Congrès de l'ARF - Les régions revendiquent la compétence exclusive du développement économique
"Notre cœur de métier, c'est le développement économique." Et, pour passer des mots aux actes, il nous faut des moyens. C'est en substance le message qu'ont voulu porter les présidents de région, réunis ce jeudi 9 octobre à Toulouse à l'occasion du dixième congrès de l'Association des régions de France (ARF).
S'exprimant tour à tour à la tribune ou par l'intermédiaire de courtes vidéos, les présidents de région se sont donc employés à faire valoir la compétence régionale en matière d'accompagnement des entreprises à tous les stades de leur développement. "On fait du cousu main", s'est ainsi prévalu Jean-Paul Denanot, président de la région Limousin. Preuve à l'appui : le témoignage d'une chef d'entreprise, dirigeante de France Paratonnerres, ayant reçu de la région limousine une avance remboursable de 200.000 euros. Cette avance a été "déterminante pour mettre en place notre plan de recherche et développement" et apporter ainsi une "innovation différenciée" sur un "marché très concurrencé", selon Elysabeth Benali, présidente de la société appelée à témoigner devant le parterre d'élus régionaux.
"Le couple qui fonctionne, c'est le couple formé par la région et la PME"
Ainsi, pour Alain Rousset, président de la région Aquitaine et de l'ARF, "le cœur de métier" des régions, c'est même plus spécifiquement "l'accompagnement des PME". "Le couple qu'il faut retenir, le couple qui fonctionne, c'est le couple formé par la région et la PME", selon Alain Rousset. Et, pour ce dernier, les perspectives sont prometteuses. En témoignent les premières expérimentations en Aquitaine du projet "Usine du futur" - le 34e plan de la France industrielle dans lequel les régions sont aux premières loges (voir nos articles ci-contre) -, se référant aux résultats "spectaculaires" de l'entreprise Turbomeca inspirant le projet "Usines du futur", une entreprise associant de façon originale les salariés à la stratégie de production. Ce qui est tout autant "spectaculaire" pour le président de l'Aquitaine, c'est l' "effet de levier" que permet l'aide régionale sur le développement des PME : une "hausse du personnel de 90%" observée sur sa région, quand les PME non-aidées ne seraient qu'à "10-20%". Des chiffres à manier cependant avec précaution, dans la mesure où les aides financières, notamment publiques, se dirigent naturellement d'abord vers les sociétés à haut potentiel.
"Responsabilité exclusive de l'appui aux PME et ETI"
Pourtant, pour Alain Rousset, l'équation ne fait pas de doute. Et le problème qui en limite actuellement la portée non plus : des moyens financiers limités de la région, liés notamment à une dispersion de la compétence "développement économique" dans l'architecture actuelle des compétences engendrant des "coûts de gestion" - avec, à côté des régions, l'Etat central et déconcentré, Banque publique d'investissement, les intercommunalités et les départements. Au final, "une PME allemande est cinq fois plus aidée qu'une PME française".
Pour mieux les soutenir, les régions proposent donc de "simplifier la vie des PME
et accompagner leur croissance grâce à un interlocuteur unique". Plus précisément, il s'agit de reconnaître à la région la "responsabilité exclusive de l'appui aux PME et ETI", afin de mettre en œuvre un "pacte de soutien et d'accompagnement" de ces dernières en matière d'innovation. Et, pour cela, de donner aux régions les moyens adéquats. Ces propositions figurent dans les "Dix propositions pour la réforme territoriale" de l'ARF, dont le détail a été communiqué à l'occasion du congrès. "Le deuxième texte de loi doit aller plus loin que le brouillon actuel", avec des précisions "sur les compétences" et "sur les ressources", notamment fiscales, a précisé Alain Rousset.
En matière de calendrier, les régions revendiquent là encore de la clarté : un vote des deux lois avant la fin de l'année, au plus tard début 2015, pour que les électeurs soient appelés à désigner leurs représentants, fin 2015, sur les régions remodelées. Sinon, "on risque d'avoir un vote complètement désincarné de l'action publique".
Le format des CPER "inacceptable"
Au passage, les moyens dont disposeront les régions se jouent aussi actuellement dans la négociation sur les contrats de plan Etat-régions (CPER). Les régions ont d'ores et déjà fait savoir à Manuel Valls que les "lettres soumises aux préfets ne (leur) conviennent pas". Le Premier ministre, qui s'exprimera demain, sera appelé à répondre sur ce point. Dans le format actuel, c'est "inacceptable", a même glissé l'un des présidents de région lors d'une conférence de presse. Pour rappel, les CPER prévoient globalement pour 2015-2020 une baisse d'environ 500 millions d'euros par rapport à la période précédente (2007-2013), mais surtout avec un champ plus large puisqu'ils intégreront les routes. Pour Alain Rousset, posent notamment problème la répartition route-rails et le budget prévu pour l'enseignement supérieur et la recherche. Ce dernier passerait en effet de 2,9 milliards d'euros à 957 millions d'euros.
Participant à la première matinée du congrès, Marylise Lebranchu a appelé les régions à faire "cohérence", à favoriser "un lien fort entre le milieu rural et le milieu urbain". "Ce qu'il manque souvent au milieu rural, c'est l'ingénierie", a précisé la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, suggérant aux régions de systématiser le recours au contrat avec les collectivités de niveau inférieur et d'appuyer ces dernières par des "dotations d'ingénierie et pas simplement des dotations sur un projet".
Principe de précaution financier
A ce propos, les régions ont plusieurs idées pour "réduire les inégalités territoriales et lutter contre le sentiment d'abandon de nos concitoyens" (proposition 8) ; elles entendent notamment "créer un couple régions-EPCI, pour assurer les synergies entre les objectifs stratégiques de la région et les 'territoires de projet'". Sur le plan financier (proposition 7), les régions préconisent d'instaurer un "principe de précaution financier" visant à obliger les acteurs publics à faire des "provisions" lorsque leurs ressources évoluent de façon favorable pour mieux "résister en cas de retournement de la conjoncture économique".
Quant aux relations Etat-régions, les régions demandent une nouvelle fois à l'Etat de se recentrer sur les "grands objectifs de la Nation et ses compétences régaliennes et de péréquation". Appelant à une réelle coopération "au niveau de chaque territoire", Marylise Lebranchu a renvoyé la balle aux régions, considérant que les "silos" handicapant l'action publique se trouvaient aussi sur le plan local. Pour ce probable "dernier congrès des 27 régions" - selon Martin Malvy qui accueille ses homologues dans sa région -, c'est Manuel Valls qui aura, demain, le dernier mot.