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Protection de l'enfance - Le Conseil d'Etat annule la circulaire sur les mineurs isolés étrangers

Dans un arrêt du 30 janvier 2015, le Conseil d'Etat a annulé pour partie la circulaire du ministère de la Justice du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des mineurs étrangers isolés : dispositif national de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation (pour le contenu de la circulaire, voir ci-contre notre article du 4 juin 2013). La décision du Conseil ne remet pas en cause tous les aspects de la circulaire, mais elle prive le dispositif - issu d'un accord avec l'Assemblée des départements de France (ADF) - du cœur de son fonctionnement, rendant ainsi indispensable une remise à plat complète.

Pas d'atteinte au principe de la libre administration des collectivités

A l'origine de cet arrêt, des recours déposés par plusieurs départements d'opposition : Hauts-de-Seine, Alpes-Maritimes, Aveyron, Corse-du-Sud, Côte d'Or, Eure-et-Loir, Indre, Loir‑et‑Cher, Loiret, Sarthe, Var et Vendée. Ces départements avançaient plusieurs requêtes.
Ils estimaient que la circulaire - en permettant une répartition d'office des mineurs isolés étrangers (MIE) entre départements - avait pour effet de leur transférer, sans compensation financière, des compétences relevant de l'Etat, portant ainsi atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales. Dans sa décision, le Conseil d'Etat écarte ce moyen en considérant que la circulaire ne fait là que reprendre les dispositions de la loi et du Code civil. La Haute Juridiction écarte également plusieurs autres moyens juridiques soulevés par les départements.
En revanche, elle écarte la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la Justice. Celle-ci faisait en effet valoir que la circulaire du 31 mai 2013, se contentant d'expliquer la mise en œuvre de l'accord conclu entre l'Etat et l'ADF, ne faisait pas grief. Le Conseil d'Etat ne suit pas la ministre sur ce point, considérant au contraire qu'"en tant qu'elle prescrit aux magistrats du parquet de mettre en œuvre les principes définis par le protocole mentionné ci-dessus, elle comporte des dispositions impératives à caractère général et fait ainsi grief".

La clé de répartition des MIE entre départements n'a pas de base légale

Le Conseil d'Etat admet que le critère de l'intérêt de l'enfant autorise la ministre de la Justice à inviter les parquets à tenir compte à la fois des capacités d'accueil et du nombre de mineurs déjà accueillis dans chaque département, ces paramètres conditionnant la capacité de ce département à prendre en charge le mineur dans des conditions satisfaisantes. En revanche, il censure la circulaire en ce qu'elle prévoit que "le choix du département définitif sera guidé par le principe d'une orientation nationale", qui "s'effectue d'après une clé de répartition correspondant à la part de population de moins de 19 ans dans chaque département". Le Conseil d'Etat ne se prononce pas sur l'opportunité d'un tel critère, mais observe que celui-ci n'est pas prévu par la loi. Dès lors, la ministre de la Justice ne pouvait pas le prévoir par la voie d'une simple circulaire.
Cette annulation touche au cœur du dispositif. Il reste donc au gouvernement soit à imaginer une autre clé de répartition - laquelle risque toutefois de s'exposer à nouveau à une fragilité juridique -, soit à en passer par une validation législative de la clé de répartition, mais qui risque de prendre du temps.
Dans un communiqué du 30 janvier, François Sauvadet, le président du conseil général de la Côte d'Or - l'un des départements requérants - anticipe déjà cette seconde hypothèse. Se félicitant de la décision du Conseil d'Etat, il estime qu'"il appartiendra désormais à la représentation nationale de se prononcer sur cette répartition".

Références : Conseil d'Etat, décisions n°371415, 371730, 373356 du 30 janvier 2015, département des Hauts-de-Seine et autres c/ ministère de la Justice.

 

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