Protection de l'enfance - La commission des lois du Sénat adopte la proposition de loi de Jean Arthuis sur les mineurs isolés étrangers
Lors de son dépôt en décembre dernier par l'opposition, Localtis indiquait que le texte pourrait bien créer la surprise au Sénat. La commission des lois du Sénat - présidée par Jean-Pierre Sueur (PS) - a en effet adopté, le 5 février 2014, la proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers (MIE), déposée par Jean Arthuis, sénateur et président du conseil général de la Mayenne, et une quinzaine de ses collègues du groupe UDI (voir notre article ci-contre du 11 décembre 2013).
La commission ne suit pas son rapporteur
Même si ce texte traite d'un problème bien réel qui oppose l'Etat et les départements depuis plusieurs années (voir nos articles ci-contre), il est difficile de ne pas voir aussi dans ce vote un signe de mauvaise humeur des sénateurs après le recul du gouvernement sur le projet de loi Famille. En effet, la commission n'a pas suivi l'avis de son rapporteur - le sénateur socialiste du Nord René Vandierendonck -, qui proposait l'adoption d'une motion de renvoi en commission. La justification de ce renvoi était d'attendre - avant de légiférer éventuellement - les conclusions des inspections générales qui doivent remettre, aux environs du 15 avril, un rapport d'évaluation sur le protocole d'accord conclu le 31 mai 2013 entre l'Etat et l'Assemblée des départements de France (ADF) et qui semble donner de premiers résultats (voir nos articles ci-contre du 31 janvier 2014 et du 4 juin 2013). Le comité de suivi du protocole, dans lequel siègent des parlementaires, devrait également remettre ses conclusions au même moment. Autre camouflet : non seulement la commission n'a pas suivi la position de son rapporteur, mais elle a aussi adopté le texte de Jean Arthuis en l'état, sans y apporter aucune modification. Même si ce vote en commission ne préjuge pas de l'adoption en séance publique, les débats prévus pour le 12 février dans le cadre du créneau réservé au groupe UDI, pourraient être animés.
Une recentralisation en règle
La proposition de loi ne remet pas en cause le principe de l'accueil et de la prise en charge des MIE. Mais, considérant qu'il ne s'agit pas là d'une mission relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE), elle propose d'en rendre la responsabilité à l'Etat. Elle suit en cela les conclusions du rapport de 2010 de la sénatrice (UMP) des Hauts-de-Seine, Isabelle Debré, sur "Les mineurs isolés étrangers en France", qui soulignait déjà que "l'Etat est concerné au titre de la maîtrise des flux migratoires, la lutte contre l'immigration clandestine et les trafics d'êtres humains, la justice des mineurs" et estimait que cette mission devrait donc relever de la solidarité nationale. De son côté, l'auteur du texte estime que "les services de l'ASE, qui fonctionnent généralement à la limite de leurs capacités, ne sont pas armés pour la prise en charge très complexe des MIE, très éloignée de leurs missions habituelles et qui les désorganise au point de compromettre l'action éducative dont ils ont la charge".
La proposition de loi inclut donc dans la liste des dépenses d'aide sociale relevant du budget de l'Etat l'accueil et l'évaluation des MIE, ainsi que les frais de prise en charge de ces mineurs confiés - en application d'une mesure judiciaire d'assistance éducative - à un établissement de l'ASE ou à un établissement habilité. Le texte redéfinit également le rôle de l'ASE vis-à-vis des MIE. Celui-ci se limiterait à l'accueil d'un jeune étranger en situation de danger ou de risque pendant 72 heures au plus, le procureur de la République étant immédiatement informé. Dans le cas où le mineur ne fait pas déjà l'objet d'une procédure d'accueil ou de placement dans un autre département, le procureur l'oriente vers le centre d'accueil et d'évaluation des mineurs isolés étrangers territorialement compétent (structures nouvelles à créer). Le texte prévoit aussi la création d'un fichier national des MIE. L'exposé des motifs précise également que "les dispositions financières compensatoires devront être réglées selon les usages entre l'Etat et les collectivités territoriales".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers (adoptée en commission des lois du Sénat, le 5 février 2014, examen prévu en séance publique le 12 février 2014).