Archives

Environnement - Mer et littoral : comment concilier exploitation des ressources et respect des milieux naturels ?

Les premières Rencontres parlementaires de la mer et du littoral, qui ont fait salle comble le 15 avril, à Paris, ont abordé la question des rapports souvent conflictuels entre exploitation des ressources et conservation des milieux, auxquels sont confrontés les élus locaux. Illustration récente de ce dilemme : la concession que vient d'accorder le ministre de l'Economie pour l'extraction de sable coquillier dans la baie de Lannion, dans les Côtes-d'Armor.

Elus, chercheurs, agences de l'eau, conseillers ministériels et professionnels du secteur… bonne nouvelle : les enjeux liés à la bonne santé du littoral passionnent - du moins à voir le niveau d'affluence à ces premières rencontres parlementaires sur le sujet, qui ont réuni le 15 avril à Paris un parterre très hétéroclite d'invités. Pollutions et algues vertes, aquaculture - secteur qui fut estimé comme étant insuffisamment exploité lors de précédentes Assises de la mer (voir notre article dans l'édition du 19 juillet 2013) -, énergies marines, extraction du sable coquillier (lire ci-dessous notre encadré sur la concession d'extraction en baie de Lannion accordée par le ministre de l'Economie en contrepartie d'un contrôle strict), implication plus forte des régions dans la gestion des ports, besoin d'une politique publique à la hauteur des enjeux… "Il y un net besoin de dialogue, de rapprochement entre des acteurs éternellement opposés – par exemple les professionnels de la mer et les ONG. Il faut trouver des passerelles entre les mondes de l'exploitation et de la conservation, sans quoi il est difficile d'avancer", observe Bertrand Wendling, ingénieur à la tête d'une coopérative de pêcheurs.

Potentiel d'innovation

Les sujets allant un peu à vau-l'eau, ciblons les plus prégnants. "A l'échelle de la Méditerranée, la gestion des risques côtiers, les aménagements, les solutions liées au transport et rejet des sédiments sont d'actualité. Ils seront d'ailleurs au programme de notre prochaine conférence côtière et maritime, prévue fin novembre en Italie et dont l'ensemble des conclusions et travaux sera mis en ligne sur le site www.paralia.fr", aiguille Daniel Levacher, président du Centre français du littoral (CFL). L'an dernier, c'est lors de journées nationales du CFL qu'a été confirmé l'intérêt pour les communes du littoral de disposer sur leurs plages impactées par l'érosion d'un procédé déjà ancien, Ecoplage (voir notre article dans l'édition du 5 octobre 2006), conçu pour mieux fixer le sable et "engraisser" les plages, mais dont d'autres fonctions sont aujourd'hui explorées, par exemple produire de l'eau dessalée à partir du drainage effectué et l'utiliser pour alimenter les douches de plage. "L'économie, la croissance bleues ont un fort potentiel d'innovation et d'activité. En Europe, ils concernent déjà 5,4 millions d'emplois", rebondit Viviane Le Dissez, députée des Côtes-d'Armor. "Le littoral est un formidable laboratoire pour tester des solutions d'adaptation au changement climatique mais pour ce faire, il faut des moyens, or la recherche marine en manque", poursuit Françoise Gaill, conseillère scientifique au CNRS.
Pour le sénateur UMP de la Somme Jérôme Bignon, fraîchement désigné rapporteur du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, "inutile de pleurer sur son sort, la France, même dans l'application de certaines directives européennes, n'est pas toujours à la pointe mais conserve une certaine avance. Elle a influé sur plusieurs conventions internationales. Côté droit maritime, à l'heure où l'ONU se dirige vers un premier traité de la haute mer, il faut soutenir cette dynamique visant à combler un vide juridique et à mieux réguler cet espace, à tort de totale liberté, où tout le monde peut faire et fait ce qu'il veut". Au sujet de l'Agence française de la biodiversité, attendue à l'horizon 2016, il espère que l'absorption dans cette future structure de l'Agence des aires marines protégées, aux côtés de l'Onema, "musclera les actions et incitera à développer de nouveaux outils performants".

