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Intercommunalité - Manuel Valls répond aux préoccupations des élus intercommunaux

S'exprimant ce 9 octobre à Lille lors de la convention annuelle de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), le Premier ministre a abordé plusieurs des sujets qui fâchent les élus intercommunaux. Ainsi, tout en maintenant l'objectif d'un seuil de 20.000 habitants, il s'est dit prêt à des "dérogations" dans les territoires ruraux et de montagne. Il a aussi été question de composition des conseils communautaires, de normes, de finances.

Le Premier ministre a effectué, ce 9 octobre à Lille, à l'occasion de la 25e Convention de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), le premier d'une série de quatre déplacements qui le conduiront en l'espace de moins d'un mois à des congrès d'associations d'élus locaux. Sa présence au rendez-vous annuel des communautés est à la fois "une première" et un "symbole", a souligné Charles-Eric Lemaignen, président de la communauté d'agglomération d'Orléans, qui vient de prendre la tête de l'association. Elle traduit la "reconnaissance" par le gouvernement "de la place et du poids des intercommunalités dans l'organisation territoriale", a lui-même déclaré Manuel Valls, qui connaît bien ces entités pour avoir présidé l'une d'entre elles, la communauté d'agglomération d'Evry. Porteur d'un "message de confiance" et de "soutien" aux 2.000 élus et cadres de l'intercommunalité présents, il a aussi tenté de répondre à plusieurs de leurs préoccupations.
Concernant la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin dernier, qui a censuré les accords locaux portant sur la composition des conseils communautaires, le Premier ministre a convenu qu'il faut "redonner plus de souplesse aux élus". "En lien avec votre association, des solutions ont été recherchées, dont je saisirai très prochainement le Conseil d'Etat", a-t-il déclaré. En promettant qu'une "nouvelle disposition sera votée au plus vite". Evoquant en particulier la proposition de loi Richard-Sueur, "elle pourrait être inscrite à l'ordre du jour si le Parlement en est d'accord", a-t-il indiqué. Alors qu'un tiers des communautés sont concernées ou sont susceptibles de l'être à court terme, Charles-Eric Lemaignen avait appelé à un vote définitif du Parlement dès la fin de l'année. Ce qui, selon lui, est possible si l'Assemblée nationale vote la proposition de loi sénatoriale sans modifications.

"Risque de paralysie"

Le Premier ministre a aussi tenu à rassurer les élus sur le calendrier des chantiers qu'ils ont à mener. Comment dès à présent définir les schémas de mutualisation, prévoir de nouveaux transferts de compétences communales et travailler sur les périmètres des communautés, alors que dans le même temps le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – qui entre autres fait passer le seuil minimum de population des communautés de 5.000 à 20.000 habitants – n'a pas été voté ? Les élus locaux n'ont pas manqué de souligner l'existence d'une contradiction et, du coup, d'un risque de "paralysie". "Certains attendent le vote de la loi avant de bouger. C'est – permettez-moi de le dire ainsi, une erreur. Il faudra engager de nouveaux rapprochements, autant commencer maintenant !", a lancé Manuel Valls aux élus. Dans la perspective de la définition d'ici fin 2015 des schémas départementaux de coopération intercommunale, le Premier ministre demandera aux élus et aux préfets "d'engager au plus vite la définition des bassins de vie locaux".
Sur ce sujet, il a dit son attachement à ce que les parlementaires maintiennent dans le projet de loi l'exigence d'une population minimale de 20.000 habitants pour les communautés. Toutefois, "il serait judicieux que le Sénat et l'Assemblée nationale puissent se mettre d'accord dès la première lecture sur les dérogations au seuil", a-t-il ajouté. Favorable à des dérogations "pour les zones de montagne et les territoires ruraux", Manuel Valls a proposé comme alternatives au critère de la population des critères comme "le nombre de communes ou la densité démographique". En outre, "je ferai confiance aux acteurs locaux", a-t-il promis. "Pourquoi ne pas donner aux commissions départementales [de la coopération intercommunale] et aux préfets de département un pouvoir de modulation du seuil ?", a-t-il suggéré.

20.000 habitants : "cela reste l'objectif"

Si le Sénat pourrait être tenté de diminuer le seuil de 20.000 habitants au cours de la première lecture du projet de loi qui aura lieu en novembre, l'Assemblée pourrait le rétablir (vraisemblablement en janvier, a indiqué récemment un sénateur bien informé). "Il faut garder cet objectif, car il concourt à une montée en puissance", a en effet estimé Olivier Dussopt, rapporteur au Palais Bourbon. Tout en ajoutant qu'il faudra "préciser les conditions de dérogation pour les zones peu densément peuplées". Estelle Grelier, député et secrétaire nationale du PS en charge de la décentralisation, a défendu la même ligne. Le débat sera en tout cas suivi de près par les 1.507 intercommunalités à fiscalité propre (soit plus de 70% du total) qui n'atteignent pas 20.000 habitants.
Le Premier ministre a confirmé qu'il envisage à l'horizon 2020 la création de fédérations des intercommunalités à la place des conseils départementaux (là où les intercommunalités autres que les métropoles sont suffisamment puissantes). Une solution qui, pour lui, s'appliquerait à moins des trois quarts des départements. En effet, contrairement à ce qu'a par exemple évoqué le président de l'Association des régions de France, le chiffre de douze ou treize départements où serait maintenu le département "est trop bas", a estimé Manuel Valls. On notera que cette idée de fédération des intercommunalités est accueillie positivement par plus du tiers des présidents de communautés (lire notre article du 8 octobre).

Le gouvernement accélère sur la simplification

En l'état, cette hypothèse serait "anticonstitutionnelle", a toutefois prévenu Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, présent à Lille. Sa mise en œuvre buterait sur le fait qu'aujourd'hui, les intercommunalités ne sont pas des collectivités territoriales. En tout cas, malgré leurs ambitions, les présidents d'intercommunalités ont été unanimes pour refuser d'exercer la compétence de distribution des allocations individuelles de solidarité (APA, PCH et RSA) à la place des départements. Le président de l'AdCF a souhaité plutôt que, dans ce domaine, les caisses d'allocations familiales prennent la main.
S'agissant des finances locales, Charles-Eric Lemaignen s'attendait à de "mauvaises nouvelles" de la part du Premier ministre. Finalement, sur ce dossier aussi, Manuel Valls s'est voulu rassurant. Evoquant les amendements préparés par les députés de la commission des finances pour encourager l'investissement local menacé par la baisse des dotations, il s'est dit persuadé que des "bonnes pistes" seraient trouvées. Il a aussi annoncé avoir signé le matin même une circulaire qui fixe un principe simple : "dès 2015, le coût net des nouvelles normes pour les collectivités devra être nul, comme pour les entreprises" (sur ces sujets liés aux finances, voir nos articles de l'édition d'aujourd'hui). C'est le signe que le gouvernement accélère la lutte contre l'inflation normative. "Plus que jamais, l'intercommunalité est l'avenir de notre pays", a conclu le Premier ministre, en précisant que la commune reste "le point d'attachement" de nos concitoyens. Une nuance dont ne s'était pas embarrassé Daniel Delaveau, ancien président de l'AdCF, déclarant un peu plus tôt sans ambages que "la communauté, c'est la commune de demain".

 

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