PLF 2015 / Protection de l'enfance - Mineurs isolés étrangers : 4.042 jeunes évalués et orientés en un an

Selon des statistiques inédites, 4 mineurs isolés étrangers (MIE) sur 10 ont été réorientés vers un autre département que celui qui les a accueillis. Le dispositif mis en place suite à l'accord de mai 2013 est donc effectif. Il reste toutefois fragile, tout comme celui de "mise à l'abri".

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2015, Cécile Cuckierman, sénatrice (CRC) de la Loire, a remis, au nom de la commission des lois, son rapport pour avis sur les crédits du programme 182 "Protection judiciaire de la jeunesse". Celui-ci contient notamment des statistiques inédites sur les mineurs isolés étrangers (MIE).

Réorientation : le dispositif fonctionne

Ainsi, entre le 1er juin 2013 et le 31 mai 2014, la cellule nationale - mise en place dans la foulée du protocole d'accord de mai 2013 entre le ministère de la Justice et l'Assemblée des départements de France (ADF) - a eu connaissance de 4.042 jeunes étrangers évalués comme mineurs et isolés. Parmi ces mineurs, 1.539 (soit 39%) ont été réorientés vers d'autres départements, après saisine de la cellule par le parquet du département évaluateur. A l'inverse, 2.473 MIE (61%) ont été maintenus dans le département d'arrivée, après ou sans saisine de la cellule par le parquet du département évaluateur.
Comme le laissaient déjà entendre les premiers résultats enregistrés à la fin de 2013 (voir notre article ci-contre du 31 janvier 2014), ces chiffres attestent le fonctionnement du système, puisque quatre MIE sur dix sont rapidement réorientés vers un autre département que celui d'accueil, évitant ainsi d'emboliser les départements "portes d'entrée", comme cela fut notamment le cas pour la Seine-Saint-Denis et Paris.
Autre enseignement des chiffres livrés par la rapporteure : au 31 mai 2014, le dispositif comptait déjà 636 sorties, dont 205 concernant des jeunes devenus majeurs. En termes d'origines géographiques, l'Afrique fournit le gros des MIE. Les trois premiers pays d'origine sont en effet la Guinée (627 MIE), le Mali (612) et le Congo et la République démocratique du Congo (573). Ces pays représentent, à eux seuls, 45% des MIE arrivés en France sur la période considérée. Viennent ensuite des Etats comme le Bangladesh (278 MIE), l'Albanie (267), le Pakistan (198), le Maroc (184), l'Algérie (179), l'Afghanistan (99), la Tunisie (84)...

Des progrès à faire pour le dispositif national de mise à l'abri

La rapporteure rappelle que le dispositif reste toutefois fragile. Plusieurs départements ont en effet déposé des recours contre des décisions de placement des juges des enfants. A ce jour, deux cours administratives d'appel ont cependant validé les décisions de placement. Mais les départements concernés ont interjeté appel et les dossiers sont désormais en attente d'une décision du Conseil d'Etat.
S'il valide le principe du dispositif, le rapport de la commission des lois est plus critique sur les modalités de mise en œuvre du dispositif national de "mise à l'abri", qui accompagne l'orientation géographique des MIE. S'appuyant notamment sur le rapport conjoint des inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et de l'administration, Cécile Cuckierman estime en effet que la pérennisation du dispositif suppose une consolidation juridique et financière. Comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme (voir notre article ci-contre du 2 juillet 2014), elle juge également que "le dispositif appelle de nombreux ajustements opérationnels : homogénéisation des conditions d'accueil entre les départements, centralisation des évaluations pour chaque région sous l'égide du préfet de région, organisation de l'expertise documentaire, élaboration d'une doctrine commune d'emploi sur les expertises médicales d'âge". Enfin, elle recommande de renforcer le pilotage de la politique d'accueil des MIE, en le faisant évoluer vers davantage d'interministérialité.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Projet de loi de finances pour 2015, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 18 novembre 2014, examiné par le Sénat du 20 novembre au 9 décembre 2014.

 

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