Protection de l'enfance - Mineurs isolés étrangers : vers un nouveau mécanisme de répartition territoriale
Le 7 mars, le nouveau ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a réuni un comité de suivi du dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des mineurs non accompagnés. Il s'agit de la première réunion de cette instance depuis septembre 2014. Même si les élections départementales de mars 2015 n'y sont peut-être pas étrangères, la raison officielle de cette suspension est la décision du Conseil d'Etat abrogeant la base statistique permettant à la cellule d'orienter les mineurs isolés étrangers (MIE) sur des bases transparentes (voir notre article ci-contre du 2 février 2015).
"Un objectif de péréquation"
Selon Jean-Jacques Urvoas, "depuis cette décision du Conseil d'Etat, la cellule ne pouvait plus remplir sa mission pleinement, ce qui a conduit certains départements à pâtir d'une répartition très inégale sur le territoire national". La proposition de loi relative à la protection de l'enfant, qui vient d'être définitivement adoptée par l'Assemblée nationale (voir notre article ci-contre du 3 mars 2016), a toutefois redonné une base légale à ce recueil de données statistiques. L'objet de cette réunion était donc de préparer l'adoption d'"un nouveau mécanisme de répartition guidé par un objectif de péréquation, de solidarité nationale et de résorption des inégalités constatées entre les collectivités territoriales".
Pour cette réunion de reprise - 18 mois après la précédente et alors que la question des MIE a pris une dimension nouvelle avec la crise migratoire -, le ministre de la Justice avait invité l'Assemblée des départements de France (ADF) à participer à l'instance, ce qui semble dans la logique du protocole sur le MIE conclu entre l'Etat et les départements. La délégation de l'ADF comprenait les représentants de huit départements très directement concernés par la question : Calvados, Loire-Atlantique, Marne, Bas-Rhin, Haute-Vienne, Essonne, Val-de-Marne et Val d'Oise.
Des MIE aux MNA
Devant le comité - qui devrait se réunir désormais tous les trimestres -, le ministre de la Justice a fait part de son souhait d'"une réactivation rapide du mécanisme de répartition, dans l'intérêt des mineurs concernés et en pleine conscience des efforts fournis par les départements". La clef de répartition, qui donnera lieu à un décret, reprendrait "les principes posés par la circulaire publiée le 31 mai 2013" et tiendrait compte "non seulement du flux de nouvelles demandes de prise en charge mais aussi du nombre de mineurs déjà accueillis par chaque département".
Le ministre "a également rappelé que la notion de mineurs étrangers isolés sera dorénavant remplacée par l'expression "mineurs non accompagnés" (MNA). Pour Jean-Jacques Urvoas, "ce changement rappelle que ces enfants et adolescents relèvent du dispositif de protection de l'enfance".
Si l'ADF s'est réjouie du "nouveau départ" évoqué par le garde des sceaux, le président de sa délégation - Arnaud Bazin, président (divers Droite) du conseil départemental du Val d'Oise et vice-président de la commission des affaires sociales de l'ADF - "a rappelé le contexte budgétaire particulièrement difficile auquel les Départements sont confrontés : les dépenses sociales obligatoires exponentielles qui rendent la situation actuelle absolument intenable".
Face à "l'envolée des flux" de MIE, il regrette "que l'on se contente de répartir la difficulté plutôt que de soulager globalement les finances départementales". Sur la transformation des MIE en MNA, "les départements se sont étonnés du changement de terminologie [...] : comme si un changement sémantique avait le pouvoir de juguler un phénomène aujourd'hui non contrôlé !".
Le verre à moitié vide ou à moitié plein
Sans surprise - et bien que trois départements de gauche figuraient dans la délégation de l'ADF (Loire-Atlantique, Haute-Vienne et Val-de-Marne) -, le son de cloche est assez différent du côté du "groupe de Gauche" de l'association. Dans un communiqué, celui-ci "affirme sa fierté de mettre en œuvre au quotidien des politiques publiques d'accueil et de protection de l'enfance et de participer pleinement à la solidarité internationale dans le contexte migratoire que nous connaissons". Il "souligne la réactivité et la volonté dont fait preuve le garde des sceaux en relançant cette cellule nationale indispensable".
Les départements de gauche rappellent toutefois "que la situation financière actuelle des départements et l'augmentation progressive des demandes de prise en charge réduit fortement leur capacité de mise en œuvre de cette politique de protection pourtant indispensable" et soulignent qu'une "solution devra être trouvée afin de leur redonner cette capacité d'action".