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Intercommunalité - Le Conseil constitutionnel censure la faculté de fixer par accord la répartition des conseils communautaires

L'institution de la rue Montpensier a rendu ce 20 juin une décision lourde de conséquences. Le législateur devra se pencher à nouveau sur la question sensible des règles de détermination du nombre et de la répartition des délégués dans les conseils communautaires.

Le Conseil constitutionnel a censuré, ce 20 juin, les dispositions législatives autorisant les communes membres des communautés de communes et d'agglomération à déterminer par un accord entre elles le nombre de leurs délégués communautaires. Saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité, les Sages ont jugé que ces dispositions de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 "méconnaissent le principe d'égalité devant le suffrage".
Les organes délibérants des EPCI à fiscalité propre "doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques", ont-ils relevé. Un principe fondamental que, selon eux, un accord entre les communes à la majorité dite "qualifiée" ne permet pas de garantir. En effet, dans ce cadre, il doit seulement "être tenu compte de la population" des communes. Le Conseil constitutionnel en déduit qu'il y a là une dérogation au principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque commune membre de l'EPCI "dans une mesure qui est manifestement disproportionnée".

Les électeurs inégaux

La commune requérante, Salbris (5.704 habitants) dans le Loir-et-Cher, ne se satisfaisait pas des 7 délégués communautaires qui la représentent au sein du conseil de la communauté de communes de la Sologne des Rivières. Avec 12.160 habitants, cet EPCI compte sept autres communes, toutes moins peuplées que Salbris, et au total 23 délégués communautaires. Avec l'accord mis en place sur le nombre des délégués communautaires, "un électeurs de Salbris pèse deux fois moins lourd dans la décision intercommunale qu'un électeur du village voisin de Souesmes (qui a trois délégués pour 1.152 habitants)", plaide Philippe Bluteau, avocat de la commune, joint par Localtis. Mais en exploitant jusqu'au bout la latitude accordée par la loi, c'est-à-dire en attribuant 3 sièges à Salbris et 2 sièges à chacune des autres communes, l'écart de représentativité entre les délégués communautaires de la première commune et ceux de ses voisines aurait été de 1 à 15. En revanche, l'application des règles de droit commun aurait restreint l'écart de représentativité des délégués communautaires de 1 à 1,35.
La censure est applicable dès ce 20 juin à toutes les répartitions à venir des sièges de conseillers communautaires. Sans attendre les élections municipales de 2020, ce sera le cas si le conseil municipal de l'une des communes membres de l'intercommunalité est renouvelé et pour toutes les communes qui ont attaqué en justice la configuration du conseil communautaire. La décision va aussi s'appliquer aux nombreuses communautés appelées à fusionner avec d'autres dans le cadre de la réforme territoriale. Les communautés de communes et d'agglomération concernées sont d'autant plus nombreuses que 90% d'entre elles ont choisi l'année dernière de déterminer le nombre de leurs délégués par la voie d'un accord.

Un frein aux fusions ?

L'Assemblée des communautés de France (ADCF) se dit à moitié surprise. Elle s'attendait à ce que le Conseil constitutionnel censure tôt ou tard le dispositif de la loi du 16 décembre 2010. Mais pas pour les motifs invoqués dans la décision de ce 20 juin. Au moment de la préparation de la loi, l'association avait ardemment milité pour qu'à côté du cadre fixé par la loi, existe la possibilité d'un accord entre les communes sur le nombre et la répartition des délégués communautaires. De leur côté, l'administration de l'Etat et le rapporteur au Sénat penchaient pour la seule application de la loi, qui s'inspire des règles en place dans les communautés urbaines. "La mise en oeuvre des règles de détermination du nombre de délégués fixées par la loi ne nous amènera pas à une proportionnalité stricte", qui est impossible à atteindre, prévient l'ADCF. En faisant ainsi, on aboutirait même à des écarts de représentativité très importants (allant de 1 à 20) entre les délégués de certaines communes, souligne-t-elle. En particulier entre ceux des communes de petite taille bénéficiant d'un siège de droit et ceux des communes de quelques milliers d'habitants auxquelles il aura été attribué seulement un petit nombre de sièges. Sous réserve de simulations précises, l'application des règles de représentation fixées par la loi pourrait freiner les fusions, s'inquiète l'ADCF. "L'intercommunalité a peut-être besoin de deux mécanismes de représentation des communes : l'un, égalitaire, sous la forme d'une conférence des maires, et l'autre qui applique la règle de proportionnalité, à savoir le conseil communautaire", conclut l'association.

Thomas Beurey / Projets publics

Référence : Conseil constitutionnel, décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014 (commune de Salbris).