ménages (voir article "Un article 55 "bis" de la loi SRU pour l'ensemble des constructions ? ", 14 mai 2008).
La vente des HLM : un outil marginal
La gouvernance de la politique du logement n'a pas été oubliée : "On a trop fait confiance à la démocratie locale", a déclaré Jacques Mistral qui propose notamment que "l'Etat mette en place des outils visant à encourager la prise de la compétence logement par les EPCI". En parallèle, il faut donner aux préfets la possibilité de relever les coefficients d'occupation des sols trop restrictifs comme l'avait proposé la "commission Attali" en janvier dernier. Le projet de loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion prévoit dans son article 9 deux dispositions pour assouplir les règles en vigueur : l'assouplissement de 20% de la surface habitable dans les règlements d'urbanisme et la généralisation d'une disposition de la loi du 13 juillet 2006 permettant de délimiter des secteurs où le COS puisse être majoré pour la construction de logements sociaux.
Le CAE, à l'image de la ministre du Logement, prône pour plus d'équité dans l'occupation du parc social : application de la loi sur la révision des loyers, différenciation des plafonds de ressources et assouplissement du droit au maintien dans le parc. Là encore, le projet de loi, examiné le 14 octobre prochain, ouvre la brèche avec la création d'un contrat de location de trois ans. Autre proposition de Jacques Attali qui, semblerait-il, fait actuellement son chemin : le regroupement et l'uniformisation des statuts des organismes HLM. Le CAE se démarque assez clairement du gouvernement comme de la commission Attali en estimant que la vente des HLM aux locataires occupants est un "outil marginal" pour l'accession sociale à la propriété. "Le logement social a un rôle central, il n'est donc pas question de réduire son rôle surtout dans les zones tendues qui sont logiquement les premières concernées par les ventes alors que les classes moyennes ont, dans ces secteurs, difficilement accès au marché locatif privé" constate jacques Mistral. Au nombre des autres pistes de réforme, on peut noter une concentration des subventions et aides fiscales sur les zones de tension ou la suppression de la taxation sur les logements vacants.
Clémence Villedieu
Le crédit hypothécaire garde la cote
L'idée selon laquelle le crédit hypothécaire permettrait aux classes moyennes d'accéder à la propriété garde de son acuité : le Conseil national de l'habitat dans un rapport de 2007 qu'une "intégration du crédit dans l'Union européenne pourrait faciliter la mobilité des travailleurs en réduisant les coûts de transaction sur la résidence principale". Confirmation du CAE : "Dans cette situation de crise, nous restons favorables au crédit hypothécaire car aujourd'hui, les demandes de crédit s'accompagnement de procédés trop restrictifs et donc d'une véritable exclusion des classes moyennes au crédit immobilier" commente Valérie Plagnol. "Il n'est pas question d'aller vers les subprimes qui ont consisté à proposer des crédits à 100% à des personnes non solvables. La prise de gage doit être contrôlée", ajoute l'économiste. Et conclut, "la crise bancaire aujourd'hui repose sur des erreurs d'investissements".