Place des élus

Dans la salle, des participants sont intervenus pour réclamer plus d'élus qui, comme ce sénateur, s'impliquent dans la protection du littoral, mais aussi dans celle des estuaires et zones humides. Ils sont présents, mais parfois discrètement, à travers leur dialogue régulier avec un établissement assis sur une légitimité devenue peu contestable : le Conservatoire du littoral, présidé par Viviane Le Dissez. L'établissement fête ses quarante ans cette année et a accéléré durant cette dernière décennie son rythme de protection, passant de 88.000 hectares en 2006 à 160.000 en 2015, dont 90.000 sont sa propriété. D'ici 2050, il s'est fixé l'objectif de protéger un tiers du linéaire côtier français. A son travail de fourmi, d'acquisition parfois parcelle par parcelle, les élus sont en effet associés. A noter que sous l'angle du changement climatique et dans le cadre du projet européen LiCCo (Littoraux et changements côtiers), qui a concerné la Normandie mais infusera jusqu'en Picardie et en Corse, l'établissement se rapproche un peu plus des élus en les sensibilisant aux conséquences sur les côtes dont ils assurent la gouvernance.

Morgan Boëdec / Victoires-Editions

Extraction de Sable de Lannion : les opposants s'insurgent contre la concession

La concession limitée pour l'extraction de sable coquillier dans la baie de Lannion (Côtes-d'Armor) accordée le 14 avril par Emmanuel Macron a suscité l'immédiate désapprobation des opposants à ce projet. "La baie est en danger, non seulement d'un point de vue environnemental, mais aussi sur le plan de l'emploi. Les premiers touchés, ce seront les pêcheurs professionnels qui ne pourront plus travailler à très court terme", a alerté l'opposant Alain Bidal, président du collectif "Le peuple des dunes du Trégor", à la sortie d'une réunion avec le ministre à Bercy. L'extraction, sollicitée par la Compagnie armoricaine de navigation (CAN, groupe Rouillier) en décembre 2009, a été limitée dans la concession qui vient d'être accordée, à un maximum de 250.000 m3 de sable par an, contre 400.000 envisagés initialement, et elle sera interdite pendant la période estivale, entre mai et août, a indiqué le ministère de l'Economie dans un communiqué diffusé après une rencontre avec les élus de la région, des opposants et des représentants de la CAN. L'extraction sera limitée à 50.000 m3 au cours de la première année, avant d'augmenter progressivement pour atteindre les 250.000 m3 après cinq années d'exploitation. L'arrêté préfectoral ne sera initialement délivré que pour une période d'un an "afin de rendre effectif le suivi des opérations d'extraction et en permettre l'arrêt si nécessaire", a précisé Bercy. "Les études concluent avec suffisamment de certitude à l'absence d'impact significatif sur l'environnement et les autres activités pour pouvoir débuter l'extraction", a constaté Emmanuel Macron, cité dans le communiqué. "Mais il faut être vigilant et démarrer progressivement avec un suivi strict pour pouvoir déceler tout impact imprévu et adapter en conséquence le projet", a-t-il ajouté. Les opposants du collectif ont exprimé leur désaccord pendant la réunion et ont quitté les lieux. "Puisque nous n'avions plus rien à faire en discussion, nous avons quitté la salle", a déclaré Alain Bidal. Quant à l'extraction limitée à 250.000 m3, il n'est pas convaincu par cette mesure. "Le problème ne réside pas dans les volumes. Dès l'instant où l'on attaque la dune, on attaque la biodiversité", a-t-il regretté. Alain Bidal a assuré que la mobilisation contre le projet allait se poursuivre. Emmanuel Macron et la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, ont lancé une mission d'inspection pour examiner "la manière dont les aspects environnementaux ont été pris en compte dans les différentes études et avis ainsi que dans les mesures d'encadrement et de suivi", a rappelé le ministère. Le rapport, rendu public début février, a confirmé, selon Bercy, que "toutes les procédures de concertation et d'enquête publique prévues par les textes ont été respectées". Le ministre de l'Economie a ouvert dans la foulée "une nouvelle phase de concertation" avant de communiquer sa décision. "Toutes les parties prenantes se sont largement exprimées", a précisé le ministère. Déposé en 2010 après enquête publique à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur avait rendu un avis favorable, le dossier attendait la réponse du ministre de l'Economie auquel revenait la responsabilité d'accorder ou non la concession minière. Source AFP

 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis