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Simplification du droit - Ministères, n'oubliez pas Monsieur normes !

Aussitôt dit, aussitôt fait ? Alors que le Sénat rendait public en début de semaine un rapport demandant au gouvernement de faire le ménage dans les normes existantes (voir notre article ci-contre), le Journal officiel du vendredi 18 février s'ouvre sur une circulaire du Premier ministre sur "la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales". A première vue, personne ne pourra plus dire que les ministères ne sont pas assez réactifs ! Sauf que... cette circulaire du 17 février ne porte pas, comme le rapport sénatorial, sur les normes existantes. Elle concerne la procédure à adopter pour préparer les futurs projets de lois, décrets et arrêtés. Le Premier ministre demande à l'ensemble des ministères de transmettre à ses services, à chaque fois qu'ils prépareront un nouveau projet, une véritable "évaluation préalable" des conséquences qu'aura le texte sur les collectivités territoriales et les entreprises. Côté collectivités territoriales, l'exercice n'est pas vraiment nouveau : la circulaire de 2008 sur la mise en place de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) exigeait déjà des études d'impact circonstanciées. De même pour la circulaire de juillet 2010 sur le moratoire sur les normes. Qu'y a-t-il donc de neuf ?

Passage chez le commissaire pour tous les textes "collectivités"

La nouveauté est donc surtout donc dans la nomination, en novembre 2010, d'un "Monsieur normes" au sein des services du Premier ministre : le conseiller d'Etat Rémi Bouchez a été nommé "commissaire à la simplification" suite aux annonces des Etats généraux de l'industrie. Ses fonctions ? D'abord vérifier que l'Etat produit des normes simples et stables pour les entreprises. Mais son rôle a été élargi à la mise en œuvre du moratoire de juillet 2010 sur les normes s'imposant aux collectivités territoriales. Le commissaire doit donc "s'assurer de la qualité des évaluations préalables effectuées par les ministères et rechercher les solutions les plus simples dans la mise au point des projets de mesures". La circulaire du 17 février s'attache donc surtout à préciser le rôle de ce haut fonctionnaire dans le circuit de production des textes, et à lui assurer des pouvoirs élargis que certains ministères pourraient voir d'un mauvais œil. En effet, il peut "nouer des contacts directs avec les destinataires potentiels de ces projets de texte"... une prérogative jusqu'alors réservée au ministère préparant le texte.
Désormais, pour toutes les mesures concernant les collectivités territoriales, y compris celles n'ayant pas "un impact financier direct", les ministères doivent envoyer au commissaire une "fiche d'analyse financière et des documents retraçant la concertation menée avec les grandes associations d'élus". Ceci avant toute réunion interministérielle d'arbitrage, saisine du Conseil d'Etat ou départ du texte en circuit de signature. Si le commissaire estime que la concertation – par exemple avec les élus locaux - n'a pas été suffisante, il pourra demander de nouvelles réunions voire procéder lui-même à la concertation. De plus, tout texte doit passer d'abord devant ce commissaire avant d'être soumis à la commission consultative d'évaluation des normes.
Enfin, la circulaire rappelle ce qu'est le moratoire sur les normes de juillet 2010 : il n'est naturellement pas question que les ministères arrêtent de rédiger les textes règlementaires d'application des lois ou de transposition des directives européennes. C'est par définition leur travail. Mais ils doivent, explique le Premier ministre, limiter la production de textes au strict minimum, c'est-à-dire "au contenu strictement commandé par la norme supérieure". Une manière un peu paradoxale de rappeler aux services ministériels de faire ce dont, par nature, ils sont chargés. Qui par effet de miroir pourrait laisser entendre que les ministères et donc le gouvernement a une vision un peu trop extensive de son rôle constitutionnel "d'exécutif", et donc de mise en œuvre de la loi votée par la représentation nationale.

Références : Circulaire du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales ; Circulaire du 6 juillet 2010 relative au moratoire applicable à l'adoption de mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics.