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Développement des territoires - Michel Godet : "Il faut cesser d'arroser l'arbre qui tombe"

Colporteur de bonnes nouvelles : par les temps qui courent, le métier se fait rare. C'est pourtant le parti pris de Michel Godet, auteur d'un rapport intitulé "Créativité et innovation dans les territoires", remis au ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, mardi 18 mai. "Nous sommes à l'aube d'une troisième vague d'innovations, indubitablement aussi forte que les deux précédentes, la Renaissance et la Belle Epoque", estime le professeur du Cnam qui a présidé ce travail commun au Conseil d'analyse économique (CAE), à la Datar et à l'Académie des technologies. Alors, pour ne pas louper le coche, l'auteur invite à endosser le costume du naturaliste en comparant les territoires à des écosystèmes où, en gros, ne s'en sortent que ceux qui en ont la volonté. "Ce sont bien les hommes et leurs projets qui font la différence entre les territoires !", affirme l'auteur, qui égrène les "success stories" comme le Bressuirais (Vendée) qui connaît un taux de chômage à 4% en sortie de crise (3% avant). "A Bressuire, il n'y a pourtant pas de TGV et la desserte SNCF se fait par autocar." En revanche, si les infrastructures ne font pas tout, l'atmosphère de l'écosystème joue à plein : confiance, sécurité, richesse de la vie sociale et associative, qualité des services publics, absence d'inégalités trop criantes… "Les territoires gagnants du futur sont ceux qui seront capables de développer harmonieusement à la fois des pôles de compétitivité et des pôles de qualité de vie", considère-t-il.
Le rapport souligne aussi que l'innovation ne peut pas être seulement technique (high tech) et donne de l'importance au low tech. Sociale, organisationnelle, financière, marketing, commerciale : "80% de l'innovation est non-technique", a insisté Michel Godet, lors de la présentation du rapport à la presse, mardi. Et puisqu'on est dans les anglicismes : le bottom-up doit être privilégiée sur le top-down. En clair, l'initiative doit venir du bas. Dès lors, le rôle des acteurs locaux est davantage d'accompagner, de favoriser la créativité grâce au droit à l'expérimentation désormais inscrit dans la Constitution mais dont "l'application est rendue quasiment impossible". Au lieu de cela, "les politiques s'intéressent plus à l'arbre qui tombe qu'à la forêt qui pousse". "Il faut plutôt arroser les plantes qui poussent naturellement et ne pas s'évertuer à planter un arbre exotique qui ne prendra pas racine", souligne le "naturaliste".
Au rang des propositions, le rapport suggère la désignation de "sous-préfets à l'expérimentation" qui seraient chargés de lever les obstacles juridiques, règlementaires et administratifs aux innovations locales. Il préconise aussi la création d'un "revenu minimum territorialisé" pour retenir les habitants sur leur territoire. "Les gens fuient l'Ile-de-France à cause du coût de la vie", a encore expliqué Michel Godet. De la même façon, des incitations fiscales type zones franches viendraient soutenir les territoires dépeuplés ou à forte proportion de logements sociaux, comme Le Havre. Autre idée originale : la création d'un "baromètre de l'innovation" à partir d'un système d'évaluation de la RSI (responsabilité sociale de l'innovation).
Pour Michel Mercier, certaines de ces propositions, comme les sous-préfets à l'expérimentation, pourraient trouver une application rapide avec le plan d'actions en faveur des territoires ruraux présenté lors du Ciadt de la semaine dernière.

 

Michel Tendil

 

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